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étymologie

Il n’a pas manqué bien entendu de m’être fourni dans mon entourage proche, par quelqu’un qui, en proie à une traduction, avait eu à chercher dans le dictionnaire le sens du mot "atterré", et qui était demeuré surpris à la pensée qu’il n’avait jamais bien compris le sens du mot "atterré", en s’apercevant que contrairement à ce que cette personne croyait, "atterré" n’a pas originairement et dans beaucoup de ses emplois, le sens de frappé de terreur, mais de mis à terre. 

Dans BOSSUET, "atterré" veut littéralement dire "mettre à terre", et dans d’autres textes un tout petit peu postérieurs, nous voyons se préciser cette espèce de poids de terreur. Quant à nous, nous dirons incontestablement que les puristes contaminent, dévient, le sens du mot "atterré".

Il n’en reste pas moins qu’ici les puristes ont tout à fait tort, il n’y a aucune espèce de contamination, et même si tout d’un coup après vous avoir rappelé ce sens du mot étymologique, du mot "atterré", certains d’entre vous peuvent avoir l’illusion qu’"atterrer" ce n’est évidemment pas autre chose que tourner vers la terre, que faire toucher terre, ou que mettre aussi bas que terre, consterner en d’autres termes, il n’en reste pas moins que l’usage courant du mot implique cet arrière plan de terreur. 

Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que si nous partons de quelque chose qui a un certain rapport avec le sens originaire par pure convention - parce qu’il n’y a pas d’origine nulle part du mot "atterré" - mais que ce soit le mot "abattu", pour autant qu’il évoque en effet ce que le mot "atterré" - dans ce sens prétendu pur - pourrait nous évoquer.

Le mot "atterré" qui lui est substitué d’abord comme une métaphore qui n’a pas l’air d’en être une, parce que nous partons de cette hypothèse qu’originairement ils veulent dire la même chose : jeter à terre ou contre terre, c’est bien là ce que je vous prie de remarquer, c’est que ce n’est pas pour autant qu’"atterré" change en quoi que ce soit le sens d’"abattu", qu’il va être fécond, générateur d’un nouveau sens, à savoir ce que veut dire quelqu’un d’"atterré".

En effet, c’est un nouveau sens, c’est une nuance, ce n’est pas la même chose qu’"abattu" et, si impliquant de terreur que ce soit, ce n’est pas non plus "terrorisé", c’est quelque chose de nouveau, de cette nuance nouvelle de terreur que cela introduit dans le sens psychologique et déjà métaphorique qu’à le mot "abattu", parce que psychologiquement nous ne sommes ni "atterrés" ni "abattus", il y a quelque chose que nous ne pouvons pas dire tant qu’il n’y a pas de mots, et ces mots procèdent d’une métaphore, à savoir ce qui se passe quand un arbre est abattu, ou quand un lutteur est mis à terre, "atterré", deuxième métaphore.

Mais remarquez que ce n’est pas du tout parce qu’originairement - c’est cela qui est l’intérêt de la chose - que le "ter" qui est dans atterré veut dire terreur, que la terreur est introduite, qu’en d’autres termes la métaphore n’est pas une injection de sens comme si c’était possible, comme si les sens étaient quelque part, où que ce soit, dans un réservoir.

Le mot "atterré" n’apporte pas le sens en tant qu’il a une signification, mais en tant que signifiant, c’est-à-dire qu’ayant le phonème "ter", il a le même phonème qui est dans "terreur", c’est par la voie signifiante, c’est par la voie de l’équivoque, c’est par la voie de l’homonymie, c’est-à-dire de la chose la plus non-sens qui soit, qu’il vient engendrer cette nuance de sens, qu’il va introduire, qu’il va injecter dans le sens déjà métaphorique de "abattu", cette nuance de terreur.

En d’autres termes, c’est dans le rapport S/S’, c’est-à-dire d’un signifiant à un signifiant, que va s’engendrer un certain rapport S/s, c’est à dire signifiant sur signifié.

Mais la distinction des deux est essentielle : c’est dans le rapport de signifiant à signifiant, dans quelque chose qui lie le signifiant d’ici au signifiant qui est là, c’est-à-dire dans quelque chose qui est le rapport purement signifiant, c’est-à-dire homonymique de "terre" et de "terreur", ..que va pouvoir s’exercer l’action qui est l’engendrement de signification, à savoir nuancement par la terreur de ce qui déjà existait comme sens sur une base déjà métaphorique. 

[…] dans toute la mesure où s’affirme, où se constitue la nuance de signification "atterré", cette nuance, remarquez–le, implique une certaine domination et un certain apprivoisement de la terreur. Cette terreur là est non seulement nommée, mais elle est tout de même atténuée, et c’est ce qui permet de conserver d’ailleurs, pour que vous continuiez à la maintenir dans votre esprit, l’ambiguïté du mot "atterré".

Après tout, vous vous dites qu’"atterré" a en effet bien rapport avec la terre, que la terreur n’y est pas complète, que l’abattement au sens où il est pour vous sans ambiguïté, garde sa valeur prévalente, que ce n’est qu’une nuance, que pour tout dire la terreur est dans une demi-ombre à cette occasion. En d’autres termes, c’est dans toute la mesure où la terreur n’est pas remarquée en face, est prise par le biais intermédiaire de la dépression, que ce qui se passe est complètement oublié jusqu’au moment où, je vous l’ai rappelé, le modèle est tout à fait, lui, en tant que tel, hors du circuit. Autrement dit, dans tout la mesure où la nuance "atterré" s’est établie dans l’usage où elle est devenue sens et usage de sens, le signifiant lui est présentifié, disons le mot : le signifiant est refoulé à proprement parler. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: 13 novembre 1957

[ connotation ] [ définition ] [ néologisme ] [ mécanisme ] [ refoulement ] [ inconscient ]

 
Commentaires: 3
Ajouté à la BD par Coli Masson

ethnologie

Quelqu’un de connu - notre ami Henri EY - a retenu son regard sur ce sujet des perversions animales, qui vont plus loin après tout que tout ce que l’imagination humaine a pu inventer. Je crois qu’il en a fait même dans l’Évolution psychiatrique un numéro.

Pris sous ce registre, ne nous voilà-t-il pas ramenés à la vue aristotélicienne d’une sorte de champ externe au champ humain du fondement du désir pervers ? C’est là que je vous arrêterai un instant en vous priant de considérer ce que nous faisons quand nous nous arrêtons à ce fantasme de "la perversion naturelle". Je ne méconnais pas, en vous priant de me suivre sur ce terrain, ce que peut paraître avoir de pointilleux, de spéculatif une telle réflexion, mais je crois qu’elle est nécessaire pour décanter ce qu’il y a à la fois de fondé et d’infondé dans cette référence.

Et aussi bien, par là allons-nous - vous allez le voir tout de suite - nous trouver rejoindre ce que je désigne comme fondamental dans la subjectivation, comme moment essentiel de toute instauration de la dialectique du désir.

Subjectiver la mante religieuse en cette occasion, c’est lui supposer - ce qui n’a rien d’excessif - une jouissance sexuelle.

Et après tout nous n’en savons rien, la mante religieuse est peut-être, comme DESCARTES n’hésiterait pas à dire, une pure et simple machine - "machine" : dans son langage à lui - qui suppose justement l’élimination de toute subjectivité. Nous n’avons nul besoin, quant à nous, de nous tenir à ces positions minimales : nous lui accordons cette jouissance. Mais cette jouissance - c’est là le pas suivant - est-elle jouissance de quelque chose en tant qu’elle le détruit ? Car c’est seulement à partir de là qu’elle peut nous indiquer les intentions de la nature.

[…]

Il n’est pas douteux que, pas seulement dans ce qui nous fascine nous, mais dans ce qui fascine le mâle de la mante religieuse, il y a cette érection d’une forme fascinante, ce déploiement, cette attitude d’où pour nous elle tire son nom : "la mante religieuse", c’est singulièrement de cette position - non sans doute sans prêter pour nous à je ne sais quel retour vacillant - qui se présente à nos yeux comme celle de la prière. Nous constatons que c’est devant ce fantasme, ce fantasme incarné, que le mâle cède, qu’il est pris, appelé, aspiré, captivé dans l’étreinte qui sera pour lui mortelle. Il est clair que l’image de "l’autre imaginaire" comme tel est là présente dans le phénomène, qu’il n’est pas excessif de supposer que quelque chose se révèle là de cette image de l’autre.

Mais est-ce pour autant dire qu’il y a là déjà quelque préfigure, une sorte de calque inversé de ce qui se présenterait donc chez l’homme comme une sorte de reste, de séquelle, d’une définie possibilité des variations du jeu des tendances naturelles ? Et si nous devons accorder quelque valeur à cet exemple, monstrueux à proprement parler, nous ne pouvons tout de même pas faire autrement que remarquer que la différence avec ce qui se présente dans la fantasmatique humaine - celle où nous pouvons partir avec certitude du sujet, là où seulement nous en sommes assurés, à savoir en tant qu’il est le support de la chaîne signifiante - nous n’y pouvons donc pas ne pas remarquer que dans ce que nous présente la nature il y a, de l’acte à son excès, à ce qui le déborde et l’accompagne, à ce surplus dévorateur qui le signale pour nous comme exemple d’une autre structure instinctuelle, qu’il y a là synchronie : c’est que c’est au moment de l’acte que s’exerce ce complément pour nous exemplifiant la forme paradoxale de l’instinct.

Dès lors, est-ce qu’ici ne se dessine pas une limite qui nous permet de définir strictement en quoi ce qui est exemplifié nous sert, mais ne nous sert qu’à nous donner la forme de ce que nous voulons dire quand nous parlons d’un désir. Si nous parlons de la jouissance de cet autre qu’est la mante religieuse, si elle nous intéresse en cette occasion, c’est que, ou bien elle jouit là où est l’organe du mâle, et aussi elle jouit ailleurs, mais où qu’elle jouisse - ce dont nous ne saurons jamais rien, peu importe - qu’elle jouisse ailleurs ne prend son sens que du fait qu’elle jouisse - ou ne jouisse pas, peu importe - . Qu’elle jouisse où ça lui chante, ceci n’a de sens, dans la valeur que prend cette image, que du rapport à un "là" d’un jouir virtuel.

Mais en fin de compte dans la synchronie - de quoi que ce soit qu’il s’agisse - ce ne sera jamais après tout, même détournée, qu’une jouissance copulatoire. […] 

Cette préférence de la jouissance à toute référence à l’autre se découvre comme la dimension de polarité essentielle de la nature. Il n’est que trop visible que ce sens moral, c’est nous qui l’apportons, mais que nous l’apportons dans la mesure où nous découvrons le sens du désir comme ce rapport à quelque chose qui, dans l’autre, choisit cet objet partiel.

Faisons ici encore un peu plus attention. Cet exemple est-il pleinement valable pour nous illustrer cette préférence de la partie par rapport au tout, jugement illustrable dans la valeur érotique de cette extrémité mamelonnaire dont je parlais tout à l’heure ? Je n’en suis pas si sûr, pour autant que c’est moins, dans cette image de la mante religieuse, la partie qui serait préférée au tout - de la façon la plus horrible, nous permettant déjà de court-circuiter la fonction de la métonymie - que plutôt le tout qui est préféré à la partie.

N’omettons pas en effet que, même dans une structure animale aussi éloignée de nous en apparence que l’est celle de l’insecte, la valeur de concentration, de réflexion, de totalité, représentée quelque part dans l’extrémité céphalique, assurément fonctionne, et qu’en tout cas, dans le fantasme, dans l’image qui nous attache, joue avec son accentuation particulière, cette acéphalisation du partenaire telle qu’elle nous est présentée ici. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: 22 mars 1961

[ psychanalyse ] [ animaux-par-hommes ] [ diachronie ] [ temporalité ] [ différence ] [ grand Autre ] [ objet a ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

totalité fantasmatique

Nous [les psychanalystes] avons effacé aussi, nous, tant que nous avons pu, ce que veut dire l’objet partiel, c’est-à-dire que notre premier effort a été d’interpréter ce qu’on avait fait comme trouvaille, à savoir ce côté foncièrement partiel de l’objet en tant qu’il est pivot, centre, clé, du désir humain : ça valait qu’on s’arrête là un instant. Mais non, que nenni ! On a pointé ça vers une dialectique de la totalisation, c’est-à-dire le seul digne de nous, l’objet plat, l’objet rond, l’objet total, l’objet sphérique sans pieds ni pattes, le tout de l’autre, l’objet génital parfait à quoi, comme chacun sait, irrésistiblement notre amour se termine !  

Nous ne nous sommes pas dits à propos de tout ça :  

– que même à prendre les choses ainsi, peut-être qu’en tant qu’objet de désir, cet autre est l’addition d’un tas d’objets partiels, ce qui n’est pas du tout pareil qu’un objet total, 

– que nous-mêmes peut-être, dans ce que nous élaborons, ce que nous avons à manier de ce fond qu’on appelle notre "Ça", c’est peut-être d’un vaste trophée de tous ces objets partiels qu’il s’agit.

À l’horizon de notre "ascèse" à nous, de notre modèle de l’amour, nous avons mis l’autre… en quoi nous n’avons pas tout à fait tort, mais de cet autre, nous avons fait l’autre à qui s’adresse cette fonction bizarre que nous appelons "l’oblativité" : nous aimons l’autre pour lui-même, du moins quand on est arrivé au but, et à la perfection, au stade génital qui bénit tout ça ! Nous avons certainement gagné quelque chose à ouvrir une certaine topologie de la relation à l’autre, dont aussi bien, vous le savez, nous n’avons pas le privilège puisque toute une spéculation contemporaine diversement personnaliste, tourne là autour.

Mais c’est quand même drôle qu’il y ait quelque chose que nous ayons complètement laissé de côté dans cette affaire – et c’est bien forcé de le laisser de côté quand on prend les choses dans cette visée particulièrement simplifiée - et qui suppose, avec l’idée d’une harmonie préétablie, le problème résolu : qu’en somme, il suffit d’aimer génitalement pour aimer l’autre pour lui-même.

Je n’ai pas apporté - parce que je lui ai fait un sort ailleurs, et vous le verrez bientôt sortir - le passage incroyable qui, là-dessus, est développé sur le sujet de la caractérologie du génital, dans ce volume qui s’appelle La Psychanalyse d’aujourd’hui. La sorte de prêcherie qui se déroule autour de cette idéalité terminale est quelque chose dont je vous ai depuis bien longtemps, je pense, fait sentir le ridicule. Nous n’avons pas aujourd’hui à nous y arrêter.

Mais quoi qu’il en soit, il est bien clair qu’à revenir au départ et aux sources, il y a au moins une question à poser sur ce sujet. Si vraiment cet amour oblatif n’est en quelque sorte que l’homologue, le développement, l’épanouissement de l’acte génital en lui-même, qui suffirait, je dirai, à en donner le mot, le "la", la mesure, il est clair que l’ambiguïté persiste au sujet de savoir si cet autre, notre oblativité est ce que nous lui dédions dans cet amour "tout amour", tout pour l’autre, si ce que nous cherchons c’est sa jouissance, comme cela semble aller de soi du fait qu’il s’agit de l’union génitale, ou bien sa perfection.

Quand on évoque des idées aussi hautement morales que celle de l’oblativité, la moindre des choses qu’on puisse en dire, avec laquelle on puisse réveiller les vieilles questions, c’est quand même d’évoquer la duplicité de ces termes. En fin de compte ces termes, sous une forme aussi abrasée, simplifiée, ne se soutiennent que de ce qui est sous-jacent, c’est-à-dire l’opposition toute moderne du sujet et de l’objet. Aussi bien dès qu’un auteur un peu soucieux d’écrire dans un style perméable à l’audience contemporaine développera ces termes, ce sera autour de la notion du sujet et de l’objet qu’il commentera cette thématique analytique : nous prenons l’autre pour un sujet et non pas pour purement et simplement notre objet.

L’objet étant situé ici dans le contexte d’une valeur de plaisir, de fruition, de jouissance. L’objet étant tenu pour réduire cette fonction unique de l’autre - en tant qu’il doit être pour nous le sujet - à cette fonction omnivalente, si nous n’en faisons qu’un objet, d’être après tout un objet quelconque, un objet comme les autres, d’être un objet qui peut être rejeté, changé, bref d’être profondément dévalué. Telle est la thématique qui est sous-jacente à cette idée d’oblativité, telle qu’elle est articulée, quand on nous en fait une espèce de corrélatif éthique obligé de l’accès à un véritable amour qui serait suffisamment connoté d’être génital.

Observez qu’aujourd’hui je suis moins en train de critiquer - c’est pour ça aussi bien que je me dispense d’en rappeler les textes - cette niaiserie analytique, que de mettre en cause ce sur quoi même elle repose. C’est à savoir qu’il y aurait une supériorité quelconque en faveur de l’aimé, du partenaire de l’amour à ce qu’il soit ainsi, dans notre vocabulaire existentialo-analytique, considéré comme un sujet. Car je ne sache pas qu’après avoir donné tellement une connotation péjorative au fait de considérer l’autre comme un objet, quelqu’un ait jamais fait la remarque que de le considérer comme un sujet, ça n’est pas mieux.

Car si un objet en vaut un autre selon sa noèse, à condition que nous donnions au mot "objet" son sens de départ, que ce soit les objets en tant que nous les distinguons et pouvons les communiquer, s’il est donc déplorable que jamais l’aimé devienne un objet, est-il meilleur qu’il soit un sujet ? 

Il suffit pour y répondre de faire cette remarque que si un objet en vaut un autre, pour le sujet c’est encore bien pire, car ce n’est pas simplement un autre sujet qu’il vaut. Un sujet strictement en est un autre ! Le sujet strict, c’est quelqu’un à qui nous pouvons imputer - quoi ? - rien d’autre que d’être comme nous cet être qui ἔναρθρον ἔχειν ἔπος [enarthron echein epos] qui s’exprime en langage articulé, qui possède la combinatoire et qui peut, à notre combinatoire, répondre par ses propres combinaisons, donc que nous pouvons faire entrer dans notre calcul comme quelqu’un qui combine comme nous.

Je pense que ceux qui sont formés à la méthode que nous avons ici introduite, inaugurée, n’iront pas là-dessus me contredire, c’est la seule définition saine du sujet, en tout cas la seule saine pour nous, celle qui permet d’introduire comment obligatoirement un sujet entre dans la Spaltung déterminée par sa soumission à ce langage. À savoir qu’à partir de ces termes nous pouvons voir comment il est strictement nécessaire qu’il se passe quelque chose : c’est que dans le sujet il y a une part où ça parle tout seul, ce à quoi néanmoins le sujet reste suspendu.

Aussi bien c’est justement ce qu’il s’agit de savoir - et comment peut-on en venir à l’oublier ? - quelle fonction peut occuper dans cette relation justement élective, privilégiée, qu’est la relation d’amour, le fait que ce sujet avec lequel entre tous nous avons le lien de l’amour, en quoi justement cette question a un rapport avec ceci qu’il soit l’objet de notre désir ?

Car si on suspend cette amarre, ce point tournant, ce centre de gravité, d’accrochage, de la relation d’amour, si on la met en évidence, et si en la mettant, on ne la met pas en la distinguant, il est véritablement impossible de dire quoi que ce soit, qui soit autre chose qu’un escamotage concernant la relation de l’amour. C’est précisément à cela, à cette nécessité d’accentuer le corrélatif objet du désir en tant que c’est ça l’objet, non pas l’objet de l’équivalence, du transitivisme des biens, de la transaction sur les convoitises, mais ce quelque chose qui est la visée du désir comme tel, ce qui accentue un objet entre tous d’être sans équivalence avec les autres.

C’est avec cette fonction de l’objet, c’est à cette accentuation de l’objet que répond l’introduction en analyse de la fonction de l’objet partiel.

Pour tout dire, si cet objet vous passionne, c’est parce que là-dedans, caché en lui il y a l’objet du désir : ἄγαλμα [agalma], le poids, la chose pour laquelle c’est intéressant de savoir où il est ce fameux objet, savoir sa fonction et savoir où il opère, aussi bien dans l’inter que dans l’intrasubjectivité, et en tant que cet objet privilégié du désir, c’est quelque chose qui, pour chacun, culmine à cette frontière, à ce point limite que je vous ai appris à considérer comme la métonymie du discours inconscient où il joue un rôle que j’ai essayé de formaliser - j’y reviendrai la prochaine fois - dans le fantasme [S◊a]. Et c’est toujours cet objet qui, de quelque façon que vous ayez à en parler dans l’expérience analytique - que vous l’appeliez le sein, le phallus, ou la merde - est un objet partiel. C’est là ce dont il s’agit pour autant que l’analyse est une méthode, une technique qui s’est avancée dans ce champ délaissé, dans ce champ décrié, dans ce champ exclu par la philosophie - parce que non maniable, non accessible à sa dialectique et pour les mêmes raisons - qui s’appelle le désir. 

Auteur: Lacan Jacques

Info: 1er février 1961

[ idéalisation ] [ dualité spéculaire ] [ réductionnisme ] [ concept psychanalytique dévoyé ] [ préjugé moralisant ] [ écrasement ] [ définition ] [ question ] [ signifiant ]

 

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