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compromission

Si c’est ça l’écriture, si c’est ça la poésie, je demande qu’on m’inocule de ce pas des parasites dans la tête : j’ai gagné 47$ en 20 ans d’écriture et je pense que ces 2$ de revenus par an (sans compter les timbres, le papier, les enveloppes, les rubans, les divorces et les machines à écrire) me dispensent de subir cette dinguerie particulière et si je dois tenir la main de ces dieux en cartons pour promouvoir une rime édentée, j’aime autant voir mes mains pleines de kystes et me réfugier au paradis des refus.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Sur l'écriture", lettre à James Boyer May, 13 décembre 1959

[ vacherie ] [ éditeurs ] [ jugement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

stratégie

... la forêt s'étendait ailleurs en de véritables rubans-frontières, semblables à ce murus nativus que César avait jadis reconnu entre les territoires suève et chamave, et qui bornant souvent le territoire des cités gallo-romaines et de leurs héritiers territoriaux, les diocèses de la toute jeune Eglise chrétienne, allaient longtemps encore matérialiser les frontières des royaumes barbares : ainsi la Forêt Charbonnière, qui faisait écran entre les diocèses de Cambrai et de Tongres, sépara-t-elle la Neustrie de l'Austrasie; ainsi la forêt vosgienne, frontière entre les diocèses de Toul et de Besançon, sépara-t-elle la Neustrie de la Burgondie...

Auteur: Lebecq Stéphane

Info: Nouvelle histoire de la France médiévale, t. 1 : Les origines franques, Ve - IXe siècle, 895, Points Histoire n°201, p. 19-20

[ jungle ] [ arbres ] [ nature ] [ guerre ]

 

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engins

Une machine bourdonnante, plus petite qu'un canari, volait dans les airs et y attrapait des mouches auxquelles elle fixait des rubans sous la queue, avant de les laisser repartir librement. Une autre plus trapue brossait fort la roche qu'elle couvrait jusqu'à ce que l'on aperçût, à travers l'épaisseur de la Terre, les Antipodes et leurs villes renversées, dans lesquelles les gens allaient les pieds en haut et la tête en bas comme des fous, si bien que les pirates purent jeter un oeil sous les jupes des femmes de là-bas, en ricanant : "Voilà une invention utile !"

Auteur: Cartarescu Mircea

Info: In "Le Levant", éd. P.O.L., p. 78

[ surréaliste ] [ transparence ] [ voyeurisme ] [ science-fiction ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

intuition

Le Jardin Botanique était vide à cette heure, l'aube encore un souvenir. Neuman marcha sur la pelouse taillée à l'anglaise, ses chaussures à la main. L'herbe était tendre et fraîche sous ses pieds. Les feuillages des acacias frémissaient dans l'obscurité. Neuman rabattit les pans de sa veste et s'agenouilla près des fleurs. "Wilde iris (Dictes grandiflora)", disait l'affichette. Il y avait encore les rubans de la police, qui battaient dans la brise... On n'avait pas retrouvé le sac de Nicole sur les lieux du crime. Le tueur l'avait emporté. Pourquoi ? L'argent ? Qu'est-ce qu'une étudiante pouvait avoir dans son sac à main ? Il leva les yeux vers les nuages affolés qui filaient sous la lune. Le pressentiment était toujours là, omniprésent, qui lui comprimait la poitrine.

Auteur: Férey Caryl

Info: Zulu

[ inquiétude ]

 

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dernières paroles

Voici le plus fort de tous les suicides, celui de Thérèse Lortet et de son amant Gian Faldoni. Il vient de s'exécuter à Lyon, au mois de juin.
Un jeune homme très connu, beau, bien fait, aimable, plein de talents, est amoureux d'une jeune fille que les parents ne veulent point lui donner. Jusqu'ici ce n'est que la première scène d'une comédie, mais l'étonnante tragédie va suivre.
L'amant se rompt une veine par un effort. Les chirurgiens lui disent qu'il n'y a point de remède : sa maîtresse lui donne un rendez-vous avec deux pistolets et deux poignards afin que si les pistolets manquent leur coup, les deux poignards servent à leur percer le coeur en même temps.
Ils s'embrassent pour la dernière fois ; les détentes des pistolets étaient attachées à des rubans couleur de rose ; l'amant tient le ruban du pistolet de sa maîtresse ; elle tient le ruban du pistolet de son amant. Tous deux tirent à un signal donné, tous deux tombent au même instant.

Auteur: Voltaire

Info: Dictionnaire Philosophique, Précis de quelques suicides singuliers

 

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mégalomanie

Un mois auparavant, des voisins ayant porté plainte, il avait signé ses explications à la milice : "Serge Ivanovitch Kalmykov, génie nº1 de la Terre et de la Galaxie, décorateur des ballets Abaï." En ces temps où un seul être passait pour être le génie de l'humanité, pareille audace pouvait coûter cher, marquant soit une dérision, soit une intention de concurrence. Des hypothèses de cet ordre avaient, semble-t-il, été émises en haut lieu. Les choses en restèrent là. Un personnage important, ayant croisé Kalmykov dans la rue, s’était dit sans doute que cette tête-là ne lui rapporterait pas lourd. Il avait tort. Que le peintre fit son apparition dans la rue, et il se produisait aussitôt un brouhaha. La circulation ralentissait. Les gens s'arrêtaient. Un être insolite s'offrait à leurs regards : rouge, jaune, vert, bleu, couvert de passepoils, de franges, de rubans. "Imaginez, disait-il, qu'on nous regarde du fin fond de l'Univers. Que verrait-on ? Une masse rampante, morne et grise. Mais, soudain, comme un coup de feu, éclaterait une tache de lumière. Et ce serait moi !"

Auteur: Dombrovskij Ûrij Osipovic

Info: La faculté de l'inutile

[ égoïsme ] [ humour ] [ exagération ]

 

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deuil

Arrêtez les horloges, coupez le téléphone,

Jetez un os au chien pour faire taire ses aboiements,

Faites taire les pianos et, au son d'un tambour voilé,

Sortez le cercueil, qu'avance le cortège endeuillé.



Que les avions tournoyant dans les airs gémissent 

Et tracent sur le ciel le message : Il est mort.

Nouez des rubans de crêpe au cou blanc des pigeons des squares,

Et que les mains des gendarmes soient gantées de coton noir.



Il était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest,

Ma semaine de labeur et mon dimanche de sieste,

Mon midi, mon minuit, ma langue, ma chanson;

Je croyais que l'amour durerait à jamais: je sais à présent que non.



Eteignez les étoiles; elles ne sont pas conviées à la veille.

Remballez la lune et démontez le soleil,

Videz l'océan et balayez les forêts;

Car plus rien de bon ne saura désormais advenir .

Auteur: Auden Wystan Hugh

Info: Funeral Blue

[ poème ] [ déclamation ]

 

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mégalo

Néron parut plusieurs fois sur le théâtre pour disputer le prix du chant et de la poésie. Il était si jaloux de sa voix, qui cependant n'était pas belle, que, de peur de la diminuer, il se privait de manger certains mets qu'il aimait, et se purgeait fréquemment. Lorsqu'il devait chanter en public, des gardes étaient répandus d'espace en espace pour punir ceux qui n'auraient point paru assez sensibles aux charmes desavoix. Vespasien, homme consulaire, ne put cependant un jour s'empêcher de dormir, quoique ce fût un empereur qui chantât, et ce léger sommeil pensa lui coûter la vie.
Cet empereur comédien fit le voyage de la Grèce, pour entrer en lice aux jeux olympiques. Il entreprit de courir le stade sur un char attelé de dix chevaux. Mais à peine eut-il commencé sa course, qu'il tomba de son char; il n'en fut pas moins proclamé vainqueur et couronné.
Il disputa pareillement les prix des jeux isthmiques, pythiens, néméens et de tous les autres jeux de la Grèce. Un Grec, habile chanteur, mais mauvais courtisan, ayant eu l'imprudence de chanter mieux que l'empereur, Néron fit monter sur le théâtre les acteurs qui lui servaient de ministres dans l'exécution de la pièce. Ils se saisirent du musicien, et l'ayant adossé à une colonne, ils lui percèrent la gorge avec des stylets qu'ils portaient cachés dans des tablettes d'ivoire. Néron remporta de ses différents combats dix-huit cents couronnes. Lorsqu'il revint à Rome, il y parut en héros qui venait de triompher des ennemis de l'empire. Il était dans le même char dont Auguste s'était servi pour ses triomphes. Il était vêtu d'une robe de pourpre et d'une casaque semée d'étoiles d'or. Il portait sur sa tête la couronne olympique, qui était d'olivier sauvage, et dans sa main droite la couronne pythienne, faite d'une branche de laurier. Il avait à ses côtés un musicien nommé Diodore.
On portait devant lui les couronnes qu'il avait gagnées, et il était suivi d'applaudisseurs à gages dont il avait formé une compagnie aussi nombreuse qu'une légion.
Ils chantaient la gloire du triomphateur. Le sénat, les chevaliers et le peuple accompagnaient cette honteuse pompe, et faisaient retentir l'air d'acclamations. Toute la ville était illuminée, ornée de festons, et fumante d'encens. Partout où passait le triomphateur, on immolait des victimes, les rues étaient jonchées de poudre de safran; on jetait sur lui des fleurs, des rubans, des couronnes; et, conformément aux usages des Romains, des oiseaux et des pièces de pâtisserie. On avait abattu une arcade du grand cirque. Tout le cortège passa par cet endroit, vint dans la place, et se rendit au temple d'Apollon Palatin. Les autres triomphateurs portaient leurs lauriers au Capitole; Néron, dans un triomphe tel que le sien, voulut honorer le dieu des arts.

Auteur: Internet

Info: Histoire des empereurs

[ pouvoir ] [ folie ]

 

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historique

Versailles est né sans "chambre de la reine "! Versailles est un rendez-vous de chasse purement masculin ! "Un grand nombre de femmes me gâterait tout ", déclarait Louis XIII." Néanmoins, il y invite Anne d'Autriche sa femme en novembre 1626. "Mais il ne garda pas la reine à coucher malgré ses 25 ans...". Il ne s'intéresse pas au sexe. Il s'y intéresse si peu que lors de sa nuit de noce, il mange comme un ogre - sans tenir compte des conseils qu'on lui donne - puis marque sur son journal "rien" au lendemain de sa première nuit conjugale. Marié en 1615, il ne devient le père de Louis XIV qu'en 1638... Anne d'Autriche, la Reine mère, craint pour son fils la même inappétence. Elle désigne une "professionnelle" de 38 ans pour initier le jeune Louis aux plaisirs de la chair. Il n'a alors que 14 ans.
Cette "vieille pute", ainsi que le disent Michel Vergé-Franceschi et Anna Moretti, est "connue dans l'Histoire sous le nom de "Cateau la Borgnesse". Son vrai nom est Catherine-Henriette Bellier. Fille d'un marchand d'étoffes, elle est devenue la femme de chambre préférée d'Anne d'Autriche. Comment ? Pourquoi ? Les auteurs du livre hésitent. Cateau est très habile dans l'art de pratiquer le lavement anal : "elle excelle en effet dans l'introduction des clystères, alors fort prisés." Par ailleurs, Cateau jouit "d'un atout : sa lubricité, doublée de la complaisance d'un mari peu jaloux. Ce dernier, Pierre Beauvais, lui-même marchand de rubans à Paris, est suffisamment fier d'être l'époux de la servante-confidente préférée de la Reine pour accepter les écarts de celle-ci." Cateau, disent-ils est une "sorte d'infirmière diplômée à la cuisse hospitalière". C'est donc cette femme qui est chargée de déniaiser Louis XIV.
"Elle s'y emploie avec délectation et finit par atteindre son but - enfin ! - pour ses 16 ans, d'où deux mille livres de pension, l'octroi d'un château et une foule d'autres privilège". Louis dépucelé, Pierre Beauvais voit ses terres érigées en baronnie et, de modeste marchand de mode, le voilà promu "conseiller du roi". Quant à sa femme, elle devient, sous le nom de "baronne de Beauvais", une femme que Louis protégera jusqu'à sa mort, survenue à 76 ans, en 1689, preuve qu'elle l'avait bien initié et que ce premier souvenir sexuel lui était plutôt agréable... "Il faut dire que Cateau était femme de grande expérience, si l'on en croit Saint-Simon qui la définit ainsi : "Créature de beaucoup d'esprit, d'une grande intrigue, fort audacieuse, qui eut le grappin sur la Reine mère, et qui était plus que galante. Habituée aux "grands", Cateau - pourtant fort laide et borgne si l'on en croit le mascaron féminin de l'hôtel de Beauvais qui la représenterait édentée et aux lèvres négroïdes - était une femme experte, couverte d'amants parmi lesquels Mgr l'archevêque de Sens".

Auteur: Vergé-Franceschi Michel

Info: Une Histoire érotique de Versailles, article d'AGNÈS GIARD sur les 400 culs. Ecrit avec Anna Moretti

[ gaule ] [ sexe ] [ pouvoir ]

 

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affrontement racial

J'ai juste eu le temps de percevoir un rai brutal de lumière, un bruit de rires bizarres, une espèce d'exclamation rauque. Je suis devant la vitre, médusé. Des rideaux dissimulent tout l'intérieur, mais laissent passer une lueur assez forte. Je distingue contre la porte, à droite, un écriteau de bois : "A la ville d'Oran, café-hôtel. Chambres au mois et à la journée." Un bouge à sidis. Elle est là-dedans. Je suis interdit, épouvanté. Mais ma main est déjà sur la poignée. Ce qui m'a poussé (je crois pouvoir le dire, maintenant, après coup) c'est un dernier sentiment d'incrédulité, le refus d'admettre qu'une telle chose soit possible. J'ouvre la porte avec décision. Je fais deux pas. C'est bien un bistrot à sidis, pareil du reste à tous les bistrots de faubourg, assez exigu, éclairé très crûment. Mes yeux vont aussitôt à la petite. Elle est bien là, elle se tourne vers moi. Tout le monde me regarde. Ce sont des Bicots. Je vois des gueules bistrées, des tignasses crépues, des nez en bec d'aigle. Ils sont presque tous debout, autour du zinc qui reluit, ils doivent être sept ou huit. J'en repère deux, trois, à chapeaux mous, complets prétentieux ; un autre, en noir, de mine assez noble, peut-être. Au bout du groupe, il y a un gros type assis d'une trentaine d'années, frisottant, le mieux habillé, en bleu marine. J'aperçois un képi de sous-officier de tirailleurs, et dessous une tête maigre de Sarrasin, belle, ma foi ! Je vois aussi une seconde fille, près du type en bleu, un peu plus grande que l'autre, vingt-quatre ou vingt-cinq ans, mince, bien faite, semble t-il, mise avec simplicité, sans mauvais goût. C'est sur elle peut-être que mon regard s'arrête avec le plus de stupeur. Elle est d'une décence de silhouette invraisemblable dans un tel lieu. Et avec cela, des mèches de cheveux désordonnées, les pupilles agrandies et égarées, sa blouse claire dépoitraillée sur le creux de deux seins palpitants.

- Qu'y c'qu'y c'est ?

Un affreux asticot, debout, derrière le zinc, m'interpelle aigrement. Le tenancier sans doute.

J'articule d'une voix aussi naturelle que possible :

- Je désirerais boire un verre.

J'ai les yeux vissés sur la petite. C'est pourtant bien elle, son chapeau, ses boucles, sa petite jupe plissée, ses yeux clairs et rieurs. Je distingue vaguement une autre salle, au fond, plus grande, avec des festons de bois découpés à la morisque.

L'asticot a demandé je ne sais quoi, en arabe, à un des macaques. Il aboie, à mon adresse :

- Pas di verr. Ci fermé ici.

Je vois sur moi les yeux féroces et perçants de tous ces coquins. Je suis sans armes, dans ce coupe-gorge. Je me tourne d'instinct vers l'individu en bleu, le plus civilisé, apparemment, de la bande. C'est un Levantin de je ne sais quel Levant, déjà empâté, très infatué. Ce pourrait être un de ces "étudiants" qu'on voit au quartier autour des restaurants orientaux. Etudiant, barbeau, trafiquant de je ne sais quoi, le tout à la fois, sans doute. Il y a des raies rosâtres, trop larges, sur son complet bien coupé. Il s'est levé nonchalamment, il me toise avec une mine supérieure. Il laisse tomber trois ou quatre mots d'arabe qui font éclater tous les macaques d'un rire énorme. je vois ces gueules de pirates fendues, leurs grandes dents jaunes. Ils se foutent de moi devant la petite. Je dois pâlir brusquement : la colère, en même temps que la peur, mais la colère plus forte que la peur. Je les dévisage, j'arrête mon regard sur les deux filles :

- Il me semble que ce n'est pas fermé pour tout le monde...

Un hurlement de toute la bicaillerie. Je suis en un instant encerclé. La figure du sous-off est à trois pouces de la mienne. J'enregistre machinalement qu'il a quatre rubans à sa tunique.

Il me saisit le bras :

- Allez, dehors !

La petite lève la main :

- Non ! c'est un amoureux. Il me suit depuis le boulevard des Belges.

- Suivi ? Mouche ! Poulice ! Kha Poulice...

Ils glapissent à plein gosier. Je suis happé par dix pattes terribles : "mais non de Dieu ! écoutez-moi !" J'essaie d'atteindre mon portefeuille pour brandir ma carte d'étudiant. Une main lève une bouteille, un couteau jaillit. Ils ont dû croire que j'allais sortir un feu. Ce sont eux qui m'arrachent le portefeuille. J'ai les poignets immobilisés, je m'accroche où je peux avec les ongles. Ils me traînent jusqu'à la porte, j'encaisse trois ou quatre coups de poings. Je suis précipité dans les ténèbres extérieures, mes papiers lancés sur le sol, à demi déshabillé, ma chemise déchirée. Je tremble de la tête aux pieds. Les salauds m'ont attient à la mâchoire, derrière l'oreille. Une grande bordée de leur affreux rire. La porte se referme brusquement derrière moi.

Je fais une quarantaine de mètres en flageolant. Je reprends haleine, je me rajuste et me remets un peu. Je suis encore tout tremblotant de rage et de trouille : "Je vais chercher les flics !" Je voudrais me ruer avec une troupe en armes à l'assaut de cet effroyable repaire... Mais depuis quand ai-je recours aux flics ? D'ailleurs, que leur dirais-je ? Je m'en tire en somme à bon compte. Tout seul parmi parmi ces sauvages, aux poches pleines de rasoirs, de surins, de revolvers. Ma carte les aura rassurés ! Ils m'ont évacué par mépris. Toute récidive de ma part serait folle. Au reste, du coin de la place où je me suis embusqué, je vois l'asticot ouvrir la porte, accrocher un volet de bois, rentrer par-dessous. Le bouge est bouclée, barricadé. Je n'ai plus rien à faire ici.

Mais la petite est derrière cette porte, derrière ces fenêtres. Il y a cinq fenêtres au moins qui sont éclairées, aux deux étages plus voilées que celles du bas, tout à fait louches. Quinze ans. Cette petite perfection. Et elle traverse tout Lyon pour venir se faire mettre, pour venir se faire bitter dans cet immonde claque... Le petit ange aux cils innocents... La petite gaupe, oui ! ... Gaupette : voilà son nom.

Ses parents sont sortis, pour toute la nuit, peut-être. Elle a couru chez elle pour s'en assurer, se donner l'alibi de les embrasser. Ah ! sur le chapitre de la rouerie... Et puis elle s'envole ; ça la tient. Et moi qui l'imaginais déjà en tournée de charité ! Toujours conjecturer le vice plutôt que la vertu. Mais à ce point-là ! Quel roman noir, quel tréfonds ! mais comment expliquer le début ? Dans quelles pattes a-t-elle pu tomber ? Y revenir toute seule ! Une entremise de cette autre fille ?... Celle-là aussi, quelle apparition ! Ce tailleur de chaste et modeste petite bourgeoise. Et ces seins affolés ! Elle venait déjà de se faire branler en attendant l'autre ? Sa moule toute ouverte, pendant qu'elle me regardait, du jus plein le poil, jusqu'aux cuisses...

Mais elles sont là-dedans toutes les deux. Comment parvenir à penser ça ? Lequel de ces singes, avec Gaupette ? L'espèce d'étudiant ? Mais c'était lui, quand je suis entré, qui avait l'air de tenir l'autre fille.

La bagarre m'a fait débander un moment. Mais mes images, mes convoitises ont été trop violentes, à la fin de cette poursuite, dans ces rues noires. Je suis repris par cette excitation furibonde. Je ne peux plus m'en aller. L'autre fille a amené Gaupette. Elle l'a sans doute branlée, gougnottée avant. Le gros métèque se les farcit toutes les deux. Il a déjà du déculotter Gaupette. Ses pattes sur la petite jupe plissée, la petite culotte blanche, chaude, les deux cuisses roses, déjà femelles, le petit derrière. Le petit con doré. Le métèque l'enfile, pendant que l'autre fille s'astique, ou qu'un des sidis la tronche, le rempilé peut-être sur Gaupette. Ce n'est pas une invention répugnante de ma cervelle, c'est la vérité exacte. Ces bougres en rut perpétuel, montés comme des ânes. Son con de petite fille avec ces manches-là dedans ! C'est horrible, c'est ignoble. Et pourtant plus c'est ignoble et plus ça me chauffe, m'incendie. On comprend que dans de telles passes, s'il n'y avait pas les mécanismes et les habitudes de la civilisation, on se mettrait à bramer, à hurler au con. Je suis un moment sur le point de me taper un rassis, dans le noir, contre le mur d'une des baraques aveugles.

... Je suis là depuis plus d'une heure, sur cette espèce de carrefour d'assassinat, totalement sourd et désert, dans cette nuit crapuleuse. La petite Gaupette est en train de forniquer, de s'en faire mettre plein le vagin. Elle est sous zob !

Mais je peux l'avoir, moi aussi, je peux me l'envoyer. Elle ne demande que ça ! Elle ne pensait qu'à ça, pendant toute ma chasse, dans le tramway. Et je n'osais pas lui murmurer un "bonsoir"! Elle pensait que j'allais être de la partouze. Elle m'y emmenait. Ça lui allait bien ! elle n'a probablement jamais fait ça de sa vie avec un garçon européen, ça devait l'exciter. Elle a essayé de me tirer du pétrin. Si elle n'avait pas fait cette gaffe : "Il me suit depuis les Brotteaux! " Elle aurait seulement dit "je le connais, c'est un camarade !", je restais. Elle avait envie de moi. En ce moment, je la baiserais, je me frotterais à son ventre, à son poil, à ses fesses, j'aurais ma queue entre ses cuisses.

La porte s'ouvre derrière le volet de bois. Un couple sort, en se baissant. J'aperçois une grosse garce en cheveux, avec un grand bougre. Je m'approche, je ne sais pourquoi, comme si je pouvais leur demander de me réintroduire. Je vois les traits de l'homme, aussi barbares que ceux des sidis. Mais celui-là paraît avoir l'accent espagnol. La femme, elle, est Lyonnaise. Je suis à quatre ou cinq pas d'eux. L'"Espagnol" se retourne, me voit, i la l'air encore plus féroce que les Bics. Je ralentis, je les laisse filer. A la lueur de l'unique bec de gaz du coin, je devine le monumental pétard sur lequel chaloupe la pouffiasse, un gros cul qui vient de s'évaser, de s'enfoutrer, pendant que derrière la cloison, Gaupette...

Oh ! je la veux moi aussi ! Pourquoi les Bics m'ont-ils chassé ? Je ne leur voulais aucun mal. Je suis un salopard, comme eux. Si j'essayais d'entrer de nouveau, de leur expliquer ? Je vais frapper au volet, quelques petits coups, puis plus fort. Il semble que le bistrot soit vide. On ne répond pas, ça ne bouge pas. Je n’ose pas appeler.

Je commence à avoir froid. Mais je n’arrive pas à quitter la place. Gaupette ne couchera tout de même pas là. Si les deux filles sortent seules, je les aborde au coin de la rue. J’attendrai leur sortie, le temps qu’il faut.

Mais personne ne sort plus de ce borgnard. Tout est éteint en bas ; aux étages, il n’y a plus que deux fenêtres vaguement éclairées. Je n’y comprends plus rien. Je m’avise enfin, en contournant les bicoques voisines, d’aller jeter un coup d’œil cinq ou six mètres de la bâtisses, fermant sans doute une sorte de cour. Il y a une porte dans ce mur. En face, une ruelle, toute droite, bordée d’entrepôts noirs, conduit à une espèce de boulevard mieux éclairé que le reste de ce lugubre quartier. Elles ont pu s’en aller par là. Ce doit être la sortie des initiés. A moins qu’elles ne couchent ici. Serait-ce plus incroyable que le reste.

Je suis là depuis près de trois heures, et il en est bientôt onze. Je suis transi, écœuré, furieux. Je n’ai plus qu’à rentrer chez moi. Mais je me perds dans ces "chemins", ces rues inconnues, cet effrayant faubourg où il semble que je sois seul vivant. J’aperçois enfin un taxi. Tant pis pour la dépense.

Auteur: Rebatet Lucien

Info: les deux étendards (1952, 1312 p., Gallimard) p. 722-727

[ vulgarité ] [ laideur ] [ hostilité étrangère ] [ agressivité allogène ] [ fantasme ] [ sexe ] [ baston ] [ tabassage ]

 
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