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égrégore

Outre les différentes formes de propagande dont il a été question dans ce chapitre, il faut encore en mentionner une autre qui semble tout à fait spéciale au théosophisme et à quelques sectes américaines qui lui sont plus ou moins apparentées : c’est ce qu’on appelle la "propagande mentale". Voici comment Mme Besant explique ce qu’il faut entendre par là : "Un groupe d’hommes qui ont des convictions communes, un groupe de théosophes, par exemple, peuvent contribuer dans une large mesure à répandre les idées théosophiques dans leur entourage immédiat, s’ils s’entendent pour consacrer, en même temps, dix minutes par jour à la méditation de quelque enseignement théosophique. Il n’est pas nécessaire que leurs personnes soient réunies en un même lieu, pourvu que leurs esprits soient unis. Supposons un petit groupe ayant décidé de méditer sur la réincarnation dix minutes par jour, à une heure convenue, pendant trois ou six mois. Des formes-pensées très puissantes viendraient assaillir en foule la région choisie, et l’idée de réincarnation pénétrerait dans un nombre considérable d’esprits. On s’informerait, on chercherait des livres sur le sujet, et une conférence sur la question, après une préparation de ce genre, attirerait un public très avide d’informations et très intéressé à l’avance. Un progrès hors de proportion avec les moyens physiques employés se réalise partout où des hommes et des femmes s’entendent sérieusement au sujet de cette propagande mentale" (Le Pouvoir de la Pensée, sa maîtrise et sa culture, pp. 178-179). Fait important à noter, c’est à des pratiques de ce genre que se rattache l’origine de la fameuse coutume des "minutes de silence", qui a été importée en Europe par les Américains, et qui est devenue, depuis la guerre, un des principaux éléments de presque toutes les commémorations officielles ; il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire, d’une façon plus générale, sur les déviations pseudo-religieuses inhérentes à l’espèce de "culte civique" dont cette coutume fait partie.

Auteur: Guénon René

Info: Le Théosophisme, Histoire d’une Pseudo-Religion, ch. 26 : Les organisations auxiliaires de la société théosophique, éd. Éditions Traditionnelles, note additionnelle de la seconde édition

[ sécularisation ] [ domination spirituelle ] [ Gestalt source ] [ pouvoir du verbe ]

 

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ermites

En descendant le Nil, on passe près du centre d'Oxyrrinchos, où se trouvent plus de 20 000 moniales. En basse Égypte, à l'ouest du delta, à une centaine de kilomètres au sud d'Alexandrie, se trouve le désert de Nitrie, ou de Scété, un désert fort peuplé : plus de 5 000 moines vivant seuls ou à plusieurs dans de petites cabanes isolées. Plus on pénètre profondément dans le désert, plus les cabanes sont éloignées les unes des autres. Dans ce "désert des cellules", on trouve les champions de la solitude, ceux qui ont dépassé le stade cénobitique : "C'est là que se retirent ceux qui ont déjà été formés là-bas et qui veulent abandonner les observances élémentaires pour mener une vie plus séparée. On y trouve en effet le grand désert, et les cellules y sont si éloignées les unes des autres qu'on ne peut, de l'une, ni voir aucune autre ni entendre une voix qui en sort." Toutefois, ils gardent des liens entre eux, se rassemblent pour assister le week-end aux offices, parcourant parfois dix kilomètres dans le sable pour s'y rendre. S'il y a un absent, ses "voisins" vont vérifier qu'il n'est pas mort et lui apportent de l'aide : "Chacun demeure dans sa cellule. Grand est le silence, grande la tranquillité. Le samedi et le dimanche seulement ils se réunissent à l'église et ils se voient les uns les autres comme s'ils étaient rendus au ciel. Si quelqu'un manque dans leur assemblée, ils comprennent aussitôt que quelque accroc de santé l'empêche de venir, et ils vont tous le voir, non pas tous ensemble cependant, mais à des moments différents, chacun apportant ce qu'il a sous la main et qui peut faire plaisir au malade." Cette vie saine leur assure d'ailleurs une remarquable longévité : l'auteur de l'Historia [Ouvrage anonyme relatant un voyage effectué en 394-395] assure avoir vu plusieurs octogénaires et nonagénaires, ainsi que deux moines âgés de 110 ans.

Auteur: Minois Georges

Info: Histoire de la solitude et des solitaires

[ ascètes ]

 

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église moderniste

Je viens d’assister à une messe  "nouveau style" (new look comme disent nos voisins d’outre-Manche) : d’un bout à l’autre de l’office, ce n’a été que dialogue, invocations, cantiques criards et je sors la tête cassée par tout ce bruit et sans avoir trouvé la possibilité de prier. Je confie ma déception à un jeune ami qui me répond que je suis un "attardé", un "inadapté" et que la prière est un acte communautaire qui n’exige ni la solitude ni le silence. Il ajoute même que la prière solitaire et muette est le signe d’un repliement égoïste sur soi-même.

J’avoue que l’argument ne me convainc pas. Qu’est-ce que prier ? C’est diriger son attention vers Dieu avec amour. Or, l’attention et l’amour sont des actes éminemment intérieurs et personnels qui s’accommodent très mal de la foule et du bruit. [...]

Je ne conteste ni la nécessité ni l’importance du côté social de la religion. Il est normal que Dieu, qui est le Créateur et le Sauveur de tous les hommes, soit l’objet d’un culte public.

J’affirme seulement que cet aspect social de la religion doit être le prolongement et la traduction du dialogue intérieur entre Dieu et l’âme. [...] la prière publique ne signifie rien si elle n’est pas le résultat et, pour ainsi dire, le confluent de la multitude des prières personnelles. [...]

N’oublions pas non plus que nous vivons dans l’âge des foules et l’âge du bruit. Le climat de la cité moderne rend de plus en plus difficile l’accès à la solitude et au silence. Ces deux biens essentiels de l’âme sans lesquels aucune vraie prière n’est possible, où irons-nous les chercher si nous ne les trouvons pas à l’Eglise ? Tout aujourd’hui conspire à nous distraire de nous-mêmes : il serait désastreux que, sous prétexte d’ "être à la page" et de "suivre le mouvement", nous épousions, jusque dans nos rapports avec Dieu cette vaine agitation du siècle.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Dans "L'équilibre et l'harmonie", Librairie Arthème, Fayard, 1976, pages 11-12

[ critique ] [ intériorité ]

 
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droits des minorités

Il ne faut pas perdre une minute à batailler contre la revendication du "mariage homosexuel". C’est une de ces nouveautés innovantes comme notre temps en raffole, une de ces avancées qui vont de l’avant sans craindre d’aller plus loin que loin, un de ces progrès inéluctables qui ont le vent du futur dans les voiles. [...]

Quant à la contradiction comique mais classique à la faveur de laquelle on veut, comme Christophe Girard et Clémentine Autain, placer sous la protection de l’État une union homosexuelle dont on dit qu’elle sera aussi et surtout "un pied de nez à la conception traditionnelle du mariage", ce serait également perdre son temps que de la relever, quand la course à l’avenir prend les formes d’une marche nuptiale dadaïste qui réclame d’être bénie par les plus hautes autorités au nom de l’égalité. [...]

Sans compter, ainsi que l’écrit un militant de cette magnifique conquête, qu’il n’existe aucun motif rationnel pour l’interdire. Il en existe si peu qu’on se demande pourquoi, dans les siècles des siècles, personne n’avait encore songé à l’autoriser. Il est vrai que les grandes révolutions engloutissent dans leur triomphe jusqu’au souvenir des raisons qui auraient pu les arrêter.

Il est vrai aussi qu’on n’avait pas jusqu’alors pensé à mettre le nez dans les silences du code civil. Providentiels silences d’un code qui a oublié de préciser ce qui lui semblait aller de soi. Ainsi de l’article 144 relatif au mariage, qui ne stipule pas qu’il faut que cela se passe entre personnes du sexe opposé. Une lacune béante dont les partisans du mariage homo ont fait leur premier argument de campagne sur la base d’un principe simple : tout ce dont le code ne parle pas n’est pas interdit. La chose semble en effet irréfutable. On pourrait même la généraliser. Et noter que le code ne mentionne pas non plus qu’il est interdit de se marier avec un bégonia, une onde hertzienne ou un œuf dur.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1586-1587

[ progressisme ] [ appui législatif délirant ] [ pouvoir minoritaire ]

 

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juridiction

[...] les études juridiques étaient accrochées jusque vers la décennie 1950 à la conscience d’un Arbre de traditions dont la racine principale est romaine : la distinction privé/public, au sein du vaste ensemble dénommé "Droit Civil des Romains", l’adjectif "civil" ayant le sens des règles constitutives de la Cité antique. Pour les ressortissants de l’État centraliste à la française, "droit civil" signifie autre chose : une sorte de régiment de textes alignés au cordeau par le Code Napoléon de 1804, illustre produit non seulement des transformations dues à la Révolution, mais d’un écheveau complexe d’élaborations mûries sous l’Ancien Régime.

De ce Monument de règles, l’armature logique était claire : les leçons du droit romain antique, enseigné comme une initiation à tous les étudiants... mais selon une vision strictement nationale, conforme à l’aversion des gens des Lumières pour l’ancienne Scolastique, transformant ainsi le creuset médiéval de la Modernité en "trou noir" : enjambant les siècles jugés obscurantistes, l’enseignement de concepts oublieux du labeur médiéval s’engouffrait allègrement dans le légalisme napoléonien, proposé aux juges sur le mode du raisonnement déductif, aux antipodes de la justice britannique travaillant à la romaine, à partir des cas, c’est-à-dire sur le mode inductif, en harmonie avec l’ancien esprit du « Droit commun » agencé par le Moyen Age.

En passant, notons un autre "trou noir" : la méconnaissance généralisée en Europe d’un élément politique essentiel de la transmission. En raison de l’effondrement de Rome, à l’ouest, au Ve siècle, c’est dans la partie orientale de l’Empire que fut conservé le vivier des concepts juridiques romains. C’est à l’empereur romain byzantin Justinien Ier (VIe siècle) qu’est due la rédaction de l’immense compilation de droit romain connue en Occident à partir du XIIe siècle seulement et d’abord "récupérée" par la papauté – une papauté en rivalité avec l’Orthodoxie byzantine. Passé sous silence, cet événement considérable, aux origines de la normativité occidentale, montre la profondeur du conflit de représentation transmis jusqu’à nous et qui sépare deux mondes : l’Occident de l’Orient.

Auteur: Legendre Pierre

Info: Dans "Leçons X, Dogma : Instituer l'animal humain", Librairie Arthème Fayard, 2017, pages 53-54

[ orient-occident ] [ pluralité sémantique ] [ forclusion ] [ historique ]

 
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communication

Un article de Casey Kazan pour Daily Galaxy : "Stephen Hawking nous a récemment alertés en déclarant que le contact avec une civilisation extraterrestre avancée pourrait avoir de graves conséquences pour l'espèce humaine. On se souvient de cette remarque d'Arthur C. Clarke, pour lequel "toute technologie suffisamment avancée serait indiscernable de la magie." Sur leurs traces, des experts de renommée mondiale tels le physicien Sir Martin Rees, de l'Université de Cambridge, et Paul Davies, astrobiologiste de l'Université d'Etat d'Arizona, se sont demandé, dans le cas où nous serions confrontés à une technologie extraterrestre de loin supérieure à la nôtre, si nous serions seulement capables de réaliser ce dont il s'agit. Une technologie en avance d'un million d'années ou plus, pourrait nous sembler miraculeuse. En fait, Davies explique dans son nouveau livre "Eerie Silence" qu'une technologie très avancée n'est peut-être même pas basée sur de la matière. Qu'elle pourrait ne pas avoir de dimensions, ni de formes déterminées, ni de contours bien définis. Qu'elle serait dynamique à tous les niveaux d'espace et de temps. Ou, inversement, que nous ne pourrions discerner ses comportements. Qu'elle ne consisterait pas en un assemblage d'éléments distinctifs, mais qu'il s'agirait plutôt d'un système, ou d'une subtile corrélation de choses sur un plan supérieur. Davies se demande s'il n'y a pas en réalité "autre chose que de la matière et de l'information". Il écrit : "Il y a cinq cents ans, on ne pouvait entrevoir le concept-même d'une information servant à manipuler des objets, ou le principe de logiciels." Se peut-il qu'il y ait une dimension encore plus élevée, hors de toute expérience humaine, qui organise les électrons ? Dans l'affirmative, nous serions incapables d'observer ce "troisième niveau" au plan informationnel et encore moins à celui de la matière. Nous devons être ouverts à la possibilité qu'une technologie extraterrestre avancée, âgée d'un milliard d'années, pourrait fonctionner à un troisième niveau - peut-être même à un quatrième ou cinquième niveau - tous totalement incompréhensibles pour l'esprit humain dans son état évolutif actuel, en 2010.

Auteur: Internet

Info: Ovnis-USA

[ spéculation ] [ sciences ] [ xénolinguistique ] [ limitation anthropique ] [ projectionnistes ] [ niveaux vibratoires ]

 

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couple

Au physique, Grigori était un homme froid et grave, peu bavard, qui ne laissait tomber que des paroles ayant du poids et exemptes de frivolité. Il eût été impossible de déterminer au premier abord s’il aimait ou non sa femme humble et soumise, et cependant il l’aimait vraiment, et bien entendu elle le comprenait. Cette Martha Ignatievna, loin d’être sotte, était peut-être même plus intelligente que son mari, du moins avait-elle plus de bon sens dans les choses de la vie ; pourtant elle s’était soumise à lui sans murmure et sans réserve dès le début de leur mariage et le respectait sans conteste pour sa supériorité morale. Il est à remarquer qu’ils n’échangeaient jamais que de rares paroles, sinon sur les questions les plus indispensables de la vie courante. Le grave et majestueux Grigori méditait toujours seul ses affaires et ses soucis, aussi Martha Ignatievna avait-elle depuis longtemps compris une fois pour toutes qu’il n'avait nul besoin de ses conseils. Elle sentait que son mari appréciait son silence et qu’il reconnaissait en cela son intelligence. Il ne l’avait jamais vraiment battue, si ce n’est une fois seulement, et encore légèrement. La première année du mariage d’Adélaïde Ivanovna avec Fédor Pavlovitch, à la campagne, les filles et les femmes du village, alors encore serves, avaient été un jour rassemblées dans la cour des maîtres pour chanter et danser. On entonna Dans les prés quand soudain Martha Ignatievna, jeune femme à cette époque, bondit devant le chœur et exécuta "la russe" d’une manière spéciale, non pas à la paysanne mais comme elle la dansait du temps qu’elle était au service des riches Mioussov, sur leur théâtre particulier, dans leur propriété, où les pas étaient enseignés aux acteurs par un maître de danses qu’on avait fait venir de Moscou. Grigori avait vu sa femme danser et une heure plus tard, une fois chez lui, il lui donna une correction en la traînant un peu par les cheveux. Mais les coups en restèrent là une fois pour toutes et ne se renouvelèrent plus jamais ; d’ailleurs Martha Ignatievna se garda bien désormais de danser.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 120-121

[ obéissance ] [ autorité ]

 

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Internet

Si les Etats continuent à confier leur communication et leurs archives confidentielles à Internet ou d’autres formes de mémoire électronique, aucun gouvernement au monde ne pourra plus nourrir des zones de secret, et pas seulement les États-Unis, mais même pas la République de Saint-Marin ou la principauté de Monaco (peut être que seule Andorre sera épargnée).

Essayons de saisir la portée du phénomène. Jadis, au temps d’Orwell, on pouvait concevoir le Pouvoir comme un Big Brother qui contrôlerait chaque mouvement de ses sujets, même et surtout si personne ne s’en rendait compte. […] Mais ce qui, à l’époque d’Orwell, n’était qu’une prophétie s’est avéré. En effet, le Pouvoir peut contrôler chaque mouvement de ses sujets par leur téléphone portable, chaque transaction, chaque hôtel fréquenté, chaque autoroute parcourue grâce aux cartes de crédit, chaque présence dans un supermarché grâce aux télévisions en circuit fermé, etc. Ainsi, le citoyen est devenu la victime totale de l’œil d’un immense Big Brother.

C’est du moins ce que nous pensions jusqu’à hier. Mais aujourd’hui, il est prouvé que même les secrets les plus impénétrables du Pouvoir ne peuvent échapper au contrôle d’un hacker, si bien que le rapport de contrôle cesse d’être unidirectionnel et devient circulaire. Le Pouvoir contrôle chaque citoyen, mais chaque citoyen, ou du moins le hacker, élu comme vengeur du citoyen, peut connaître tous les secrets du Pouvoir.

Et même si la grande masse des citoyens n’est pas en mesure d’examiner et d’évaluer la quantité de matériel que le hacker capture et diffuse, la presse joue désormais un nouveau rôle (elle a déjà commencé à l’interpréter) : au lieu de relayer les nouvelles vraiment importantes – jadis, c’étaient les gouvernements qui décidaient des nouvelles vraiment importantes, en déclarant une guerre, en dévaluant une monnaie, en signant une alliance –, aujourd’hui, c’est elle qui décide en toute autonomie des nouvelles qui doivent devenir importantes et de celles qui peuvent être passées sous silence, allant jusqu’à pactiser (cela est arrivé) avec le pouvoir politique pour savoir quels "secrets" dévoilés il convenait de révéler et ceux qu’il fallait taire.

Auteur: Eco Umberto

Info: "Réflexions sur WikiLeaks", in Construire l’ennemi et autres écrits occasionnels, 2014

[ World Wide Web ] [ médias descendants ]

 

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révélation mystique

Au-dessus de lui, vaste, s’étendait à l’infini le dôme céleste, plein d’étoiles calmes et scintillantes. Du zénith à l’horizon apparaissait la voie lactée, encore indistincte. Une nuit fraîche et calme jusqu’à l’immobilité enveloppait la terre. Les tours blanches et les coupoles dorées de la cathédrale brillaient sur le saphir du ciel. Les somptueuses fleurs d’automne des parterres autour de la maison s’étaient endormies jusqu’au matin. Le silence de la terre semblait se fondre dans celui du ciel, le mystère de la terre rejoindre celui des étoiles... Aliocha, debout, regardait et brusquement, comme fauché, il tomba à terre.

Il ne savait pas pourquoi il étreignait la terre, il ignorait pourquoi il avait irrésistiblement envie de la baiser, de la baiser, tout entière, mais il la baisait en pleurant, en sanglotant, en l’arrosant de ses larmes, et il jurait éperdument de l’aimer, de l’aimer à tout jamais. "Arrose la terre des larmes de ta joie et aime ces larmes..." ces paroles retentirent dans son âme. Pourquoi pleurait-il ? Oh, il pleurait, dans son extase, même sur ces étoiles qui scintillaient vers lui de l’infini, et il "n’avait pas honte de ce paroxysme". Comme si les fils de tous ces innombrables mondes de Dieu convergeaient d’un coup dans son âme, et elle vibrait "au contact des autres mondes". Il aurait voulu pardonner à tous et pour tout, demander pardon, oh ! pas pour lui, mais pour tous, pour tous et tout, "pour moi d’autres le font", entendit-il de nouveau retentir dans son âme. Mais d’instant en instant, il sentait plus nettement et d’une façon en quelque sorte tangible descendre dans son âme quelque chose d’aussi ferme et immuable que cette voûte céleste. Une idée prenait possession de son esprit, cette fois pour la vie et à tout jamais. Il était tombé à terre faible adolescent et il se releva ferme combattant pour toute sa vie, il en eut conscience et le sentit soudain, au moment même de son extase. Et jamais, plus jamais Aliocha ne put oublier cet instant. "Quelqu’un a visité mon âme à cette heure !" disait-il plus tard en croyant fermement à ses paroles...

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", volume 2, traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 48-49

[ métanoïa ] [ renouveau ] [ rédemption ]

 
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art pictural

Or les plus beaux dessins de Kalmykov datent de cette période. Les femmes y ressemblent à des palmiers ou à des fruits du Sud. Elles ont les mains fines, les yeux en amande. De haute taille, debout ou couchées, elles emplissent toute la surface de la feuille. Quelques-unes ont des ailes, telles des fées. D'autres sont simplement des femmes. Sur des dessins publiés, le long et lourd vêtement d'intérieur n'est que jeté sur les épaules. Il laisse voir la jambe, la poitrine, le torse. La femme porte un vase de style oriental comme on en fait dans les montagnes. Sur une petite table, un candélabre allumé (on dirait un rameau avec trois fleurs écloses) et un livre ouvert avec un signet. Dans le silence de la nuit, où va donc cette belle solitaire, que suit - chien ou chat ?- une créature étrange. Un autre dessin est intitulé Jazz lunaire. Une blonde élancée, douce et froide (il est à présumer que Kalmykov n'admettait qu'un seul type de beauté féminine), avec des ailes de papillon, porte sur un plateau une bouteille à col fin et un vase d'où jaillit une branche. Ici encore, les vêtements laissent voir le corps. (Plus exactement, tout le corps est une ligne ondoyante enfermée dans l'ovale des vêtements.) Et, ici, encore, il fait nuit. Au fond, un serviteur, en coiffure et cape baroques, descend les marches d'une estrade. Kalmykov a laissé deux ou trois cents de ces dessins dont la vertu d'envoûtement est indicible. Les techniques employées sont diverses : le pointillé et la ligne continue des contours vides ou habités de couleur, le crayon aussi bien que l'aquarelle. Dans Le Chevalier Motte, le personnage n'est pas sans ressembler à Kalmykov : même cape tumultueuse, même béret, même capuchon de couleur démente, et les décorations de tous les pays existants ou non ! L'homme va, il rit, il vous regarde. En public, Kalmykov n'a jamais ri. Jamais il n'a laissé entrer personne dans cet univers de jazz lunaire, de belles allées qui prennent leur vol et de cavaliers superbes. Dans cet univers-là, il a toujours été seul.

Auteur: Dombrovskij Ûrij Osipovic

Info: La faculté de l'inutile

[ femmes-par-hommes ] [ littérature ]

 
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