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structuration du langage

[…] la métonymie est au départ, et c'est elle qui rend possible la métaphore. Mais la métaphore est d'un autre degré que la métonymie. […]

Anna Freud endormie […] parle dans son sommeil - Grosses fraises, framboises, flans, bouillies.

Voilà quelque chose qui a l’air d’être du signifié à l’état pur. Et c'est la forme la plus schématique, la plus fondamentale, de la métonymie.  Sans aucun doute, elle les désire, ces fraises, ces framboises. Mais il ne va pas de soi que ces objets soient là tous ensemble. Qu'ils soient là, juxtaposées, coordonnés dans la nomination articulée, tient à la fonction positionnelle qui les met en position d'équivalence. C’est le phénomène essentiel.

S’il y a bien quelque chose qui nous montre indiscutablement qu’il ne s’agit pas là d’un phénomène d’expression pur et simple, qu’une psychologie, disons jungienne, nous ferait saisir comme un substitut imaginaire de l’objet appelé, c’est précisément parce que la phrase commence par quoi ? Par le nom de la personne, Anna Freud. C’est une enfant de dix-neuf mois, et nous sommes sur le plan de la nomination, de l’équivalence, de la coordination nominale, de l'articulation signifiante comme telle. C'est seulement à l'intérieur de ce cadre [métonymique] qu'est possible le transfert de signification [métaphore].

C'est le cœur de la pensée freudienne. L'œuvre commence par le rêve, ses mécanismes de condensation et déplacements, de figuration, ils sont tous de l'ordre de l'articulation métonymique, et c'est sur ce fondement que la métaphore peut intervenir.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 361-362

[ grammaire ] [ inconscient ] [ psychanalyse ] [ contiguïté ]

 
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théâtre

Hamlet a dû être joué pour la première fois, à Londres, pendant la saison d’hiver 1601 – sans qu’on en soit absolument sûr, mais enfin, selon les recoupements les plus rigoureux. La fameuse première édition in-quarto du texte a été quasiment à l’époque ce que l’on appelle une édition pirate, à savoir qu’elle n’avait point été faite sous le contrôle de l’auteur, mais avait été empruntée à ce que l’on appelait les prompt-books, les livrets à l’usage du souffleur. Cette édition [...] est restée inconnue jusqu’en 1823, lorsqu’on a enfin mis la main sur un de ces exemplaires sordides, ce qui tient à ce qu’ils ont été beaucoup manipulés, emportés, probablement aux représentations. Et l’édition in-folio, la grande édition de Shakespeare, n’a commencé à paraître qu’après sa mort, en 1623, précédant la grande édition où l’on trouve la division en actes, ce qui explique que la division en actes soit beaucoup moins décisive et claire dans Shakespeare qu’ailleurs. En fait, on ne croit pas que Shakespeare ait songé à diviser ses pièces en cinq actes. Cela a son importance, parce que nous allons voir comment se répartit Hamlet.

L’hiver 1601, c’est deux ans avant la mort de la reine Élisabeth, et on peut considérer approximativement que la césure capitale que marque Hamlet entre deux versants de la vie du poète, redouble, si l’on peut dire, le drame de la jointure entre deux époques du royaume, car le ton change complètement lorsque apparaît sur le trône Jacques Ier.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre VI : Le désir et son interprétation", éditions de La Martinière et Le Champ Freudien éditeur, 2013, pages 297-298

[ historique ] [ contexte ]

 

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psychanalyse

L’analyse n’est pas une simple reconstitution du passé, l’analyse n’est pas non plus une réduction à des normes préformées, l’analyse n’est pas un épos, l’analyse n’est pas un éthos. Si je devais la comparer à quelque chose, ce serait à un récit qui serait lui-même le lieu de la rencontre dont il s’agit dans le récit.

Le problème de l’analyse réside dans la situation paradoxale où se trouve le désir de l’Autre que le sujet a à rencontrer, notre désir, qui n’est que trop présent dans ce que le sujet suppose que nous lui demandons. En effet, le désir de l’Autre qu’est pour nous le désir du sujet, nous ne devons pas le guider vers notre désir, mais vers un autre. Nous mûrissons le désir du sujet pour un autre que nous. Nous nous trouvons dans la position paradoxale d’être les entremetteurs du désir, ou ses accoucheurs, ceux qui président à son avènement. [...]

Sans doute l’analyse est-elle une situation où l’analyste s’offre comme support à toutes les demandes et ne répond à aucune, mais est-ce seulement dans cette non-réponse – qui est bien loin d’être une non-réponse absolue – que se trouve le ressort de notre présence ? Ne faut-il pas faire une part essentielle à un élément qui est immanent à la situation, et qui se reproduit à la fin de chaque séance ? J’entends, ce vide auquel notre désir doit se limiter, cette place que nous laissons au désir pour qu’il s’y situe – bref, la coupure.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre VI : Le désir et son interprétation", éditions de La Martinière et Le Champ Freudien éditeur, 2013, page 572

[ difficulté ] [ distanciation ] [ sans mémoire sans désir ]

 

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réflexivité révolutionnaire

Si l’inconscient est bien ce dont je vous ai dit aujourd’hui le support, à savoir un savoir, c’est que tout ce que j’ai voulu vous dire cette année à propos des non-dupes qui errent, ça veut dire que : qui n’est pas amoureux de son inconscient erre.

Ça ne dit rien du tout contre les siècles passés.

Ils étaient tout autant que les autres amoureux de leur inconscient et donc, ils n’ont pas erré.

Simplement, ils ne savaient pas où ils allaient, mais pour être amoureux de leur inconscient, ils l’étaient !

Ils s’imaginaient que c’était la connaissance.

Car il n’y a pas besoin de se savoir amoureux de son inconscient pour ne pas errer, il n’y a qu’à se laisser faire, en être la dupe.

Pour la première fois dans l’histoire, il vous est possible, à vous d’errer, c’est-à-dire de refuser d’aimer votre inconscient, puisqu’enfin vous savez ce que c’est : un savoir, un savoir emmerdant.

Mais c’est peut-être dans cette erre, e, deux r, e, vous savez, ce truc qui tire, là, quand le navire se laisse balancer — c’est peut-être là que nous pouvons parier de retrouver le Réel un peu plus dans la suite, nous apercevoir que l’inconscient est peut-être sans doute dysharmonique, mais que peut-être il nous mène à un peu plus de ce Réel qu’à ce très peu de réalité qui est la nôtre, celle du fantasme, qu’il nous mène au-delà : au pur Réel.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Séance du 11 juin 1974 "Les non-dupes errent"

[ lucidité ] [ distanciation ] [ négation créatrice ]

 
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psychanalyse

Revenons maintenant au livre qu'on appelle : La science des rêves (Traumdeutung), mantique plutôt, ou mieux signifiance.

Freud ne prétend pas du tout y épuiser du rêve les problèmes psychologiques. Qu'on le lise pour constater qu'à ces problèmes peu exploités (les recherches restent rares, sinon pauvres, sur l'espace et le temps dans le rêve, sur son étoffe sensorielle, rêve en couleur ou atonal, et l'odorant, le sapide et le grain tactile y viennent-ils, si le vertigineux, le turgide et le lourd y sont?), Freud ne touche pas. Dire que la doctrine freudienne est une psychologie est une équivoque grossière.

Freud est loin d'entretenir cette équivoque. Il nous avertit au contraire que dans le rêve ne l'intéresse que son élaboration. Qu'est-ce à dire? Exactement ce que nous traduisons par sa structure de langage. Comment Freud s'en serait-il avisé, puisque cette structure par Ferdinand de Saussure n'a été articulée que depuis? Si elle recouvre ses propres termes, il n'en est que plus saisissant que Freud l'ait anticipée. Mais où l'a-t-il découverte? Dans un flux signifiant dont le mystère consiste en ce que le sujet ne sait pas même où feindre d'en être l'organisateur.

Le faire s'y retrouver comme désirant, c'est à l'inverse de l'y faire se reconnaître comme sujet, car c'est comme en dérivation de la chaîne signifiante que court le ru du désir* et le sujet doit profiter d'une voie de bretelle pour y attraper son propre feed-back.

Le désir ne fait qu'assujettir ce que l'analyse subjective.

Auteur: Lacan Jacques

Info: La direction de la cure et les principes de son pouvoir. (* que charrie le ru du désir et qui échappe au sujet, fait rencontre, résonance avec l'autre et se concrétise avec l'enfant. Ajout de Mg )

[ courants contradictoires ] [ effets ]

 
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philosophie antique

Il [Platon] le fait raconter [le Banquet] par quelqu’un qui s’appelle APOLLODORE. Nous connaissons l’existence de ce personnage. Il existe historiquement et il est censé […] venir dans un temps daté à environ un peu plus d’une trentaine d’années avant la parution du Banquet si on prend la date d’à peu près -370 pour la sortie du Banquet. C’est avant la mort de SOCRATE [- 399] que se place ce que PLATON nous dit être le moment où est recueilli par APOLLODORE ce compte-rendu, reçu d’ARISTODÈME, de ce qui s’est passé 15 ans encore avant ce moment où il est censé le recevoir, puisque nous avons des raisons de savoir que c’est en 416 que se serait tenu ce prétendu Συμπόσιον auquel il [Aristodème] a assisté.

C’est donc 16 ans après, qu’un personnage extrait de sa mémoire le texte littéral de ce qui se serait dit. Donc, le moins qu’on puisse dire, c’est que PLATON prend tous les procédés nécessaires à nous faire croire tout au moins, à ce qui se pratiquait couramment et ce qui s’est toujours pratiqué dans ces phases de la culture, à savoir ce que j’ai appelé : "l’enregistrement sur cervelle". Il souligne [178a] que le même personnage, ARISTODÈME "n’avait pas gardé un entier souvenir", qu’il y a des bouts de la bande abîmés, que sur certains points il peut y avoir des manques. Tout ceci évidemment ne tranche pas absolument la question de la véracité historique mais a pourtant une grande vraisemblance. Si c’est un mensonge, c’est un mensonge beau.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 novembre 1960

[ transmission ] [ narration indirecte ] [ datation ] [ origine ]

 

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culpabilisation

Le Verbe s’est pour nous incarné. Il est venu au monde, et, contre la parole de l’Evangile, il n’est pas vrai que nous ne l’ayons pas reconnu. Nous l’avons reconnu, et nous vivons des suites de cette reconnaissance. Nous sommes à l’une des phases des conséquences de cette reconnaissance. […]

Le Verbe n’est point simplement pour nous la loi où nous nous insérons pour porter chacun la charge de la dette qui fait notre destin. Il ouvre pour nous la possibilité, la tentation d’où il est nous est possible de nous maudire, non pas seulement comme destinée particulière, comme vie, mais comme la voie même où le Verbe nous engage, et comme rencontre avec la vérité, comme heure de la vérité. Nous ne sommes plus seulement à portée d’être coupables par la dette symbolique. C’est d’avoir la dette à notre charge qui peut nous être, au sens le plus proche que ce mot indique, reprochée. Bref, c’est la dette elle-même où nous avions notre place qui peut nous être ravie, et c’est là que nous pouvons nous sentir à nous-mêmes totalement aliénés. Sans doute l’Atè antique nous rendait-elle coupables de cette dette, mais à y renoncer comme nous pouvons maintenant le faire, nous sommes chargés d’un malheur plus grand encore, de ce que ce destin ne soit plus rien.

Sans doute l’Atè antique nous rendait-elle coupables de cette dette, mais à y renoncer comme nous pouvons maintenant le faire, nous sommes chargés d’un malheur plus grand encore, de ce que ce destin ne soit plus rien.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Le séminaire, livre VIII : Le transfert . *Déesse qui incarnait la Faute et l'Égarement. pp 354-355

[ absurde ] [ garde-fou ] [ nécessaire ]

 
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philosophie

Je veux dire qu’il m’est, autant qu’à tout le monde, permis de relever que, dans la traduction latine que DESCARTES donne du Discours de la Méthode, très précisément en 1644, apparaît, comme traduction du "Je pense, donc je suis" : "Ergo sum sive existo". Et d’autre part dans les Méditations, dans la deuxième Méditation et juste après qu’il se sent quelque enthousiasme, il compare au point d’ARCHIMÈDE, ce point dont on peut tellement attendre, nous dit-il :

"Si je n’ai touché, je n’ai inventé (invenero), que celui-ci, minimum, qui comporte quelque chose de certain et d’inébranlable (certum sit & inconcussum)"

["Nihil nisi punctum petebat Archimedes, quod esset firmum & immobile, ut integram terram loco dimoveret ; magna quoque speranda sunt, si vel minimum quid invenero quod certum sit & inconcussum." Meditatio II, 3]

…que c’est dans le même texte qu’il formule cette formule qui n’est pas absolument identique : Ego sum, ego existo.

[ Haud dubie igitur ego etiam sum, si me fallit ; & fallat quantum potest, nunquam tamen efficiet, ut nihil sim quamdiu me aliquid esse cogitabo. Adeo ut, omnibus satis superque pensitatis, denique statuendum sit hoc pronuntiatum, Ego sum, ego existo, quoties a me profertur, vel mente concipitur, necessario esse verum. Meditatio II, 3 ]

Et qu’enfin dans les Principes de la recherche de la vérité par la lumière naturelle, c’est "dubito ergo sum", ce qui pour le psychanalyste, a une tout autre résonance, mais une résonnance où je n’essaierai pas aujourd’hui de m’engager, c’est un terrain trop glissant…

Auteur: Lacan Jacques

Info: 14 décembre 1966, La logique du fantasme

[ cogito cartésien ] [ traduction ] [ variantes ]

 

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manifestation signifiante

La notion de masque veut dire que le désir se présente sous une forme ambiguë qui ne nous permet justement pas d’orienter le sujet par rapport à tel ou tel objet de la situation. C’est un intérêt du sujet dans la situation comme telle, c’est-à-dire dans la relation de désir. [...]

[La] reconnaissance [du désir] tend à se faire jour, cherche sa voie, mais [...] ne se manifeste que par la création de ce que nous avons appelé le masque, qui est quelque chose de fermé. Cette reconnaissance du désir, c’est une reconnaissance par personne, qui ne vise personne, puisque personne ne peut la lire jusqu’au moment où quelqu’un commence d’en apprendre la clef. Cette reconnaissance se présente sous une forme close à l’autre. Reconnaissance du désir, donc, mais reconnaissance par personne.

D’autre part, en tant que c’est un désir de reconnaissance, c’est autre chose que le désir. D’ailleurs, on nous le dit bien – ce désir est un désir refoulé. C’est pour cela que notre intervention ajoute quelque chose de plus à la simple lecture. Ce désir est un désir que le sujet exclut en tant qu’il veut le faire reconnaître. Comme désir de reconnaissance, c’est un désir peut-être, mais en fin de compte, c’est un désir de rien. C’est un désir qui n’est pas là, un désir rejeté, exclu.

Ce double caractère du désir inconscient qui, en l’identifiant à son masque, en fait autre chose que quoi que ce soit qui soit dirigé vers un objet, nous ne devons jamais l’oublier.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 326-327

[ demande ] [ voilé ] [ résorption leurrante ]

 
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inconscient

Préalablement à toute symbolisation - cette antériorité n'est pas chronologique, mais logique - il y a une étape, les psychoses le démontrent, où il se peut qu'une part de la symbolisation ne se fasse pas. Cette étape première précède toute la dialectique névrotique qui tient à ce que la névrose est une parole qui s'articule, pour autant que le refoulé et le retour du refoulé sont une seule et même chose. Il peut ainsi se faire que quelque chose de primordial quant à l’être du sujet n’entre pas dans la symbolisation, et soit, non pas refoulé, mais rejeté.

Ce n’est pas démontré. Ce n’est pas non plus une hypothèse. C’est une articulation du problème. La première étape n’est pas une étape que vous ayez à situer quelque part dans la genèse. [...] ne vous laissez pas fasciner par ce moment génétique. Le jeune enfant que vous voyez jouer à faire disparaître et revenir un objet, et qui s’exerce par là à l’appréhension du symbole, vous masque, si vous vous laissez fasciner par lui, le fait que le symbole est déjà là, énorme, l’englobant de toute part, que le langage existe, qu’il remplit les bibliothèques, qu’il en déborde, qu’il encercle toutes vos actions, qu’il les guide, qu’il les suscite, que vous êtes engagés, qu’il peut vous requérir à tout instant de vous déplacer, et vous mener quelque part. Tout cela, vous l’oubliez devant l’enfant en train de s’introduire dans la dimension symbolique. Donc, plaçons-nous au niveau de l’existence du symbole comme tel, en tant que nous y sommes immergés.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 131-132

[ forclusion ] [ origine du référentiel humain ]

 

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