mimétisme
À mes moments perdus, j'apprends à marcher à une statue. Étant donné son immobilité exagérément prolongée, ce n'est pas facile. Ni pour elle. Ni pour moi. Grande distance nous sépare, je m'en rends compte. Je ne suis pas assez sot pour ne pas m'en rendre compte.
Mais on ne peut avoir toutes les bonnes cartes dans son jeu. Or donc, en avant.
Ce qui importe, c'est que son premier pas soit bon. Tout pour elle est dans ce premier pas. Je le sais. Je ne le sais que trop. De là, mon angoisse. Je m'exerce en conséquence. Je m'exerce comme jamais je ne fis.
Me plaçant près d'elle de façon strictement parallèle, le pied comme elle levé et raide comme un piquet enfoncé en terre.
Hélas, ce n'est jamais exactement pareil. Ou le pied, ou la cambrure ou le port, ou le style, il y a toujours quelque chose de manqué et le départ tant attendu ne peut avoir lieu.
C'est pourquoi j'en suis venu presque à ne plus pouvoir marcher moi-même, envahi d'une rigidité, pourtant toute d'élan, et mon corps fasciné me fait peur et ne me conduit plus nulle part.
Auteur:
Michaux Henri
Années: 1899 - 1984
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
La Vie dans les plis, La statue et moi, pp.60-61
onirisme
Je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je en me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, perdant toute foi, je me mis à me mordre les doigts de rage, me demandant malgré la souffrance grandissante si je me mordais réellement les doigts ou si seulement je rêvais que je me mordais les doigts de ne pas avoir si j'étais éveillé ou endormi et rêvant que j'étais désespéré de ne pas savoir si je dormais, ou si seulement je... et me demandant si... Et ainsi d'insomnies en inutiles sommeils, je poursuis sans m'abandonner jamais un repos qui n'est pas un repos, dans un éveil n'est pas un éveil, indéfiniment au guet, sans pouvoir franchir la passerelle quoique mettant le pied sur mille, dans une nuit aveugle et longue comme un siècle, dans une nuit qui coule sans montrer de fin.
Auteur:
Michaux Henri
Années: 1899 - 1984
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Face aux verrous
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littérature
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poésie
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absurde
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déclaration d'amour
Poussant la porte en toi, je suis entré
Agir, je viens
Je suis là
Je te soutiens
Tu n'es plus à l'abandon
Tu n'es plus en difficulté
Ficelles déliées, tes difficultés tombent
Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus
Je t'épaule
Tu poses avec moi
Le pied sur le premier degré de l'escalier sans fin
Qui te porte
Qui te monte
Qui t'accomplit
Je t'apaise
Je fais des nappes de paix en toi
Je fais du bien à l'enfant de ton rêve
Afflux
Afflux en palmes sur le cercle des images de l'apeurée
Afflux sur les neiges de sa pâleur
Afflux sur son âtre.... et le feu s'y ranime
AGIR, JE VIENS
Tes pensées d'élan sont soutenues
Tes pensées d'échec sont affaiblies
J'ai ma force dans ton corps, insinuée
...et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchi
La maladie ne trouve plus son trajet en toi
La fièvre t'abandonne
La paix des voûtes
La paix des prairies refleurissantes
La paix rentre en toi
Au nom du nombre le plus élevé, je t'aide
Comme une fumerolle
S'envole tout le pesant de dessus tes épaules accablées
Les têtes méchantes d'autour de toi
Observatrices vipérines des misères des faibles
Ne te voient plus
Ne sont plus
Equipage de renfort
En mystère et en ligne profonde
Comme un sillage sous-marin
Comme un chant grave
Je viens
Ce chant te prend
Ce chant te soulève
Ce chant est animé de beaucoup de ruisseaux
Ce chant est nourri par un Niagara calmé
Ce chant est tout entier pour toi
Plus de tenailles
Plus d'ombres noires
Plus de craintes
Il n'y en a plus trace
Il n'y a plus à en avoir
Où était peine, est ouate
Où était éparpillement, est soudure
Où était infection, est sang nouveau
Où étaient les verrous est l'océan ouvert
L'océan porteur et la plénitude de toi
Intacte, comme un œuf d'ivoire.
J'ai lavé le visage de ton avenir
Auteur:
Michaux Henri
Années: 1899 - 1984
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Face aux verrous. AGIR, JE VIENS
[
poème
]