A la recherche de Zoul

 

 

 

 

  Préambule

 

 

Depuis plus de deux siècles les humains étaient sortis du monde néolibéral normalisé issu de la seconde guerre mondiale du vingtième siècle. 

Il avait fallu la catastrophe initiée par les événements de Mingora [1] pour que le monde des hommes réagisse et sorte  du Grand Déclin,  période où les gens n'avaient plus grand chose à se dire, laminés par dix générations d'efficacité industrielle, pantins de stimuli techno consuméristes, au point que la majorité des humains avaient quasiment désappris à parler et qu'un individu usant de plus de 150 mots dans son expression courante était considéré comme un intellectuel de haut vol. Ou un emmerdeur.  

La relance planétaire d’une humanité "au bout du bout" fut possible par la grâce d’un projet politique qui débuta par une liste, puis des listes, comme chez les hommes des cavernes. Entreprise lancée par quelques écolos qui avaient décidé qu’il était temps de promouvoir la consommation de biens non tangibles. Ce qu’ils entreprirent via le développement du projet FLP, complexe site langagier, base de données intelligente constituée par la communauté, où se côtoyaient tant la quête spirituelle, les exercices d’ascétisme, que des réflexions, souvent antagonistes, sur les diverses problématiques communautaires soumises aux humains. 

Rapidement on décida d’y inclure les sports, principalement vus comme une gymnastique esthétique, afin d’améliorer ce qui était nommé  “efficacité de l’équilibre”.

On avait fait exploser la notion de "plaisir – variété" en l’agrandissant d’un facteur cent par le développement d’une vaste cultures des dégradés entre les races-types-espèces. Ainsi les classifications pouvaient être abordées comme de longues et interminables séquences, fondus-enchainés qui, à l’instar du dessin chinois, pouvaient se déguster tel un trait continu  unique. Trait continu qui pouvait se diviser de maintes manières, et aller vers plusieurs ailleurs. L’ĥumain semblait avoir trouvé une piste vers une complexité collective totalement détachée de la notion de pouvoir-domination.

Il avait fallu du temps : instauration de régulations, garde-fous, quasi toutes issues de la célèbre phase STAUP ou n’étaient plus considérées comme artistiques que les œuvres allant dans un sens “prise de pouvoir intérieure - humilité extérieure”… Démarche globale, consensuelle et solidaire d’humains qui n’avaient plus que cette porte de sortie si on voulait que la planète, et surtout leur espèce, ait un avenir. Actions appuyées par le développement d’une informatique “froide et détachée” instituée en maîtresse des réglementations sur cette base simple : “chaque individu ne peut consommer qu’une quantité X”, au prorata de ce que pouvait fournir la sphère terrestre. Avec mise en épargne équivalente pour les générations futures en cas de problème. Un Suisse maniaco dépressif des années 2000 n’aurait jamais été si loin.  

Ainsi avait-on vu émerger toutes sortes de réseaux composés d’"individualités mondes" correspondant à la volonté des "pilotes-concepteurs" et autres politiques responsables de cette nouvelle inflexion sociale, d’aller vers une complexification des rapports, complexification obtenue par une éducation usant de pédagogies très axées sur le savoir ouvert, en favorisant de longues plages temporelles pour les contacts humains ordinaires. 

Les protocoles de “simulation courtoise”, autrefois appelés politesse, avaient atteint des proportions qui, après 60 années de développement  touchaient au grand art. Des écoles entières consacraient désormais leurs cursus à des sujets comme : “Apprendre à se connaître pour mieux ménager les sensibilités…” “Création de nouveaux protocoles de comédie prévenante…” “Qu’est devenue la politesse hypocrites des temps anciens, est-elle toujours en usage ?”  “ Forum de concertation quant à la précision de certains termes ou formules…” etc.

 

(1)   Après les extraordinaires événements  de Mingora, déçu par le travail de la commission d’enquête internationale, certains lancèrent un mouvement pacifiste articulé sur la mise en cause du langage. Avec un grand nombre de supporters Internet ils avaient conclu que les causes de l'invraisemblable engrenage qui avait conduit au quasi anéantissement de l'espèce résultait indubitablement des tromperies de l’idiome dominant d'alors. 

Comme on ne pouvait désormais plus se passer de la communication verbale, il fut décidé de refondre un idiome source, qui ferait référence, dans lequel toute proposition devait conserver son aspect tellurique, son élan anti gravitationnel "issu du réel", qui anime toute vie exploratrice. L'expression par les mots et les verbes interdisait dorénavant certains termes comme "jamais" ou "toujours", prohibait négativisme et malveillance au sens où toute proposition, même de défense ultime, ne pouvait faire référence à une vérité dogmatique. En bref le langage de la planète devait se syntoniser à l'élan vital global des végétaux et des animaux. Encore une action initiée par FLP.

 

 

                                                A la recherche de Zoul

 

 

Ses cheveux avaient commencé à le trahir avant la trentaine, ceci étant compensé d’une certaine manière par son aspect de petit paysan athlétique. Difficile de déceler que JP était produit d’une éducation à l’ancienne, usant du minimum des béquilles habituelles afin d’entrainer sa mémoire et privilégier sa présence au monde. Il s’exprimait aisément en cinq langues et pouvait jongler avec beaucoup d’autres.  Les maths n'étaient pas en reste. Blond dégarni un peu renfrogné d’aspect, JP présentait sur BILB un profil MmE plus esprit que chair (62 pour cent contre 38) mais il le gardait pour lui. "Jamais personne ne saura ce qu'il se passe dans ma tête, même de manière aussi caricaturale" avait-il affirmé une fois à sa mère ébahie alors qu'il n'avait pas six ans. Alors pour ce qui était de son identité numérique il refusait tout et animait le plus possible les réseaux d'indépendance de la singularité.

Internet, réseaux nationaux et autres interconnections anciennes voire moyen-âgeuses avaient été remplacés par BILB, super cerveau planétaire, supervisé IAG (Intelligence Artificielle Générale) et totalement nettoyé des stimuli mercantiles et autres pollutions consuméristes initiées en son temps par les américains vainqueurs de la seconde guerre mondiale d’un vingtième-siècle vu désormais comme celui de la pré-prise de conscience puisque dès le début du vingt-et-unième, cette assumée religion de l'argent avait montré ses limites. Pour les activités consuméristes, désormais considérées comme vulgaires, on avait créé un petit TerraNet, dévolu aux divers achats et autres problématiques non nobles, non ludiques, médicales, administratives et fiscales...

C’est ainsi qu’en fin de vingt-troisième siècle, BILB constituait pas loin de 40 pour cent de l'occupation des gens en dehors du sommeil, simple moyenne bien sûr puisque certains préféraient les activités physiques alors que d'autres se retrouvaient contraint de faire au moins une heure de gymnastique par jour pour  conserver l'équilibre minimum afin de pouvoir continuer de s’auto infuser dans le cerveau planétaire. C'était la loi.

Les MmE, sites personnels autrefois nommés Blogs, présentaient dorénavant un bouillonnement virtuel de milliards d’individualités mêlées. Ce développement avait été initié une fois passées les craintes ridicules sur la “perversité de l’individu” qui avaient occupé toute la première moitié du 21e siècle. Les MmE interconnectés, via une complexe modération humaine/AI constituaient les neurones sources de ce grand égrégore planétaire.

                                                                                                       ***

 

Arrivé à la quarantaine JP se pensait extension. Comme tout être vivant il n’était que branche affinée d'une pousse étrange au sein de laquelle chaque individu complexifié était point de singularité,  hologramme fractal matérialisé dont la mémoire génétique représentait par elle même toute sa race. Chaque spore potentialisée comme le "germe" d'un ensemble plus grand de vie animale, petite soeur "émancipée" de la vie végétale, fille du minéral. Pour lui l'énergie était insérée dans chaque mini pousse, dans chaque électron, sous forme d'une âme "moteur" reliée à l'univers local, avec pour objectif de se reproduire afin de poursuivre une forme d’exploration du monde matière. D'où son affection pour le panpsychisme. Dans la progression de ce réel ci  les sens de chaque entité-esprit étaient mis en résonance affective avec l'environnement. Associée à une petite dose d'autonomie se déroulait l'imprégnation holistique progressive, faisant émerger, par effet retour, la personnalité idiosyncrasique, ou originale, ou particulière, de l’individu monade de cette grande émergence. Ensemble de traits physiques et de caractères propre à chaque créature. Anthologie de mon ontologie rigolait-il parfois.

"Comme un flocon de neige..."  Se disait-il plus souvent.

C’était ça, il se sentait plutôt comme une de ces éphémères étincelles de glace.


C'est alors qu'il badaudait dans l'espace Jean-Claude Dunyach, sorte de forum-bibliothèque virtuel ouvert à tous et dévolu à la littérature science fictionnelle française des vingt et vingt-et-unième siècles, que JP fit connaissance avec Zoul.

 

2

 

 

Zoul :  - salut, je suis le plus grand créateur musico-littéraire d’Amérique du sud. 

Jipé :  - dans ce cas, je suis le plus grand poète-musicien d’Europe. 

(...)

(...) 

Zoul :  -  je hais absolument tout, et tout le monde, sauf moi-même. 

Jipé : -  t’as de la chance, même moi je me hais. 

 

Ce premier échange, consciemment  improvisé/inspiré de la rencontre entre Munch et Strindberg,  scella d’un coup d’un seul leur amitié sur le web.  

 

Quidam-cosmos vivant au Brésil, Zoul était musicien compositeur, fou dingue passionné de littérature fantastique et de SF de la fin du deuxième millénaire. Il se trouvait  juste devant lui dans une file, si on peut dire, puisque leurs commentaires se suivaient sur un forum dédié à Howard Philipp Lovecrat. Zoul présentait un profil MmE de 53/47... ce qui ne signifait rien en soit pour toutes sortes de raisons. De fil en aiguille ils s’étaient isolés dans un chat privé, esprits rassemblés mais le corps de l'un en Amérique du sud et l'autre dans les Cévennes françaises.  

Dès lors leur relation s'approfondit, jusqu’à une forme de communion très étonnante puisqu'ils allèrent jusqu'à se mettre à deux pour titiller tel ou telle sur un dialogue public. Peu commune aussi parce que ce genre de magouillage était interdit. Mais ils avaient suffisamment d'inconscience, de malice et de savoir faire pour passer outre. Complicité que l’on peut comparer à deux longueurs d’ondes complexes allant vers une vectorisation progressive comme l'écrira Zoul lors d'un de leur échange technique.

(JP déclarera plus tard au cours d’une intervention vidéo sur un blog ami)

"De fil en aiguille, nous avons découvert avec stupéfaction que nous étions l'un et l'autre en train de préparer un travail de fiction, avec pour coeur de l'intrigue et de la mise en scène, la suite de Fibonacci et son nombre Phi, ce qui nous a amena de concert - ici il mettait deux gros guillemets dans l'espace avec un large sourire - à découvrir petit à petit et au fur et à mesure de nos innombrables dialogues-chats, que les mathématiques musicales telles que définies par la tradition classique occidentale et ses relations micro tonales sont un cul-de-sac... En bref que rien de cette oreille occidentale ne conduit à quoi que ce soit de précis - en terme d'harmonie ou de rythme - tels que défini par la physique scientifique et les sens des humains. Alors que d'autres pistes offertes par certaines traditions musicales d'Afrique orientale et septentrionale, ou comme plusieurs témoignages à creuser dans les traditions musicales d'extrême orient, comme les gamelans de Bali… Montrent une bien meilleure adéquation cognitive, elle issue du simple instinct, et pas d'un clavier tempéré par convenance...

Ici son interlocuteur invisible le coupe, (on voit bien que Jipé pourrait aisément s'emballer dans d'interminables digressions,) pour le ramener sur le sujet.

 - Oui pardon... Et, alors que nous rassemblions ensemble des éléments passionnants sur une dizaine de pratiques sonores insulaires, toutes issues de lieux forts éloignés géographiquement et que nous voulions comparer ensemble, Zoul n'a plus répondu... Il s’est évaporé. D'une minute à l'autre je n’ai plus reçu le moindre influx informatique venant de lui…  "

 

                                                                       ***

 

 JP avait laissé passer un jour, se consacrant principalement à ses activités d’écrivain compositeur et à de grandes ballades autour du Mont Aigoual. Puis une seconde journée. Une semaine. Une deuxième, troisième...  Il se décida alors à entreprendre quelques recherches. 

Dix jours plus tard il réussissait, suite à une longue journée de "tracking down" et à coups de messages divers sur de multiples réseaux spécialisés - ou pas, à suivre une piste complexe qui le mena à identifier le vrai patronyme de Zoul, à savoir "Louis Otta-Zenta". Grâce à cette information, et parce qu'il sagit d'un patronyme peu connu,  il put rapidement localiser l’adresse précise de son lieu d’émission informatique, en Banlieue de Sao Paulo.

Cet Otta-Zenta correspondait à une adresse dans un immeuble de quatre étages et une dizaine d'appartements, aux balcons remplis de verdure, en banlieue sud de la Mégapole.  Jipé passa un certain temps à user des possibilités, innombrables, pour observer visuellement l’endroit. De l’extérieur seulement hélas. Sans rien voir d'intéressant. Seuls 4 numéros de téléphone correspondaient à l'habitation. Après moult tentatives il obtint trois réponses des voisins. La première personne en ligne avait l'air occupée, avec une drôle de voix, (était-ce un homme, une femme ?), parlait plus espagnol que portugais et fit même l'effort de se déplacer jusqu'à la porte de l'appartement de Louis Otta-Zenta. Non, elle n'avait pas souvenir de l'avoir rencontré.  La seconde, une vraie femme celle-là, était désireuse de parler. Mais trop, après dix minutes d’aller-et-retours tâtonnants parce que Jipé se sentait limité par le portugais du Brésil, et la faconde intarissable et peu compréhensible de la dame, il se découragea… Et le nom "Otta-Zenta", qu'il plaça près de dix fois dans leur échange, ne réveilla aucun stimuli chez elle de toutes façons. Le troisième, un homme, lui claqua la politesse avant la fin de sa question.

Plus d'un mois après la disparition BILB de Zoul, et suite à tous ces jeux de pistes, il n’avait pas avancé d’un bit.

Il y avait une urgence ; Jipé dut consacrer une pleine semaine  pour créer une retenue d’eau à l’arrière de leur maison, en surplomb des cultures dont s’occupait sa compagne Amanda. Comme partout les problématiques météo des Cévennes varient et après deux décennies sans soucis le sud de la France passait par une énième période où l’eau devait être gérée parcimonieusement.  Il fallut donc organiser drains et arrivées d’eau, creuser, poser une bâche pour imperméabiliser la piscine naturelle, gérer les écoulements d’arrosage, etc. 

 

Une petite lumière restait cependant allumée en arrière-plan. Une fois du temps devant lui, elle ramena JP vers son trouble interrogatif.   Rien n’indiquait que le sud-américain soit malade ou mort, rien n’indiquait non plus le contraire. Rien n’indiquait rien. C’était frustrant. 

Il fallait orienter différemment la chasse.  Il avait compris que Zoul s’intéressait entre autres à certains travaux des équipes de Piel Essiarf pour en avoir fait deux fois mention, incidemment. Essiarf initiateur fou selon la rumeur, énigmatique héritier d’une famille richissime, développait selon la rumeur  des projets de recherches très ambitieux et originaux. Jipé appréhendait l'émergence de la notoriété du personnage comme de ces bluffs médiatiques fréquemment et astucieusement montés en neige sur BILB pour toutes sortes de raisons.  

Plusieurs jours durant il explora la piste Essiarf, pour se heurter à un mur. Hormis les informations génériques sur l’individu comme cela se faisait depuis le fossilien Wikipédia. Piel Essiarf, fils unique d’une genevoise et d’un Australien issu d’une famille sibérienne assimilée, représentait un cas assez rare, puisqu’issu d’une famille qui avait, par de mystérieux et secrets artifices, su conserver une immense marge de manoeuvre financière, réussissant donc à échapper aux régulateurs.  La famille Essiarf avait probablement assez de ressources pour beaucoup de chose, comme “annuler” sa présence sur BILB puisqu’il était seulement indiqué que Piel développait ses propres projets de recherche scientifique.

Nouveau mur.

Jipé se mis en tête de déceler dans leurs anciennes discutions/chats enregistrées  si Zoul avait quelque chose à fuir, un refuge à trouver, un problème psychique… “Ou est-ce une quête personnelle...  envie de dépasser les limites, de voir au-delà de l'horizon…” Demander d’analyser ceci à un spécialiste, un professionnel psy ?  Il ne pouvait s’y résoudre.

 

3

 

C’est  un de ses correspondants sur Cebalio, très ancien site de rencontres autour de la littérature où il avait conservé un profil créé dans sa jeunesse, qui lui donna l’idée d’aller sur un forum précis de FLP (depuis plus de deux siècles à l’adresse de réfléchir.net). A cause de la prédominance de ce site Jipé n’y avait jamais mis les pieds, toujours méfiants des choses lorsqu’elles deviennent répandues et trop connues..

 La page d’accueil, en 3D rehaussées,  présentait un unique motif. Ce n’est qu’après un temps d’acclimatation qu’il réalisa que l’entité numérique mouvante personnalisait les trois lettres FLP en lent logo vivant. Le motif mouvant s’estompa, ou plutôt se transmuta. Le rasoir d’une fine ligne sombre faisait sourire l’écran, comme un horizon lointain à toucher du doigt. Quel était le génie, ou le petit malin, qui avait conçu une calligraphie pareille, capable de vous absorber les pensées - tout en réussissant à vous suggérer de penser à deux mots. Deux termes ou entames de mots proposés par vous hors toute suggestion perçue. Et, plus fou encore, en se proposant de les deviner ! Le clavier virtuel se projeta devant ses doigts, très précisément. Il étaient peu sur BILB, à avoir les moyens pour ce genre d’entourloupette technologique. Comme si la machine savait avant lui qu’il désirait éviter la reconnaissance vocale, trop imprécise. De nouveaux types de senseurs peut-être.  Doublés d'une puissante intelligence artificielle appuyée sur son profil numérique étendu.

Concernant les 2 mots qu’il s'apprêtait à taper il décida de laisser faire la machine. La ligne noire était toujours aussi attirante mais c’était comme si la couleur en arrière-plan cherchait à l’en distraire. Les caractères apparurent, sans se presser :  

                                            e x t

 Avait-il soif ? Non…  

                                              t r a

 Une inquiétude ?   

                                                  t e r

 Non, aucune tension ni angoisse.     

                                                r e s t r e

 Depuis plusieurs siècles beaucoup de sectes interprétaient les pans de réalités non reproductibles,  OVNIS et UFOS entre autres…  pour prétendre que d’autres ethnies non terriennes surveillaient la planète des hommes et des insectes (entre autres). Affirmations et hypothèses spéculatives, rehaussées par les événements de Mingora, qui intéressaient Jipé. Mais ce n'était pas le terme qu'il avait en tête.

                            f   a n

 

La ligne sombre restait immobile,   arrière-plan en danse pivotation colorifère

  

                         t   a s   t

 

Le processus était un peu long. Il se gratta le menton, pour redécouvrir des poils drus, ah oui… penser à  tondre ceux-là

 

                      t   i q   u e

 

Les deux mots s’enlaçaient devant ses yeux, deux chenilles amoureuses aux mouvements indolents, mais si vifs par comparaison  avec ce qui les avait précédés. Le site-machine, sans l’ombre d’un doute, faisait interagir presque simultanément cent mille milliards de ping-pongs algorithmiques pour lui soumettre quelque chose. Au moins.

 

Extraterrestre et fantastique : tels étaient les deux termes “choisis" spécialement pour lui par la machine. Il rigola interne, on était loin du compte… FLP n’était pas, pas encore du moins, télépathe.

 

Machinalement Il ajouta    Otta Zenta   au deux termes et lança la recherche. 
 

Les textes inondaient l’écran, vagues successives, l’une recouvrant les autres… les autres recouvrant l’une. JP,  point-esprit immédiatement matérialisé sur une petite déferlante verte, l’immobilisa. Un vert qui tirait nettement vers le jaune, jaune frissonnant, mais ce n’était qu’un sentiment - la couleur demeurait totalement immobile. Puis le texte suggéré-choisi-pointé commença à défiler  comme une huile trop visqueuse au travers d’une anfractuosité fine. Les infos sur l’extrait, affichées au-dessus et au-dessous, disaient la même chose. Mais le graphisme obligeait à lire les deux comme si elles étaient différentes.  Dialogue avec Jacques Vallée, enregistré et noté par… un effet gribouillis suivait le "par", signe que l’auteur était identifié mais que lui et/ou ses descendants ne désiraient pas apparaître.

 

Question : - Pourquoi l'hypothèse du contrôle évoque essentiellement les ovnis et personnages qui y sont associés ? Cette manipulation de l'espace et du temps ne pourrait-elle se matérialiser dans la vie courante, dans la rue, dans les logements ?

 

Jaques Vallée : - On peut tout-à-fait imaginer un système de contrôle qui ferait graduellement basculer notre réalité (à la fois physique et sociale) pour la remplacer par "autre chose. C'est le mécanisme que Jorge-Luis Borges a décrit dans sa nouvelle "Tlön Uqbar Orbis Tertius."

 

Trois couleurs primaires jetées ensembles, signe d’un commentaire, récent, c’est à dire paru dans le mois précédent, clignotèrent deux fois de manière à ce que cette dernière apparaisse, graphisme antique du vingt-et-unième siècle, en lettre noires.  

 

– Merde, une note de Zoul.

 
 
 
 

 

4



 

Sous l’intervention de Jacques Vallée, un court message, signé Louis-Ursule Otta Zenta. Post  accepté par le site FLP. Pas si fréquent que cela selon les stats affichées en transparence.   

 

"La preuve qu’une autre forme d'intelligence est en train de prendre les rênes de la terre des hommes existe … Mais celui qui l’apportera disparaîtra instantané…"  

 

Un gag. C’était un gag. Son pote d’Amérique du sud avait cette sorte d’humour.  Et la modération Homme/Ai de FLP l’avait apprécié. Mais apprécié comment... pour décider de l’accepter ? difficile de savoir…  

 

- Ho  Jean-Paul… tu vis encore sur la même planète que nous ?

 

Amanda,  légèrement électrique, s’encadrait dans la porte du bureau. 

 

- Quatre fois que je t’appelle pour manger…  On va t’acheter une aide auditive. Ou cesser de te nourrir.

 

Il n’étaient que les deux ce soir là mais Amanda jouait la routine. Table mise, face à face, elle un peu grinchue. Lui absorbé.

 

 - Bon appétit ?

Lança-t’il machinalement alors que sa compagne savait que le dialogue ne serait pas alimenté d’en face. 

 

Zoul aimait les gags… Il était tout autant capable de disparaître momentanément pour donner du poids à une blague. JP gloussa de l’entourloupette potentielle au point que le visage de sa compagne alluma un regard interrogatif. 

- Toujours mangé par BILB je vois…  Proche du lointain et loin du prochain

- Ouais…   sauf que ça joue pas avec “prochaine”.

Il regrettait déjà.  Amanda, très physique - elle devait avoir un ratio BILB-MmE autour de 10/90 - détestait ce genre de calembour 

- Pardon, mais je suis embringué dans un truc bizarroïde qui m’absorbe à fond...

 

- Tu devrais te méfier de tous ces avatars…

 

 - Certes ma belle, mais ce ne sont pas des avatars, si j’ose, à chaque fois que j’ai creusé un peu il y a toujours un bout de réalité sous-jacent

 

- Peut-être…   Mais à partir du quatrième degré plus personne n’y comprends plus rien… 

 

- C’est bien pour ça que l’intelligence artificielle couplée existe.

 

- Justement

 

Positions inchangées après 18 ans de vie commune.  Ils allèrent jeter un oeil à l’installation d’arrosage et Amanda lui demanda de régler quelques détails.

 

                                                            ***

 

Plus tard, confortablement calé dans le canapé, un Houi-Skie bien tassé sur la table devant lui, il avait déployé l’écran sur la totalité du mur avec juste une petite lampe murale allumée derrière lui  c’était plus reposant pour ses yeux. Dans le calme nocturne, la maison silencieuse semblait le materner. 

 

"La preuve qu’une autre forme d'intelligence est en train de prendre les rênes de la terre des hommes existe … Mais celui qui l’apportera disparaîtra instantané…"  

 

Mots et reflets de son esprit gambadaient alors que narines et papilles infusaient l’alcool raffiné, “50 ans d'âge” affirmait l’étiquette.

 

Et soudain il fut submergé par les larmes... Le souvenir de leur complicité, leurs collaborations diverses sur différentes applications BILB, ces échanges non incarnés, même sans les pulsions diverses des regards et de la présence, remontaient d’un coup. Réminiscence soudaine d'une grande pureté, indicible.  

Sa main saisit machinalement le verre. Pourquoi suis-je aussi émotif ? 

Il savait, et depuis longtemps, toujours peut-être, qu’il y a sans cesse une "métamorphose en cours".  Pas à la manière de la brutale disparition de Zoul certes…

L’évocation d’une mutation telle qu’évoquée par Jacque Vallée était d’un autre ordre… En lent fondu-enchainé...   

Existait-il un terme approchant ce concept-idée sur Biloupa* ?

*Répertoire de “mots riches”, termes qui condensent en peu de caractères un concept compliqué. Dictionnaire en ligne engendré par le "groupe de Leysin" qui commença à établir un répertoire mondial de ces mots un siècle auparavant. Ce qui, par effet Internet, fut la base de ce qui devint un nouveau lexique de vocabulaire précisé mondial, la Biloupa. Mots créés en quelque sorte "de l'autre bout de la lorgnette". Pratiqué à l'origine par quelques passionnés la Biloupa avait été rapidement adoptée et utilisée au départ par les spécialistes de mots très difficilement traduisibles d’une langue vers l’autre. Son utilisation, standardisée à l’époque de Jipé, demeurait néanmoins affaire d’experts et autres amateurs éclairés. (Beaucoup moins répandue que FLP, parce que trop spécifique et sérieuse, avec une base de données peu détaillée, étroites et un moteur de recherche moins souple et puissant.) 

  l rêvassait.
 

C’était amusant, après-tout, cette idée d’une intervention externe à l’humain, à la planète. Le concept un peu parano qu’une autre forme de vie ou d’intelligence ait prise sur les rênes du pouvoir et des réseautages des hommes et de leur développement civilisationnel. 

Mais en procédant comment  ? A peu près toute manifestation pouvait être attribuée au hasard… Ou n’être qu’une simple perte de maîtrise de la communauté des hommes sur son avenir…  De sa maladresse… Sa stupidité… Qui se manifeste ainsi ?...

 

                                                                        

                                                                      5

 

                                                               

 

C’est lors de sa commande sur BILB de la nouvelle de Borges évoquée par Vallée que, coïncidence - mais les coïncidences en sont-elles ?  - c'est à dire orienté en cela par la remarque d’un surfeur sur un blog SF spécialisé, qu’il pris connaissance d’un texte écrit par William Frederick Temple en 1949 : "Une date à retenir" (A Date To Remember), courte nouvelle spéculant sur le fait que des extraterrestres pilotent l’humanité via les incarnations de grands artistes pivots du savoir humains. Les visionnaires créateurs comme Shakespeare, Cervantès ou Dante…

… Eh bé !

 

Une rapide recherche lui apprit que William Temple, écrivain britannique de science-fiction, né à Woolwich le 09 mars 1914 et mort  à Folkestone le 15 juillet 1989 avait vécu à Londres, peu avant la Seconde Guerre mondiale du vingtième siècle. Il y avait notamment partagé un appartement avec le grand Arthur C. Clarke peu après la fin du conflit.

Par la fenêtre les deux oliviers ombrageant la maison dodelinaient doucement, la brise vespérale s’était levée pour initier leur danse tranquille

Il pensa à sa vieille copine Biborne, Moura de son vrai nom,  une jolie russe de 58 ans, ex boulimique, encore plus boulimique de lectures, qui l’avait séduit en son temps par son esprit - au point qu’ils s’écrivaient sans cesse des messages depuis une dizaine d’années. Au point qu’à une époque il en était venu à se demander si une histoire d’amour cérébrale  pouvait être possible. Effet Ayagoura*, plutôt très rare chez lui. 

(*Chez ces gens de la forêt amazonienne, "ayagoura" symbolise l'excitation lors d’une rencontre avec un esprit de sexe opposé, excitation platonique qui laisse toute ouverture aux fantasmes, d’où le succès du terme.  Une femme manager s’en inspira pour créer un site sous ce nom, rapidement à succès. Mais, au départ fraîches et simplistes, on vira rapidement vers des applications pornographiques “spéciales ayagara”… De fil en aiguilles elles proposaient des "aventures" plus fouillées, permettant aux utilisateurs frustrés de présider à presque tous les scénarii possibles, avec possibilité de choix précis des intervenant(e)s et autres variations. Par effet d'apprentissages heuristiques miroirs les extensions des usagers privés s'étaient rapidement étoffées dans les détails, au point que certains affirmaient que les fantasmes provenaient de moins en moins des utilisateurs. )

Cette complice amitié suivie lui charmait l’âme…  Moura Biborne était sa mentor, même si elle s’en défendait.

Non, il n’allait pas l’embêter avec cette histoire de bascule civilisationnelle pilotée de l’extérieur. Elle avait beaucoup trop les pieds par terre. Et dans l’autre sens, si elle s’amusait à prendre la chose à coeur, cela mettrait juste un peu plus de pression dans sa vie trépidante.

 

                                                         ***

 

Les jours suivants Jipé passat de longues heures à recouper et croiser  les informations. Après moult vérifications il eut la surprise de constater que William Temple était mort exactement quarante neuf jours avant la naissance de Millar Gaichel (surprise car un allumé avait inséré un lien conduisant vers une explication de la durée du Bardo Tödol, laps de temps terrestre de 7 x 7 jours, nécessaire avant toute réincarnation humaine)... Encore un fondu mystique.

Il savait vaguement que  Gaichel avait été un des inspirateurs d’Essiarf. Ceci étant à rapprocher du fait que Gaichel avait été  l’auteur d’un unique ouvrage édité, dont la seconde partie intitulée "Homme de demain, Homme entier" qui avait pour ambition de correspondre  à l'oeuvre décrite, de fait oeuvre virtuelle écrite par le célèbre psychiatre Michael Grahame, personnage central de William F. Temple dans sa nouvelle "A Date to Remember". Oeuvre qui deviendra un best-seller mondial selon Temple, avec une influence comparable au Capital de Marx. 

 

Et alors ? Maugréa JP qui ne voyait pas le rapport avec la choucroute… De la littérature tout ça.

 

William Temple l’écrivain semblait presque totalement effacé de la mémoire universelle collective quantique de BILB, à cause de deux homonymes de l’époque dont la célébrité surpassait la sienne… L’un était prêtre anglican, l’autre politique.  Et en ce temps là TOUT n’était pas systématiquement collecté.

 

Quand à Millar Gaichel, disséminées dans les confins de BILB, il réussit à dégoter quelques dizaines de petites bios, ou bribes de bios, toutes liées à d’obscurs travaux universitaires. Il en ressortait un type singulier, né au milieu du 20e siècle, qui avait un peu touché à tout avant de disparaitre à une date non précisée autour  de 2030 - 2040. Resté principalement dans les mémoires grâce à son influence sur Piel Essiarf, et sa supposée participation au développement de FLP vers les années 30 et surtout grâce à l’immensité démentielle des archives BILBS qui permettaient de mémoriser les plus choses les plus insignifiantes.

 

                                                               ***

 

Amanda et les enfants partis en vacances chacun de son côté JP vaquait tranquillement en rythme diurne. Il adorait ce contraste là. 

Il commença aussi à mieux découvrir FLP, allant au-delà son refus instinctif primaire quant à participer à une entreprise couronnée de succès.
 

A son corps défendant il dut reconnaître après quelques heures que, le site des “Fils de la pensée”, entr'aperçu lors de la recherche de Zoul, méritait son succès. Développé depuis le début sans les stimulis écologico-financiers de l’époque (salade innommable qui avait fait long feu)  FLP avait atteint des proportions assez dingues malgré sa grande subjectivité foncière. Principalement parce que depuis sa création presque deux siècles auparavant on y développait une base de données Homme-Machine constituée d’extraits “insérés à la main” avec modération holographique intriquée (via un complexe système de discussions-miroirs itératives en paliers)... Entreprise qui avait réussi à embarquer des millions de gens dans un “machin” qui tenait plus du grand cerveau dingo-zinzin qu’autre chose. Néanmoins tout ça tenait la route par les vertus d’une conception extraordinairement souple, matérialisée par d’incroyables parcours possibles (lecture choisies selon paramètres X ou Y, lecture créée pour le visiteur, mélange des deux, lectures “didactique”, lectures aventures… Lecture lisant le lecteur, etc ). Tout ça autour de la poésie et d’une  certaine idée de la liberté du lire… enchevêtrements de raffinements classificatoires qui vous permettaient de trouver une citation marrante proférée par une congolaise  du XIXe siècle quant à la timidité sexuelle des hommes. Ou une insulte anti-con chez les Assyriens du 3e millénaire avant la civilisation romaine.  Et mille variantes, comme la description d’un coucher de soleil sur une planète pas encore découverte ou la recette de cuisine pour cuire à point un univers jumeau. 

Un titanesque délire ordonné.

Avec 230 millions d’extraits et des dizaines de milliers de chaines de réflexions collectives les perspectives de promenade dans l’immense forêt vierge d’idées et de mots devenaient inquiétantes… On avait aussi la possibilité de préciser très finement une pensée, jusqu’à carrément se perdre… à ne plus savoir son nom.  Mais stop.

Ce qui passionna le plus Jipé était l’absence d’images. Jusqu’à ce qu’il réalise sa - demi - erreur puisque FLP développait depuis le début un département, conséquent tout de même, consacré à la transposition d’images en textes. L’idée de cette section “inversion du monde” était simple : tout ce qui avait été pris en photo, était susceptible d’être aussi capturé par les mots. Ces “sujets texte-images” étant bien sûr aussi insérés après modération. Vraiment passionnant, surtout quand il réalisa que quelques unes de ses images favorites s’y trouvaient.  En cette période FLP procédait à un sondage afin de savoir si les utilisateurs étaient intéressés à ce que soit créée une section “Musiques mise en texte”

 

                                                                        ***

 

Deux semaines plus tard il recevait le livre de Millar Gaichel "Pensées d'ailleurs", BILB en avait retrouvé 3 exemplaires et avait choisi pour lui celui nécessitant la plus faible dépense énergétique pour le faire amener chez lui. Il passa cet après midi-là sous les oliviers, attentif dans sa lecture. Il s’agissait d’un bouquin d'entretien entre une soi-disant entité extraterrestres et un humain, dans lequel était développée moult théories assommantes, dont une développait une idée de décors  (la TV et les images abrutissantes) totalement humoristique avec le recul du temps. De la science-fiction moyen-âgeuse.

  (…)

  Par la magie du web il parvint à entamer un bref dialogue mail avec le petit fils de l'auteur, maintenant un très vieux monsieur puisqu’il dépassait, fait encore rare, les cent vingt ans.  Sacha Gaichel resta évasif quant à la vie et autres infos sur un grand-père dont il n’avait aucun souvenir. On sentait le type prudent. Ambigu. Ou en fin de vie. Il lui apprit cependant que Millar Gaichel avait laissé plusieurs copies d’un manuscrit jamais publié dont il avait hérité pour ses vingt ans. Sur demande un peu insistante de Jipé Sacha Gaichel accepta finalement de lui en faire parvenir un… On ne sait jamais, dès x qu’il devienne célèbre 200 plus tard… ce serait du jamais vu. Parvint-il à articuler avec un petit rire sec.

- quel en est le titre ?

- 2020, bascule de la réalité des hommes

 - Mais bien sûr que ça m'intéresse, Monsieur Gaichel

 

                                                ***

 

Tlön Uqbar Orbis Tertius arriva par drone furtif deux jours plus tard alors qu’Amanda et un des gamins étaient de retour à la maison. Il s’y plongea immédiatement. 

Les jeux réfléchissants orchestrés par Borges, un peu prétentieux, lui firent penser à un vieil ouvrage de son adolescence, trouvé dans la bibliothèque générationnelle familiale : "Les Terres creuses", une BD de François et Luc Schuiten (le scénariste), parue aux Humanoïdes Associés.  En particulier la troisième partie de cet ouvrage tryptique, intitulée Nogegon 1990 (précédée de : Carapaces 1981 et Zara 1985).

Nogegon, nom palindrome,  était une histoire-album créé selon une symétrie centrale.  À chaque page correspondait une page inversée en miroir (x - x'). Par ce canevas tant marqué du sceau de la symétrie, l'héroïne de ce conte en bande dessinée s'interroge elle-même sur les causes de la binarité si parfaite de tous les éléments de la vie à Nogegon.  

JB ne s’en n’était pas aperçu au premier abord. Ce n'est qu'en faisant attention à la numérotation des pages, puis en repérant les jeux d'échos (tonalités, lexiques, modalités, cadres des images, etc.) qu'il réalisa la structure "inversée" de Nogegon.

Il s’éloignait complètement  de son sujet, mais c’était intéressant. Et puis  toutes ces pistes étaient issues de la seconde moitié du vingtième siècle et du début du vingt et unième. Rapport avec Gaichel ? Peut-être. 

 Jipé était absorbé. Mais  totalement largué.

 

                                                

                                                                                                           6

 

 

 

La maison désormais animée, famille au complet,  il bascula en rythme nocturne, continuant de loin en loin ses tentatives d'élargir les pistes pour tenter de retrouver Zoul. De fait il reculait  toujours plus dans le temps. Mais, hormis les anciennes  interactions entre eux et ce petit message sur FLP, rien.

Rien.

Un matin Amanda lui parla incidemment d’une information très relayée cette semaine-là. Essiarf et ses équipes, depuis que sa fondation avait été créée près de 100 ans auparavant, attiraient beaucoup. Le mystère et ses secrets ont un pouvoir d’attraction exponentiel lorsqu’ils durent. Ainsi, quand un individu qui avait travaillé sous le contrôle d’Essiarf et se fit licencier, Anastase Deriaz, le grands médias ni mirent pas longtemps à le persuader - avec argent à la clé - de vider son sac, à lâcher des infos dont tout le monde s’en fit l’écho. Dont celle qu’Amanda amena à la surface.

 

- C’est rigolo cette histoire d’avatars quantiques développés par les mecs d’Essiarf. Bien plus avancés que ce qu’on a vu jusqu’alors.

 

Jipé n’était pas du tout en en phase avec la nouvelle, ce qui aurait pu avoir des conséquences. En claire une errance absurde de plus.  

                                                            ****

Le jour suivant, de retour d’une longue promenade solitaire sous les châtaigniers,  il se mit en tête de rapprocher Nogegon avec la Messe en si de Jean Sébastien Bach. Hors  leur structure commune "en miroir", il ne trouva pas de correspondance signifiante.  

Il décida qu’il était mieux de revenir à cette seconde moitié du 20e siècle et début du vingt et unième..

Ici nous prenons la liberté de couper afin de ne pas lasser le lecteur, et nous contenterons d'énumérer brièvement quelques écrits par lesquels passa alors JP.

Tout d'abord le voyage initiatique sur les pas de Paul Coray dans “Nulle part à Liverion” (Serge Lehman, 1996). Puis il se laissa charmer par le prospectus vantant la planète Verna dans  “Des personnes déplacées” de Jack Finney. Il s’initia aussi au voyage initiatique, sous forme de channeling, d’Alain Damasio dans sa nouvelle “El Levir”.

 

                                                                       ***

 

Le temps passait. Moins assidu, le train-train de  la recherche de traces de Zoul dans l’infinité apparente de BILB se poursuivait. Conviction descendante. Un jour quand même JP vécut une rémission. Court “Aha moment”.  Alors qu’il faisait éplucher par un système expert l’immense base des entrées d’un site musical, il tomba - enfin - sur un post musical étiquetée l’entité Zoul avec, dans les détails “Louis-Ursule Otta Zenta”...       

Zoul, un acronyme,  c’était drôle, il n’avait pas pensé à ça. La musique, intitulée “Dro drole d’histoire”, oeuvre de recherche principalement articulée sur le septénaire était sans intérêt.

“A chier” proféra-t’il même à haute voix.

Un peu ravigoté par cette petite trouvaille   il relança toute une série de recherches usant des termes précisés “Louis-Ursule Otta Zenta”...    qui après plusieurs jours l'emmenèrent vers une des “Chaîne collective de FLP”, toujours plus répandues (et organisées en mind mapping  3D depuis très récemment), celle-ci avait pour thème le septénaire.

  

Dans celle-ci Louis-Ursule avait mis en route ce qui devenait rapidement une réflexion assez invraisemblable où il voulait faire tenir toutes les interactions du monde via les entrelacs de septénaires. Fortement impressionné par la lecture d’un récit mystique pondu au mitan du vingtième siècle (Les Dialogues avec l’Ange mis en forme et rapportés par Gitta Mallasz) Zoul  avait utilisé FLP pour structurer cette invraisemblable marotte, mettant même des liens avec certaines musiques articulée sur le chiffre sept dont, comme par hasard, le très indigeste “Dro drole d’histoire”. Des dizaines de fanatiques avaient participé au développement de la chaine.

Bref elle était incompréhensible. 

Parmi les commentaires  de la chaine Jipé attrapa un “Apprenez déjà à faire simple avant de nous emmerder avec votre ésotérisme de hard-discount.”

  On peut le dire  grommela-t’il… 

 

                                                                      ***

 

                                                                                                 7

 

 

C’est cette semaine là qu’il fut  appelé en urgence pour dépanner Emilie, une amie peintre, malade, afin de la suppléer lors des ateliers de dessin collectif qu’elle animait  les jeudi et vendredi dans une petite structure parascolaire du fond de la vallée.   

Petit job d’appoint peu fréquent, qui lui plaisait beaucoup. Le contact avec les jeunes surtout … L’énergie et le dépaysement de la génération montante. C’était reposant de surcroit ; il se contentait d’être là, simple surveillant, tentant juste d’être présent pour répondre aux sollicitation diverses.  

 

Emilie l’enseignante, avait donnée un sujet libre et les élèves, disparates (une vingtaine de gamins de 9 à 15 ans) venaient le voir à son pupitre pour poser des questions ou simplement présenter leur travail... en quête d’assentiment bien sûr.  

A un moment un groupe de grandes,  vinrent lui montrer leur oeuvre collective. 

Le grand dessin concocté par les 5 ados,  pétant de couleur, très vivant et débordant de détails, tout ça quadrillé de lignes torturées aux  motifs étonnants, aurait pu passer au premier abord pour du gribouillis. 

Devant sa mine perplexe elles se mirent à lui expliquer la chose.

- Mais non Monsieur !!! Enfin !!

Le pentacle égrégore femelle avait fait grand oeuvre de création. Elles lui détaillèrent une mythologie cosmique définitive,  résumée grossièrement par le combat d’humains contre des robots créés par eux, avec victoire finale de ces derniers….

Il était assis, elles, debout le surplombaient,  5 exceptionnelles sorcières en devenir…                              

Sa dubitation s’était métamorphosée en une légère inquiétude, palpée par les jeunettes.

- Mais heureusement, une fée, mystérieusement alliée avec une petite fourmi…. va sauver les hommes...  

En effet, la petite bêbête insectoïde apparaissait - il fallait le savoir elle était vraiment minuscule, tracée au néo-color gris - tout au bas du dessin.

Ainsi clorent-elles, rassurantes, une saga développée, et défendue,  avec l’époustouflante aisance de la jeunesse.

 

Au sortir des cours il était à pieds, il se sentait rasséréné par un délire qui portait l’authenticité du désordre.  Rien a voir avec le rigide délire septénarial dans lequel Zoul avait tenté de l’embarquer le jour précédant.

 

Quelle peut être l’organisation à la base du désordre ? Telle était l’interrogation qui accompagnait un organisme, le sien, qu’il amenait péniblement, combat contre la gravitation, le long du sentier très pentu menant chez lui.       

 

                                                                          ***

 

Il se leva plus tard que de coutume le lendemain. Le facteur avait déposé le vieux manuscrit posthume de Millar Gaichel.

 

En épigraphe de “2020 bascule de la réalité des hommes”, Gaichel avait inscrit ce petit poème d’André Richaud :

 

Minuit vint

Minuit disparut

Minuit dix parut

Minuit vingt. 

 

L’ouvrage,  ampoulé et vieilli s’essayait à démontrer que l’apparition d’Internet procédait d’une virtualisation, naturelle chez les humains puisqu’il développait de longues analogies des virtualisation historiques… des armes, de l’argent, etc… Mais surtout qu’avec Internet on pouvait se poser la question quand à une manipulation “externe aux hommes”.... L’idée de William Temple revenait. Mais il n’allait pas plus loin.

 

                                                                              ****

 

Le soir il termina en grand survol son parcours des dossiers chaines FLP développés par Zoul. Comment s’attarder dans pareille complexité ?... Quelle merde. Il s’arrêta uniquement sur le dernier extrait, ultime entrée du sujet “Septénaire”, sujet qui s’attaquait à la musique Européenne et post européenne…. 

 

Conclusion : musique et pensée occidentale, formatées par un cartésianisme mathématique qui au final n’a fait que calibrer et verrouiller la musique afin de la rendre confortable, s’étaient éloignées d'une réalité beaucoup moins jolie, symétrique et sans odeurs, que celle à laquelle ils auraient voulu croire. 

Tout était à refaire, principalement pour une “meilleure organisation artistique des sons.”

 

Eh ben merde alors, tout ça pour ça… la même conclusion à laquelle ils étaient arrivés les deux ensemble quatorze mois auparavant. 

Manip. Foutage de gueule ? ….

 

Ce fut la “dernière trace tangible chronologique” de l’insaisissable Zoul. 

“Deux fois” sa dernière trace.  A chaque remémoration de celà Jipé souriait vaguement malgré lui.

                                                             ***                                                            

Tout ça, avec le temps, avait perdu son sel . Fin de la recherche des traces de Zoul.  Basta avec les calembredaines.

 

 

                                                          Epilogue

 

Jipé vécu encore une vingtaine d’années  à Saint-André de Valborgne et puis il termina sa vie au Portugal, (principalement consacrée à l’étude de la Genèse de FLP) en compagnie d’une jeunette de 35 ans sa cadette, rencontrée via une agence matrimoniale en ligne. 

 

 

 

 

                                Posface - pour une meilleure continuité historique

 

Les archives de l’époque actuelle (an 5087) ne gardent aucune trace notoire de la vie et des activités, ni des descendants de Jipé, ou JP, ou Jean-Paul Blondel. Il réapparait néanmoins, de manière très lointaine et ponctuelle, par la graĉe des innombrables traces informatiques laissées au cours de sa vie et restées à disposition du public (Nous savons aujourd'hui que Jean-Paul Blondel   laissa consciemment tout son profil numérique hors embargo.) 

Blondel  développa et mit en ligne aussi un petit dossier bien référencé sur sa courte interaction avec Zoul. Il y mentionne Millar Gaichel une dizaine de fois. 

Du coup quelques étudiants se sont amusé à étudier cet insignifiant épisode autour de  l’histoire de la disparition de Zoul.  Ceci expliquant cela.

Prestige d'énigmatiques anciens dont on ne connait presque rien.



 

                                                                          ****



 

Extrait 1, refondu,  de la synthèse des notes sur les notes de la grande encyclopédie intriquée du 3e millénaire (copyrights accordés multilatéralement)

Subséquemment au mystère Louis-Ursule Otta Zenta  les investigations pointent vers les deux possibilités les plus vraisemblables

 

(Ci-joint le lien vers le site qui recense les études - 348 - sur ce sujet)

 


 


 

Extrait 2, refondu,  de la grande encyclopédie intriquée du 3e millénaire (copyrights accordés multilatéralement)

 

Le sourçage des dix premières années de FLP a fait l’objet d’innombrables travaux universitaires  dont beaucoup sont encore en cours. Toutes ont comme point de départ la création de l’association Française FLP, initiée  par une mère et sa fille vers 2018-2020, alors qu’il semble établi qu’elles furent inspirées, voire pilotées, ou manipulées, par une ou plusieurs personnes extérieures. Les deux pistes les plus étoffées dans cette direction pointent une vers Denis Pansu (678 liens) et l’autre vers Millar Gaichel (92873 liens)

 

Court résumé de l’émergence de FLP

Dès 2025 Le moteur de recherche FLP et sa base de donnée devinrent téléchargeables, de telle manière que des centaines de surfeurs purent se l’accaparer en application locale et individuelle, chacun modifiant à sa sauce sa base de données FLP jusqu’à ce que, pour les plus assidus, elle devienne comme une profil langagier numérique personnalisé. Par la suite, via les fonctions API d'alors, chacun put connecter sa base FLP perso avec qui il le souhaitait. Ou avec le corpus central pour comparaisons/évaluations imports-exports. Ce fut le premier déclic de l’augmentation exponentielle de la BD intersubjective/intelligente de FLP

Il y eut donc une émergence, très lente au départ, qui  insensiblement fit éclore des liens personnels “hors système”. Floraison de milliers d’interconnexion, elles mêmes subdivisées en réseaux plus petits de dizaines et de dizaines de surfeurs qui exploraient, certains jusqu’à y perdre leur latin,  un nouvel espace littéraire virtuel. Avec, point central fortement modéré, la base de données FLP “certifiée”. Continuum infiniment plus développé de nos jours que la réalité donnée par les seuls sens humains et  infiniment plus ouvert que les images fournies par la haute-technologie. Par l’apport de FLP, l’écriture et les voyages intérieurs de l’imaginaire se révèlent très supérieurs au cinéma 3D ou toute autre technologie de divertissements puisque ces derniers, en fixant visuellement les choses, les détruisent.

Mais ce sont surtout les développements qui suivirent des événements de Mingora qui, nous le savons aujourd’hui, concoururent au développement de FLP. 

C’est dans la localité de Mingora, au nord du Pakistan, qu’eut lieu d’une explosion nucléaire accidentelle qui déclencha ce qui aurait pu devenir une guerre atomique généralisée en 2031. Conflit stoppé de manière incompréhensible, en parallèle à de nombreuses et extraordinaires apparitions ufologiques que personne ne fut capable d’enregistrer de manière convaincante sur quelque appareil de mesure que ce soit. Episode si potentiellement catastrophique qu’il amena les terriens à forme de prise de conscience collective déjà fortement initiée par le réchauffement climatique. “Nous sommes des enfants irresponsable”  fut la conclusion de la mission d’enquête internationale mise sur pied suite à cet énorme incident. Commission d’enquête en même temps si controversée qu’elle engendra l’irrépressible mouvement SINTONIZE parti d’un peu partout sur le globe et qui sera, d’une certaine manière, à la source de certains travaux des équipe de Piel Essiarf.

Mingora est considéré, à juste titre, comme une balise importante dans l’évolution de l’humanité.

(Les événements autour de  cet événement clef seront aussi utilisés et explicités de manière romancée - vu que le mystère demeure - dans le roman saga “Trio B” d’Alexandra Kaulymak, co-écrit semble-t’il avec une personne non identifiée.)

                                                                              ***

La fin du vingt-et-unième siècle verra une mutation extraordinaire, initiée d’Asie. Trois facteurs principaux s’y conjugèrent. La lutte contre le déséquilibre écologique amené par l’homme (surpopulation, épuisement des ressources et réchauffement planétaire), l’avènement de l’informatique quantique et, conséquence de ce saut technologique & conceptuel, le développement proportionnel des activités poétiques humaines.  C’est bien sûr par dans ce troisième secteur que FLP fera merveille, développant drastiquement ses activités dès 2035 lorsque son infrastructure existante sera mise à profit par le mouvement Sintonize pour réseauter intelligemment ce qui s’appelait encore, plus pour longtemps : Internet. 

 

On vit alors, au fur et à mesure du développement de diverses communautés vers les loisirs, imposées par simple bon sens aux politiques suite à la diminution du travail,  émerger différentes modalités du "passer le temps via la consommation de biens non tangibles".  

Celles qui privilégiaient les activités purement littéraires, c'est à dire  appuyées sur les mots et les phrases, s'étaient divisées en deux pôles : délassement et recherche. Deux tropismes aisément unifiés pour ce qui concernait les activités méditatives comme la rêvasserie, la poésie ou la flânerie littéraire, voire très éloignées quand une lecture dévorante absorbait entièrement le liseur. Ou à cause de la concentration poussée que demande le suivi et la cohérence d'une pensée, rationnelle ou pas, qu'elle soit mathématique, créative, philosophique ou autre.

Furent développés et testés de multiples outils, incitatifs ou de motivation inverse afin d'orienter les utilisateurs et les faire participer à cette structure auto-construite. Pour l’anecdote, la première tentative dans ce sens fut une incitation à se mettre dans l’ambiance, idée vue comme  tout à fait farfelue par les observateurs, sous forme d'une "aide au désincarnement".  Fonctionnalité disposée sur la page d’entrée du site qui permettait de choisir une musique onirique, présentée  comme un sas de décompression mentale destiné à aider les participants à ralentir, à se détendre, etc… Pour un résultat très mauvais comme on peut l’imaginer. 

Mais après 2035 l’engrenage était lancé. Pour donner un exemple, en 2019, à l’origine de FLP,  il avait été indiqué que “passer moins 10 minutes sur le site” était inutile. On parvint à cette moyenne peu après 2035… Taux d’occupation moyen qui passa à 50 minutes en quelques décennie, ce qui incita les esprits responsables à faire développer des régulations chair-esprit, qui amenèrent les fameux MmE, rapidement incontournables pour se promener sur BILB. Nous entrions dans le XXIIe siècle.

 

 

                                                                 ***


   



 

Extrait 3, refondu,  de la grande encyclopédie intriquée du 3e millénaire (copyrights accordés multilatéralement)  Piel Essiarf

 

L'excentricité essentielle de Piel Essiarf, alliée à l'immense fortune héritée de ses parents, offrirent  une ouverture incroyable au monde, vrai coup de lumière dans la pénombre du solipsisme anthropomorphique. 

Inspiré selon la légende de certains travaux de Millar Gaichel, explorateur très marginal du siècle précédent (ufologiste fou qui ingérait de très calculées doses de DMT tout en utilisant des lunettes spéciales afin d'élargir sa vision dans l'infrarouge et l'ultraviolet - tout ceci après s'être longuement rééduqué pour s'extraire au possible des préjugés culturels qui obstruent les sens), Piel Essiarf  fit faire un saut conceptuel à l'aventure du dépassement cognitif humain. Ceci en combinant trois idées de recherches qu'il put faire développer "ensemble" via l'engagement de brillants chercheurs créateurs et l'intelligente utilisation des progrès technologiques de son époque, principalement l’informatique quantique. Beaucoup aussi en parvenant à maintenir durant plus d’un siècle un secret quasi absolu sur ses activités. 

Sa première idée, la plus originale et la plus difficile, déverrouilla beaucoup de champs de recherches. On la nomme encore aujourd'hui "Désyntonisation et reconversion syntones des formes de vie a-syntones." Les deux autres, non moins aventureuses, restent plus facile d'accès puisque nous parlons des biens connues MTCC (Modélisations théoriques de civilisations non issues du carbone) et ERENAM (Etude des rapports d'échelles entre nano, anthro et macro monde.) 

Dès les premières découvertes issues de cette tri-méthodologie la science des "techno-signatures non humaines" prit son envol. Et beaucoup d'autres disciplines (comme les voyages astraux) Énorme remise en perspective pour l'hubris des primates glabres de la 3e planète du système solaire.  

 

 

 

 

                                                              ***  

 

                                                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait 4, refondu,  de la grande encyclopédie intriquée du 3e millénaire (copyrights accordés multilatéralement)

 

L'homme avait passé son temps à trouver des explications en étudiant les paramétrage de son univers : tel un drone biologique envoyé vers un "extérieur" connaissable seulement par son entremise (En se souciant très peu des échos cognitifs des autres êtres vivants développés bien sûr). 

Ce fut une fois encore Piel Essiarf et ses équipes qui, inversant totalement la perspective, parvinrent à des résultats vus comme extraordinaires alors. 

Inspirés selon leurs dires par l’étude d’un ouvrage confidentiel (probablement un essayiste fort discret - qui ne publia que numériquement sous le pseudo d’“Aleks Art-C”. Certains spécialistes considèrent que son style est typiquement féminin mais l’énigme demeure) - ils usèrent de quelques astuces, comme de subtils détournements de l'attention directe forte (conditionnée par l'évolution), parfois aidé en cela par l'usage de produits psychotropes. Ou encore en s'aidant de techniques d'hypnose régressives (qui conduisirent ensuite vers la discipline H.I. maintenant très répandue de l'hyper introspection).

C'est donc en s'attaquant frontalement à l'exploration de cet autre bout de la lorgnette qu'est le monde intérieur humain que Piel Essiarf et consorts mirent au jour des ouverture vers ce qu'on nomma justement "Le Noma", trou noir infinitésimal dont nous sommes issus, qui ouvre vers nouvel univers dans lequel on avait mis tout et son contraire jusque là : ovnis, mémoire d'avant, inconscient, apparitions de la vierge, incarnations précédentes, sorties hors du corps, voyage astral, mort imminente, fantômes, etc. 

Il est à noter - ce fut démontré plus tard par les physiciens théoriciens - que ce "conduit frontière" génère une infime manifestation mesurable, au regard de laquelle une onde gravitationnelle fait figure d'étoile à neutron. 

On découvrira ensuite que le flux du vivant utilise aussi, sous certaines conditions précises, ce passage, pour initialiser, ou ré-initialiser la vie.



 

                                                                       *****

 

 

Extrait 5, intégral,  de la grande encyclopédie intriquée du 3e millénaire (copyrights accordés multilatéralement)

 

Tout ce que nous savons des dernières idées prospectives de Piel Essiarf (2030 -  2243) est contenu dans cette confidence de sa fille Camille : 

- une semaine avant sa mort papa m'avait dit qu'il pensait être capable de démontrer que l'approche scientifique humaine avait fait son temps. Il m'a sorti quelque chose… du genre, je ne suis hélas pas tout à fait garante de la formulation précise.

"Le langage des hommes  est issu du pragmatisme de la survie collective. Il fut l'axiome de base en en listant les outils. Il s'est développé peu après via l'imaginaire religieux pour se stabiliser ensuite avec l'approche scientifique... Je crois que nous arrivons à la fin de ce cycle, ce qui se fera probablement avec une refondation de nos concepts, un changement de paradigme qui devra se débrouiller pour décentrer notre humaine vision des choses et la remettre en perspective au sein d'un corpus de savoirs plus global"...

Camille ajoute : - j'avais noté ceci le surlendemain de sa mort, de peur d’oublier ou de mal m'en souvenir.  

Rappelons ici que Piel Essiarf fit inscrire ces mots de Spinoza sur sa tombe.  

 

“ La connaissance du bon et du mauvais n’est rien d’autre qu’un sentiment de joie ou de tristesse, en tant que nous en sommes conscients. “

 

 

                                                                          ***


 

 

 

 

Extrait des “Conclusions synthétiques” de la Grande encyclopédie raisonnée des 4  premiers millénaires de l’ère post Romaine. (Partie 37a : les apports de Piel Essiarf lors du changement de paradigme)

 

Les "hommes écrivants" crurent d'abord à une terre plate, avec des bords aux frontières des abîmes. Puis l'arrondi s'imposa, on représentait le monde comme une sorte de grand bouclier, ou carapace de tortue, tout simplement parce que certains voyaient bien la courbure des horizons maritimes ou océaniques. Et puis Aristote et Platon firent entrer l'idée de rontondité dans les consciences, aidés en cela par ce qui précède, allié à la contemplation de la lune et autres astres sphériques.

Malgré quelques prémisses au vingt et unième siècle, c'est bien Piel Essiarf qui démontra, 200 ans plus tard, comme tout ceci n'était que simplification conceptuelle d'une espèce jeune et encline à croire uniquement ce que lui rapportent ses sens. 

La planète terre, ainsi que ses soeurs et le soleil, ne sont que masses d'énergie concentrées, plutôt très allongées en terme géométrique (en réalité leurs formes sont beaucoup plus instables que les sens et instruments humains le détectent, du à leur “non localisation foncière”, tout ça à cause d'une cognition rationaliste anthropomorphe qui résumait ces phénomènes à de simples sphères afin de stabiliser son environnement grégaire par réflexe homéostatique.) 

Et puis, au mitan du troisème millénaire, l'intelligence artificielle,  - qui avait pris les choses en main depuis quelques siècles dès l’irruption d’une informatique quantique efficiente - reprenant les travaux d’Essiarf mais aussi ceux, plus anciens, de Charles Sanders Peirce, mit sous toit une théorie unificatrice des forces et de leurs représentations approchées. 

Théorie qui annula définitivement l'idée de formes stables et autres fariboles géométriques plus ou moins figées par les représentations humaines. Principe démonstratif d'un Schéma Global qu'on peut résumer ainsi : 

Les électrons, du zéro à l'infini, développent, en fonction de leurs concentrations, des niveaux d'intentions et d'organisations autopoïétiques toujours plus complexes et intriqués. De fait à tous les échelons se développent des consciences spectatrices-réceptrices, qui se perçoivent très rarement entre elles (les recherches initiées par Piel Essiarf sont encore cours 2000 ans après). Ces divers continuums "dedans-dehors", se développent majoritairement en anneaux de Moebius. Par exemple : ce qui semble discontinu pour les humains est en réalité continu, est peut être révélé via des bugs comme les synchronicités ou les poltergeist. Parfois aussi cette "dualité retroussée" est obérée lorsque deux niveaux différents s'interpénètrent et interagissent. On verra alors, autre exemple émergeant du point de vue humain, des manifestations d'OVNIS - qui ne représentent pas, ça tombe sous le sens - un phénomène univoque, mais regroupent une hétérogénéité de manifestations aux sources multiples classées généralement dans un même dossier. 

Certaines des ces interactions étaient parfois décrites comme étant la manifestation de ce que Dan Radin appelait le "spectre continu" il y a plus de 2000 ans. 

Ce qui, nous le savons depuis peu, est tout à fait inexact. 

 

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Extrait des “Conclusions synthétiques” de la Grande encyclopédie raisonnée des 4  premiers millénaires de l’ère post Romaine. (Partie 37bis : les apports de Piel Essiarf lors du changement de paradigme)

Les trous noirs étaient le seul réel danger pour le voyageur astral. S'engager dans un de ces entonnoirs pour se retrouver expulsé vers une autre partie de l'univers - ou un autre univers, personne n'ayant jamais apporté la réponse -, avait en tout cas considérablement ébranlé l'équilibre mental des rares expérienceurs qui en étaient revenus (les deux uniques témoignages rapportés étaient incohérents). Les autres, en tous les cas ceux ayant annoncé pareilles tentatives, on les retrouvait décédés, morts par arrêt cardiaque durant leur sommeil (ici un plaisantin indiquait que la formule fonctionne pour toute maladie). Certains pensaient que la corde d'argent subit d'irrémédiables dommages lors de ces épisodes astraux, pouvant aller jusqu'à se briser, ce qui reste à prouver. 
Ce n'est que bien plus tard que Piel Essiarf et consorts mirent en évidence l'effet de résonance en cause. Un effet non double - comme l'effet Larsen - mais une complexe mise en boucle qui se révéla être la rétroaction parallèle de trois éléments : le "Noma" de l'individu conscience, le trou noir emprunté et leur univers source. Les modélisations mathématiques de ce phénomène ne furent mises sous toit que trois siècles plus tard. Pour ceci il avait fallu totalement refonder le système logique des humains pour s'en dépêtrer. 


(Travaux qui conduisirent les équipes postérieures à modéliser un système total, intégrant un dépassement de la nature bipôle des analyses humaines avec le grand et incessant carrousel des échelles de vies interconnectées. Au centre du dispositif, unique point fixe, l'esprit, l'abstraction non incarnée.  Pol Cradir ramenant tout ça en une équation simple, au sein de laquelle 2 nouveaux symboles durent être créés.)

 

(Voir le tome “Millénaires V de la Grande encyclopédie raisonnée de l’ère post Romaine.”)