art pictural
D’une matité scintillante, la blancheur de ces seins menus sans être maigres se perdait dans le voile bleuté, pleine de naturel ; elle était visiblement peinte avec âme et, en dépit d’une certaine suavité qui s’en dégageait, l’artiste avait su lui conférer une sorte de réalité scientifique et de précision vivante. Il s’était servi de l’aspect grenu de la toile en le faisant passer pour l’irrégularité naturelle de l’épiderme, sous la peinture à l’huile, notamment dans la région des clavicules légèrement saillantes. Un grain de beauté n’avait pas été omis à gauche, à la naissance des deux seins, et, entre leurs éminences, on croyait voir transparaître des veines à peine bleutées. On eût dit que, sous les yeux du spectateur, un imperceptible frisson de sensibilité passait sur cette nudité. Disons-le tout cru : on pouvait s’imaginer percevoir la transpiration, l’invisible exhalaison vivante de cette peau, et, en y appliquant les lèvres, sentir l’odeur du corps humain et non celle de la couleur et du vernis.
Auteur:
Mann Thomas
Années: 1875 - 1955
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Allemagne
Info:
La Montagne magique
[
mis en texte
]
[
peinture décrite
]
vieillir
Dorothéa avait vieilli, sa perfection froide et sévèrement soignée, sa beauté célèbre, acclamée, s'était flétrie avec une telle et si constante rapidité au cours des dernières années que la femme en elle n'avait pu tenir pied à cette métamorphose. Rien, ni l'art ni les remèdes, pas mêmes les plus pénibles et les plus répugnants, qu'elle avait employés à combattre sa déchéance, n'avaient pu empêcher de s'éteindre le doux éclat de ses yeux bleu sombre, de se former au-dessous d'eux des poches de peaux flasque et jaunâtre, tandis que les merveilleuses fossettes de ses joues se creusaient en rides qui faisaient paraître d'autant plus dure et maigre la bouche fière et hautaine. Mais comme son coeur avait été aussi sévère que sa beauté et uniquement attaché à la conservation de cette beauté, comme sa beauté lui avait tenu lieu d'âme et qu'elle n'avait rien aimé ni voulu que l'effet exaltant de cette beauté, comme son coeur n'avait jamais battu pour rien ni pour personne, elle se trouvait à présent décontenancée et appauvrie, incapable de trouver en elle-même la force de se résigner à un nouvel état, et son équilibre mental en fut affecté.
Auteur:
Mann Thomas
Années: 1875 - 1955
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Allemagne
Info:
Altesse Royale
[
dépression
]
[
femme-par-homme
]
[
égoïste
]