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songe

Dans le calme murmurant des nuits du paradis, on peut s'imaginer entendre crépiter les paradigmes, les fragments de théories se pulvériser en brillante poussière chaque fois que la vie de travail de l'un ou l'autre groupe de recherche industrielle se voit soudain réduite au rang de maigre note au bas des pages de l'histoire, tout cela dans le temps qu'il faut à votre voyageur déglingué pour marmonner quelques fragments dans le noir. Des mouches dans un aéroport, qui font du stop.

Auteur: Gibson William

Info: Gravé sur chrome

[ atemporalité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

fuite en avant

L'une des choses que je considère comme évidente, en ce qui concerne la technologie dans le monde, c'est que ceux qui la développent et la diffusent ne savent pas vraiment ce que nous allons en faire tant qu'elle n'est pas vraiment maîtrisée et devenue omniprésente. Donc nous finissons par faire des choses, dont les initiateurs n'ont jamais rêvé, qui deviennent les véritables moteurs du changement. C'est là que la technocratie s'effondre pour moi, parce que les gens qui l'ont inventée ne peuvent pas prédire ce que qui va en être fait.

Auteur: Gibson William

Info: www.businessinsider.com, 28 juillet 2017

[ imprévisible ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

réseau social

Twitter est le seul parmi eux que j'ai jamais utilisé. J'aime avoir le sentiment que ma perception du monde s'élargit sans cesse, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, par la possibilité de suivre les réactions d'une centaine de personnes à travers le monde que je suis personnellement, de manière à avoir une idée de qui elles sont et comment elles se sentent. Il n'y a jamais rien eu de tel auparavant, du moins en ce qui concerne cette digeste bande passante de 140 caractères sur laquelle repose Twitter. Je peux me réveiller, ouvrir Twitter, et jeter un oeil sur l'état psychique de la planète.

Auteur: Gibson William

Info: www.businessinsider.com

[ information ] [ globalité ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

progrès

J-R Deléage : Certains chercheurs en robotique rejoignent les auteurs de science-fiction, affirmant que nous ne sommes plus très loin du croisement irréversible entre l'homme et la machine. Qu'en pensez-vous ?
W. Gibson : À un certain point, nous y sommes déjà. Nous humains, sommes déjà mi-homme, mi-machine, des sortes de cyborgs. Grâce à la technologie, je n'ai jamais eu la polio. La vaccination, les appareils dentaires, les simulateurs cardiaques, l'allongement de la vie, tout cela montre que nous ne sommes déjà plus une forme animale naturelle. Nous sommes déjà autre chose, une espèce hybride. Notre technologie est passée sous la peau, elle entre intimement dans notre corps.

Auteur: Gibson William

Info: entretien avec Jean-Rémi Deléage

[ transhumanisme ] [ techno-dépendance ]

 

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temps

- Bien sûr, nous n'avons pas la moindre idée de ce que les habitants de notre futur seront. A ce sens, nous n'avons aucun futur. Pas comme nos grands-parents en avaient un, ou pensaient en avoir un. Les futurs culturels entièrement imaginables sont un luxe révolu. Ils datent d'une époque ou "maintenant" durait plus longtemps. Pour nous, bien sur les choses peuvent changer si brusquement, si violemment, si profondément, que des futurs comme celui de nos grands parents n'ont plus assez de "maintenant" pour s'établir. Nous n'avons aucun futur car notre présent est volatil. Nous nous contentons de limiter la casse. De faire tourner les scenarii du moment. Identification des schémas.

Auteur: Gibson William

Info:

[ accélération ] [ avenir ] [ pessimisme ]

 

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pornographie

Une serviette autour des épaules, dégoulinant, il emprunta l’étroit couloir jusqu’à sa chambre, un minuscule espace triangulaire tout au bout de l’appartement. Sa console d’holoporn s’alluma à son arrivée et une demi-douzaine de filles souriantes le regardèrent avec une joie non dissimulée. Elles semblaient situées par-delà les murs, dans des panoramas brumeux d’espace bleu pâle, leurs dents blanches et leurs jeunes corps fermes brillant comme des néons. Deux d’entre elles s’avancèrent et commencèrent à se toucher.

"Arrêtez", dit-il.

La console de projection s’éteignit aussitôt ; les filles fantasmes disparurent. L’appareil avait autrefois appartenu au grand frère de Ling Warren ; les cheveux et les vêtements des femmes étaient datés et plutôt ridicules. On pouvait leur parler et leur demander de se faire des choses toutes seules ou bien à plusieurs. Bobby se rappelait qu’à treize ans, il était amoureux de Brandi, celle avec le pantalon de latex bleu. Désormais, il aimait surtout les projections pour la sensation illusoire d’espace qu’elles offraient dans la chambre de fortune.

Auteur: Gibson William

Info: Dans "Comte zéro", trad. Laurent Queyssi, éd. Au diable vauvert, 2022, page 60

[ futuriste ] [ virtuelle ] [ hologramme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

télévision

Il regarda l’heure sur l’horloge Coke du kiosque. Sa mère devait être rentrée de Boston, désormais, forcément, sans quoi elle manquerait une de ses séries préférées. Un nouveau trou dans la tête. Elle était folle, de toute façon, il ne s’agissait pas d’un problème dû à la prise installée avant la naissance de son fils, mais elle se plaignait depuis des années de parasites, de défauts de résolution et de contamination sensorielle, et elle avait fini par économiser assez de crédits pour se rendre à Boston en vue d’un remplacement au rabais. Dans le genre d’endroits où l’on n’avait même pas besoin d’un rendez-vous pour une opération. On se pointait et ils vous prenaient direct... Il savait comment elle était, ça oui, à peine la porte passée avec une bouteille sous le bras, sans même retirer son manteau, elle fonçait se brancher au Hitachi et se vidait le cerveau avec ses séries pendant six heures d’affilée. Ses yeux restaient dans le vague et parfois, s’il s’agissait d’un très bon épisode, elle bavait un peu. Toutes les vingt minutes, elle parvenait à se rappeler de boire une petite gorgée de sa bouteille.

Elle avait toujours été comme ça, pour autant qu’il s’en souvienne, et n’avait cessé de s’enfoncer un peu plus dans sa demi-douzaine de merdes synthétiques, fantasmes stimstim à suivre dont Bobby avait entendu parler toute son existence. Il avait encore la sensation désagréable que certains des personnages dont elle lui racontait la vie étaient des parents à lui, des oncles et des tantes charmants et fortunés qui débarqueraient peut-être un jour si seulement il ne se comportait pas autant comme une merde.

Auteur: Gibson William

Info: Dans "Comte zéro", trad. Laurent Queyssi, éd. Au diable vauvert, 2022, pages 68-69

[ addiction ] [ déréalisation ] [ perte des liens ] [ fantômes ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson