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survie

Les fusils sont aussitôt chargés et nous partons à trois, laissant aux femmes le soin de surveiller les canots, tout en papotant. Nous nous enfonçons dans la végétation épaisse de bordure de la rivière, pour entrer bientôt dans un sous bois assez clair. Asahoukili nous dirige avec un sens extraordinaire de l'orientation, car les cris des atèles ont arrêté depuis longtemps de nous indiquer la direction.

Nous ne tardons pas à apercevoir des masses sombres autant de branche en branche. Profitant de l'arrêt d'un singe-araignée qui nous regarde avec curiosité, Malavate étau le visage imberbe qui se détache de l'ensemble noirâtre de poils. Atteint en pleine face, l'alimi est brusquement lancée dans le vide dans un fracassement de branches froissées.

Pourtant le singe n'est pas mort. Des gémissements atroces, rauques, sortent de ce corps dont le poitrail se soulève à un rythme accéléré, laissant échapper à chaque souffle un mince filet de sang qui suinte le long des lèvres. Un petit alimi, les yeux remplis de terreur, gémit atrocement en étreignant le corps de sa mère, ce qui ajoute une note affreuse à ce pitoyable spectacle.

Sans se soucier de cette agonie, le tireur incise à l'aine pour savoir si la femelle est grasse…

Me détournant de cette vision pénible, je m'élance dans la direction de mon ami Asahoukili qui poursuit une seconde femelle. Je ne tarde pas à le rejoindre et découvre un atèle qui m'offre sa large poitrine, sans se du danger ; comme un défi à la mort…

L'écho de mon fusil trouble la sérénité de la forêt, surprend le singe noir qui s'affaisse brusquement sur la branche. Blessé à mort, il n'en continue pas moins à se traîner, risquant la chute à chacun de ses mouvements incertains. Pour se protéger il se cache dans un bouquet de feuilles, mais ses forces l'abandonnant, il tombe vertigineusement jusqu'au sol où il s'écrase dans un bruit sourd.

Le temps de l'approcher et il rampe encore sur le sol, réussissant même dans sa volonté de vivre à grimper maladroitement à un petit arbuste, tournant sans cesse la tête comme pour surveiller l'approche de son ennemi.

Asahoukili, en riant, le tire par la file d'attente, tandis qu'avec ses dernières forces l'atèle remontait de quelques centimètres. L'Indien met fin à son agonie en l'assommant avec un bâton.

Nous ne tardons pas à rejoindre les canots, et nous déposons les singes au fond de notre embarcation.

Notre progression ne sera plus troublée que par les pleurs du bébé singe. Ces pleurs qui me font revivre cette chasse cruelle, et dont je cherche à me consoler en me répétant que nous avons tué pour vivre.

Auteur: Cognat André Antecume

Info: J'ai choisi d'être Indien, Cruelle partie de chasse, p. 115

[ froideur ] [ insensibilité ] [ jungle ] [ écart culturel ]

 

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Ajouté à la BD par miguel