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liquidateurs

Une section encore du musée est consacrée aux pilotes d’hélicoptère… Le colonel Vodolajski… Un héros de la Fédération de Russie enterré en terre biélorusse. Lorsqu’il a dépassé la dose maximale, il n’a pas voulu être évacué. Il est resté pour apprendre la technique à trente-trois équipages supplémentaires. Il a fait lui-même cent vingt vols et balancé sur la centrale entre deux  et trois cents tonnes de sable. Quatre à cinq vols par jour. A trois cents mètres au-dessus du réacteur, la température dans la carlingue atteignait soixante degrés. Vous pouvez vous imaginer ce qu’il en était en bas, pendant la durée de l’opération. La radioactivité atteignait 1800 röntgens par heure. Les pilotes avaient des malaises en plein vol. Pour balancer leurs sacs de sable dans l’orifice brûlant de la centrale, ils sortaient la tête de la carlingue et faisaient une estimation visuelle. Il n’y avait pas d’autre moyen… Aux réunions de la commission gouvernementale, on rapportait les choses d’une manière très simple : "Pour cela, il faut mettre une vie. Et pour ceci, deux ou trois vies…" Une manière très simple. La banalité du quotidien…

Le colonel Vodolajski est mort. Sur sa fiche médicale, les médecins ont noté six rems. En vérité, ce sont six cents !

Et les quatre cents mineurs qui creusaient jour et nuit une galerie sous le réacteur ? Il fallait creuser ce tunnel pour y verser de l’azote liquide et congeler un coussin de terre, comme disent les ingénieurs. Autrement, le réacteur aurait risqué de s’enfoncer dans les eaux souterraines. Ces mineurs venaient de Moscou, de Kiev, de Dniepropetrovsk. Ils ne sont mentionnés nulle part. Nus, accroupis, ils poussaient devant eux des wagonnets. La température atteignait cinquante degrés, et la radiation, des centaines de röntgens.

Maintenant, ils agonisent. Et s’ils n’avaient pas fait cela ? Ce sont des héros et non pas des victimes de cette guerre qui semble ne pas avoir eu lieu.

 

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: Témoignage de Sergueï Vassilievitch Sobolev, vice-président de l'association biélorusse "Le bouclier de Tchernobyl" dansLa supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, page 139-140

[ sacrifices ] [ question ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

liquidateurs

Le colonel Iarochouk est en train de mourir. C’est un chimiste-dosimétriste. Un gars énorme. Maintenant, il est paralysé. Sa femme le retourne comme un coussin. Elle le nourrit à la cuillère. Il a des calculs rénaux. Il aurait fallu les éliminer, mais nous n’avons pas assez d’argent pour l’opération. Nous sommes des mendiants. Nous n’existons que grâce aux aumônes. Et l’état se comporte comme un escroc qui a abandonné ces gens. Lorsqu’il mourra, on donnera son nom à une rue, à une école ou à une unité militaire. Mais ce sera après sa mort… Le colonel Iarochouk… Il marchait dans la zone en déterminant les limites des points de plus forte contamination. En d’autres termes, on l’employait comme un robot biologique, dans le vrai sens du terme. Il le savait très bien, mais il remplissait son devoir avec ses dosimètres, en partant de la centrale elle-même et en suivant les rayons d’un cercle, secteur après secteur. Dès qu’il découvrait une "tache", il en suivait les contours pour la porter avec exactitude sur la carte. 

Et les soldats qui ont travaillé sur le toit du réacteur ? Au total, deux cent neuf unités militaires ont été envoyées pour liquider les conséquences de la catastrophe. Cela fait près de trois cent quarante mille hommes. Un véritable enfer, pour ceux qui ont nettoyé le toit… On leur donnait des tabliers en plomb, mais la radiation venait d’en bas et, là, ils n’étaient pas protégés. Ils portaient des bottes en similicuir… Ils passaient là-haut entre une minute trente et deux minutes par jour… Puis on les versait dans la réserve avec un diplôme d’honneur et une prime de cent roubles. Et ils disparaissaient dans les étendues infinies de notre grande patrie. Sur le toit, il fallait ratisser le combustible nucléaire et le graphite du réacteur mélangés à des morceaux de béton et de charpente… Vingt à trente secondes pour charger un bard et autant pour balancer les décombres du toit. A lui seul, le bard pesait une quarantaine de kilos. Alors, vous pouvez vous imaginer la chose : le tablier de plomb, le masque, le bard et l’allure vertigineuse… […] Les robots téléguidés refusaient souvent d’exécuter les autres, ou faisaient autre chose que ce qui leur était demandé : leurs circuits électroniques étaient détruits par les radiations. Les soldats étaient plus sûrs. On les a surnommés les "robots verts" (à cause de la couleur de leur uniforme). Trois mille six cents soldats sont passés par le toit du réacteur. Ils dormaient par terre. Tous racontent qu’au début ils utilisaient du foin pour se faire des paillasses, dans les tentes. Or, ce foin, ils le prenaient dans des meules, près du réacteur. 

De jeunes gars. Ils sont en train de mourir actuellement, mais ils comprennent que, s’ils n’avaient pas fait tout cela…

A un moment donné, il existait un risque d’explosion nucléaire. Pour l’éviter, il a fallu vider le réservoir d’eau lourde sous le réacteur pour qu’il ne s’écroule pas dedans. L’eau lourde est une composante du combustible nucléaire. Vous imaginez ce qui aurait pu se passer. La mission était donc de plonger dans l’eau lourde et d’ouvrir la soupape de vidange. A celui qui y parviendrait, on a promis une voiture, un appartement, une datcha et une pension à ses proches jusqu’à la fin de leurs jours. Et il y a eu des volontaires. Les gars ont plongé à plusieurs reprises et ils sont parvenus à ouvrir la soupape. On a donné sept mille roubles à l’ensemble de l’équipe et on a oublié les voitures, les appartements et le reste. Mais ce n’est pas à cause de cela qu’ils ont plongé ! Les biens matériels n’étaient pas leur premier souci. 

Ces gens ne sont plus de ce monde… Il ne reste que des documents dans notre musée… Des noms…. Mais s’ils avaient refusé de le faire ? Le sens de l’abnégation… En cela, personne ne nous arrive à la cheville…

Auteur: Alexievitch Svetlana

Info: Témoignage de Sergueï Vassilievitch Sobolev, vice-président de l'association biélorusse "Le bouclier de Tchernobyl" dansLa supplication, Editions Jean-Claude Lattès, 1998, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, page 136-138

[ sacrifice ] [ héros ] [ likvidatory ] [ sacrifiés ] [ martyrs de l'atome ] [ chair à canon post-atomique ]

 
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