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fanatisme politique

Sebastian et moi avons été les témoins étonnés de deux discours enthousiasmants : la vigueur du nazisme dans les années 1930, la générosité du communisme après 1945. Dans notre expérience d’enfants initiés par la guerre et le côtoiement de la mort, nous avions déjà compris que deux langages gouvernaient le monde mental des hommes. L’un qui montait vers le ciel en fabriquant des images esthétiques ou hideuses, entourées de mots qui donnaient la fièvre : "Héroïsme… victoire du peuple… pureté… mille ans de bonheur… lendemains qui chantent."

Ces mots brûlants nous éloignaient du réel 3. Sebastian (11 ans en 1918) et moi (8 ans en 1945) préférions les mots qui donnent un plaisir discret, celui des explorateurs qui, en découvrant le monde, dégustent le réel.


Auteur: Cyrulnik Boris

Info: Le laboureur et les mangeurs de vent

[ illusion ] [ idéologies ] [ gauche-droite ] [ extrêmes ]

 

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homme-animal

Au début de l'éthologie en France nous avons rapidement découvert que l'expression "animal-machine" de Descartes et Malebranche était un énorme contresens. Dès l'instant où l'on a observé des animaux en milieu spontané, on s'est rendu compte qu'ils possédaient un monde mental. Les animaux peuvent traiter des tas d'informations et s'en servir pour résoudre des problèmes, ce qui est la définition de l'intelligence. En milieu naturel, on a ainsi observé des singes effeuiller une branche, la traîner sur plusieurs kilomètres, l'introduire délicatement dans une termitière, attendre que les termites grimpent dessus, puis la sortir doucement pour manger les insectes. A cette époque, nous avons accumulé des centaines d'exemples de ce type, prouvant que chaque animal pouvait avoir un développement personnel en fonction du contexte, de l'état de sa mère et de celui de sa société. Je me suis alors dit qu'on mourra de honte d'avoir mis ces êtres qui pensent dans des cages dans le seul but de nous amuser, comme on meurt de honte d'avoir toléré l'esclavage ou les génocides.

Auteur: Cyrulnik Boris

Info:

[ bêtise anthropocentrée ]

 

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homme-animal

Chaque être vivant a sa propre intelligence ; il y a le propre du ver de terre, le propre de l'homme. Pour chaque être vivant, le monde est cohérent, porteur de sens, chargé de significations. Un monde de sangsue n'est pas un monde d'homme qui n'est pas non plus un monde de souris. (...) Un serpent vit dans un monde peuplé d'infrarouges où il perçoit le moindre écart de température. Une chauve-souris évolue dans un univers d'ultrasons, très différent du monde d'infrasons des éléphants. Les oiseaux habitent un environnement où la plus infime modification d'image et de couleur constitue pour eux une information énorme. Les sangsues perçoivent les ombres et les variations d'humidité. (...) Les hommes, eux, voient souvent mieux ce qu'ils pensent que ce qui est. (...) Chaque être vivant placé dans un même environnement percevra des significations différentes. Le naturaliste allemand Jacob von Uexküll a, dans les années 1930, appelé Umwelt cette notion de monde propre subjectif de l'animal qui prend en compte ses organes sensoriels. Chaque animal perçoit le monde que son système nerveux façonne.

Auteur: Cyrulnik Boris

Info: La plus belle histoire des animaux

[ représentation ]

 

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maman-enfant

On ne peut pas dire que, pour augmenter l’attachement du petit, il suffit de satisfaire ses besoins. Au contraire même, c’est l’apaisement d’une souffrance qui augmente l’attachement et non pas la satisfaction d’un plaisir. Ce qui revient à dire que, pour éprouver le bonheur d’aimer, il faut auparavant avoir souffert d’une perte affective. ...Un être vivant qui ne souffrirait ne de douleur physique ni du chagrin d’un manque n’aurait aucune raison de s’attacher ! ...Par bonheur, un bébé humain souffre dès sa naissance. Quand il quitte l’eau du milieu amniotique qui était chauffé à 37° C, il a froid, il sèche, il est brutalisé par la nouvelle sensorialité qui l’entoure. La lumière l’éblouit, les sons ne sont plus filtrés, on le cogne en le prenant puisqu’il ne baigne plus dans la suspension hydrostatique utérine, et il souffre dans sa poitrine lorsque ses poumons se déplissent pour respirer. C’est alors que surgit une énorme enveloppe sensorielle qu’on appelle ‘mère‘. Elle le réchauffe, l’entoure d’odeurs, de touchers et de sonorités qu’il reconnaît puisqu’il les avait déjà perçues avant sa naissance. Sauvé ! Désormais, chaque fois qu’il devra endurer un petit malheur, le bébé sait que le même objet sensoriel surviendra, lui permettant ainsi d’apprendre à espérer.

Auteur: Cyrulnik Boris

Info: De chair et d'âme

[ nouveau-né ]

 

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naitre

On ne peut pas dire que, pour augmenter l’attachement du petit, il suffit de satisfaire ses besoins. Au contraire même, c’est l’apaisement d’une souffrance qui augmente l’attachement et non pas la satisfaction d’un plaisir. Ce qui revient à dire que, pour éprouver le bonheur d’aimer, il faut auparavant avoir souffert d’une perte affective. ...Un être vivant qui ne souffrirait ne de douleur physique ni du chagrin d’un manque n’aurait aucune raison de s’attacher ! ...Par bonheur, un bébé humain souffre dès sa naissance. Quand il quitte l’eau du milieu amniotique qui était chauffé à 37° C, il a froid, il sèche, il est brutalisé par la nouvelle sensorialité qui l’entoure. La lumière l’éblouit, les sons ne sont plus filtrés, on le cogne en le prenant puisqu’il ne baigne plus dans la suspension hydrostatique utérine, et il souffre dans sa poitrine lorsque ses poumons se déplissent pour respirer. C’est alors que surgit une énorme enveloppe sensorielle qu’on appelle ‘mère ‘. Elle le réchauffe, l’entoure d’odeurs, de touchers et de sonorités qu’il reconnaît puisqu’il les avait déjà perçues avant sa naissance. Sauvé ! Désormais, chaque fois qu’il devra endurer un petit malheur, le bébé sait que le même objet sensoriel surviendra, lui permettant ainsi d’apprendre à espérer.

Auteur: Cyrulnik Boris

Info: De chair et d'âme

[ endurer ]

 
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