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absence

Il reste d’une personne aimée une matière très subtile, immatérielle qu’on nommait avant, faute de mieux, sa présence. Une note unique dont vous ne retrouverez jamais l’équivalent dans le monde. Une note cristalline, quelque chose qui vous donnait de la joie à penser à cette personne, à la voir venir vers vous. Comme la pépite d’or trouvée au fond du tamis, ce qui reste d’une personne est éclatant. Inaltérable désormais.

Auteur: Bobin Christian

Info:

[ rapport privilégié ] [ trace subliminale ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

lecture

Au sortir d'un grand livre vous connaissez toujours ce fin malaise, ce temps de gêne. Comme si l'on pouvait lire en vous. Comme si le livre aimé vous donnait un visage transparent - indécent : on ne va pas dans la rue avec un visage aussi nu, avec ce visage dénudé du bonheur. Il faut attendre un peu. Il faut attendre que la poussière des mots s'éparpille dans le jour.

Auteur: Bobin Christian

Info: Une petite robe de fête

[ chef d'oeuvre ] [ absorbé ] [ fuite ] [ réalité ] [ achevée ]

 

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déclaration d'amour

On peut donner bien des choses à ceux que l'on aime. Des paroles, un repos, du plaisir. Tu m'as donné le plus précieux de tout: le manque. Il m'était impossible de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore. Ma maison mentale, ma maison de coeur était fermée à double tour. Tu as cassé les vitres et depuis l'air s'y engouffre, le glacé, le brûlant, et toutes sortes de clartés.

Auteur: Bobin Christian

Info: La plus que vive

[ gratitude ]

 

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élocution

Les prophètes s'adressent aux hommes pour leur parler de Dieu, ce qui donne à leur voix ce timbre rauque, cette couleur fauve. Lui, il s'adresse à Dieu pour l'entretenir des hommes, pour faire tinter à l'oreille du Dieu lointain cette pure note que chacun délivre par sa vie, par le seul maintien de sa vie dans la durée. C'est une note légère, grêle. Il faut parler le plus bas possible pour ne pas la recouvrir.

Auteur: Bobin Christian

Info: In "Le Très-Bas", éd. Gallimard, p. 81

[ témoignage ] [ prière ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

ouverture

Je découvris ce que l'école avait commencé de me montrer : l'horreur absolue de toute société. Il n'y a que le ciel qui puisse nous lier les uns aux autres...pour tout ramener dans le grand air des paroles vraies, là où seulement il est possible de respirer. Il n'y a que le grave et l'inattendu qui peuvent offrir à nos âmes captives une ouverture sur la vie pure, et c'est ce que le monde, instinctivement, immédiatement, déteste.

Auteur: Bobin Christian

Info: Louise Amour

[ liberté ]

 

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femmes-par-homme

Si on regardait bien - mais on ne regarde jamais assez bien -, on remarquerait la jeune fille sur la gauche, celle qui tient un petit paquet. Parce qu'elle est belle, d'abord. D'une beauté simple qui éteint celle de ses deux compagnes, trop apprêtées. Parce que son rire cache mal son inquiétude, que son inquiétude cache à son tour bien mal son impatience. Et ainsi de suite. Tant de lumières superposées sur un visage, cela le rend obscur. Clairement obscur.

Auteur: Bobin Christian

Info: In "La femme à venir", éd. Folio-Gallimard, p. 54-55

[ émotions ] [ oxymore ] [ confusion ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

gamins

J'aime les enfants de trois ans. Je les vois comme des fous ou des aventuriers du bout du monde. il n'y a que l'enfance sur cette terre. Je la reconnais d'instinct, même chez ceux qui ont cru l'étouffer sous le poids de leur vie morte. Même chez ceux là je devine l'enfant de trois ans et c'est à lui que je parle quand je leur parle et c'est lui seul qui est là pour toujours dans le coeur comme dans une salle de vide.

Auteur: Bobin Christian

Info:

[ explorateurs ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

conférence

Cinq cents adultes, beaucoup de femmes, beaucoup qui écrivent pliées en deux sur leur pupitre, qui prennent des notes qu'elles ne reliront pas, et tellement de sérieux sur les visages, le sérieux de qui s'applique à bien entendre comme on s'efforce de bien manger, sans rien renverser à côté de l'assiette, le sérieux de l'enfance obéissante, préoccuppée de bien apprendre afin d'avoir une bonne note et de gagner l'amour du maître. Cinq cents enfants de trente à cinquante ans, dans l'infirmité de celui qui ne sait rien, à qui on va tout révéler.

Auteur: Bobin Christian

Info: In "L'inespérée", éd. Gallimard, p. 47

[ retour à l'école ] [ expectative ] [ écoute ] [ régression ] [ auditoire studieux ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

paradoxe

Vous voulez savoir ce qu'est la joie, vous voulez vraiment savoir ce que c'est ? Alors écoutez : c'est la nuit, il pleut, j'ai faim, je suis dehors, je frappe à la porte de ma maison, je m'annonce et on ne m'ouvre pas, je passe la nuit à la porte de chez moi, sous la pluie, affamé. Voilà ce qu'est la joie. Comprenne qui pourra. Entende qui voudra entendre. La joie c'est de n'être plus jamais chez soi, toujours dehors, affaibli de tout, affamé de tout, partout dans le dehors du monde comme au ventre de Dieu.

Auteur: Bobin Christian

Info: Le Très-Bas, pp 120-121

[ libération ] [ contraste éveil ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

naître

Au début on ne lit pas. Au lever de la vie, à l'aurore des yeux. On avale la vie par la bouche, par les mains, mais on ne tache pas encore ses yeux avec de l'encre. Aux principes de la vie, aux sources premières, aux ruisselets de l'enfance, on ne lit pas, on n'a pas l'idée de lire, de claquer derrière soi la page d'un livre, la porte d'une phrase. Non c'est plus simple au début. Plus fou peut-être. On est séparé de rien, par rien. On est dans un continent sans vraies limites - et ce continent c'est vous, soi-même.

Auteur: Bobin Christian

Info: Une petite robe de fête, incipit

[ sens ] [ immersion ]

 
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