La frontière entre le vivant et le minéral pourrait se situer là où l’organisation cesse d’être interactive, adaptative et historisée.
C'est à dire :
Critère Minéral Vivant épigénétique
Organisation Fixe, stable Dynamique, modulable
Réponse au contexte Passive Active, adaptative
Mémoire Non historique Historique, contextuelle
Transmission Répétition Hérédité modulée
Certains systèmes minéraux (ex : cristaux, structures auto-organisées) "font comme" des formes vivantes. Mais ils ne construisent pas leur propre histoire.
On peut donc dire que la vie a emprunté à des processus inanimés le même mécanisme que celui utilisé pour produire ces structures étonnantes que sont les cristaux.
Ce qui suggère :
- Il existe une continuité de processus formels entre le minéral et le vivant.
- La vie n'invente pas ex nihilo ; elle exploite ou s'adosse à des mécanismes physiques préexistants.
Notamment ceux capables de structuration spontanée : cristallisation, auto-organisation, symétrie, croissance par accrétion...
D’un point de vue physico-chimique :
- Les cristaux se forment par ordre émergent, en fonction de règles locales simples.
- De même, des structures biologiques (protéines, membranes, ADN) reposent sur des principes d’auto-assemblage.
Le vivant aurait ainsi repris des mécanismes d’organisation minérale, mais les aurait détournés pour en faire des structures dynamiques, régulées, historisées.
Dans les ténèbres du monde minéral,
quelques souffles élémentaires s’agitent :
eau, roche, feu, gaz.
Le carbone y circule,
encore solitaire, pris dans le froid du CO₂,
ou flottant dans le méthane,
aveugle à sa propre richesse.
Puis vient la lumière, les éclairs, la chaleur sourde des failles.
Des liens se forment : HCN, formaldéhyde, acide formique.
Premiers frémissements d’une chimie plus souple.
Là, le carbone ouvre ses quatre bras.
Il s’agrippe, s’articule, compose.
Il ne copie plus, il invente des chaînes,
se lie à l’azote, l’oxygène, le soufre,
et surtout à lui-même.
C’est ici que naît sa tétravalence vivante —
non comme simple propriété,
mais comme puissance de liaison fluide et versatile.
Dès lors, les molécules commencent à s’enrouler,
à se répondre,
à se souvenir.
Et dans cet enchevêtrement naissant,
le carbone devient fonction. *
Ainsi la vie emprunte au minéral des mécanismes formels d’organisation, mais elle y ajoute une couche dynamique de régulation, d’interprétation et de mémoire —
ce qui fait d’elle un processus historique, et non une simple forme.
D’un point de vue peircéen :
- Le cristal, c’est de la priméité se stabilisant en secondéité : une forme émerge sans intention.
- La vie ajoute de la tiercéité : une interprétation, une fonction, un régime de sens évolutif.