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Il faut savoir abandonner le tableau que l’on voulait faire au profit de celui qui se fait.

Auteur: Simon Claude

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Ajouté à la BD par miguel

vocables

… les mots semblables à ces coupes, ces peignes, ces aiguilles, ces bracelets de bronze ou de cuivre verdis, un peu rongés, mais aux contours précis, ciselés, que l’on peut voir dans les vitrines de ces musées, ces petites constructions à l’ombre de trois cyprès, installés sur les lieux mêmes des fouilles et où somnole un gardien dans le torride après-midi…

Auteur: Simon Claude

Info: Histoire, p 109

[ objets ] [ linguistique ] [ image ] [ symbole ] [ monument ]

 
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Ajouté à la BD par Plouin

mégapole

On pouvait voir les vitres des cafés illuminés, les silhouettes noires des gens qui passaient devant les phares des autos un instant éblouissants quand elles tournaient pour s'engager sur le pont. Nous pouvions entendre le grondement confus, la rumeur de la ville qui allait décroître, s'apaiser peu à peu, mourir, tandis qu'aux milliers de fenêtres s'allumeraient, stagneraient, puis s'éteindraient pour la nuit les lumières des milliers de petites vies entassées, tièdes, féroces et paisibles.

Auteur: Simon Claude

Info: Le sacre du printemps, Le Livre de poche, 1974, p.222

[ obscurité ]

 

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chair

quoi encore ? : rien qu’un sac ? rien que le ténébreux entassement de quatre-vingt-dix kilos de viscères, d’organes, de membranes, l’obscur dédale de canaux pompant et refoulant sans trêve leur ration d’air et de sang faute de quoi, rien que quelques instants, le sac, l’enveloppe s’affaisserait ni plus ni moins qu’une outre vide (sauf que peu à peu, en y regardant bien, elle se remettrait insensiblement à bouger, se boursoufler, imperceptiblement soulevée par l’invisible et vorace grouillement des vers)

Auteur: Simon Claude

Info: Histoire p 278

[ dégradation ] [ de profundis ] [ corps charnel ]

 

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Ajouté à la BD par Plouin

massacre

et une autre (photographie) prise d’en haut (d’une fenêtre, d’un toit ?), représentant une place, un carrefour, le croisement de deux avenues aux proportions monumentales et, au milieu du carrefour, comme un amas grumeleux et confus de petits bâtonnets noirs couchés sur le sol, tous dans le même sens et disposés en éventail (c’est-à-dire chaque bâtonnet orienté vers un même point invisible (à gauche et en dehors du champ de la photographie, où se trouvait — disait la légende — une mitrailleuse en train de tirer),

Auteur: Simon Claude

Info: Histoire, p. 110

[ graffiti ] [ géométrie ] [ cadavres ] [ image ] [ ville ]

 
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Ajouté à la BD par Plouin

cauchemar

Une brume d’un bleu pastel délicat stagne, accumulée au fond des vertigineuses tranchées qui s’ouvrent entre les parois verticales et parallèles des hautes façades, comme coupées au couteau dans une unique matière d’un brun noir. Elle enveloppe dans une transparence veloutée le flot docile des voitures semblable à quelque migration d’insectes. Précédées par les pinceaux de leurs phares, eux-mêmes veloutés, elles viennent s’accumuler aux croisements, s’immobilisent, repartent, s’égrènent, s’immobilisent de nouveau dans une sorte d’irréel silence, comme si le grondement qui s’élève de l’énorme ville, uniforme, étale pour ainsi dire, recouvrait ou plutôt absorbait indistinctement les millions de bruits confondus dans une unique et formidable rumeur, vaguement inquiétante, déchirée de loin en loin par le sporadique hululement de sirènes (police, ambulances, pompiers ?), croissant, s’exaspérant, strident, décroissant, mourant. Comme des cris de folles, d’oiseaux exotiques, ou les cornes de navires en perdition. Comme si la ville elle-même criait. Comme si, par intervalles, l’étincelant et orgueilleux amoncellement de cubes et de tours agonisait sans fin dans une sorte de diamantine apothéose, relançait de moment en moment vers le ciel opaque de longs signaux d’alarme, d’angoisse.

Auteur: Simon Claude

Info: Le jardin des plantes

[ irréalité ] [ léviathan ] [ sonorité ] [ trafic ] [ obscurité ]

 
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Ajouté à la BD par Plouin

destin

Mais pas seulement cela : quelque chose d’autre encore, quelque chose de plus acharné, de plus puissant que le fantôme d’un roi décapité, plus puissant même que celui d’une jeune morte, la huguenote à qui l’on avait refusé de reposer en terre chrétienne, pour laquelle il avait fait élever à l’écart, dans le vallon détrempé, le mausolée solitaire, dont, contre sa volonté, on l’avait séparé dans la mort, conquise un soir d’opéra, séduite, amenée là de son plat pays nordique, enlevée à sa ville de canaux, de diamantaires, d’armateurs, de drapiers, confinée dans un château perdu, bâti dans un pays perdu, à des centaines de kilomètres de toute mer, installée contre leur gré au milieu de demi-sauvages, d’une famille de paysans affublés de titres, de particules dédorées, engrossée par un étalon, puis abandonnée, solitaire, entourée de ces rustres hostiles et dévots, délaissée non pas au profit d’une rivale, une simple femme, mais de quelque chose contre quoi aucune femme ne pouvait lutter, ni même aucun homme, quelque chose qui pendant des années allait broyer aussi bien les enfants que les êtres faits, mettre sens dessus dessous une ville d’abord, puis un royaume, puis un continent tout entier…

Auteur: Simon Claude

Info: Les Géorgiques p 169

[ non-vie ] [ guerre ] [ déreliction ] [ déracinement ]

 

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Ajouté à la BD par Plouin

massacre

Alors imaginez la calme fin d’une journée de printemps où tout semble comme verni, frais, émaillé, les rayons du soleil déclinant qui percent en oblique les feuillages des arbres bordant la côte que monte maintenant au pas l’escadron, et à part toujours le bruit des sabots c’est le silence, personne ne parle, vous regardez seulement les premiers groupes de réfugiés qui cheminent en sens inverse, et tout à coup, sans que rien ne se soit encore produit, sans raison apparente, vous les entendez crier, ou plutôt criailler, les piaillements aigus des femmes, trop aigus, presque indécents, au point que vous vous demandez avec une sorte de condescendance apitoyée Qu’est-ce qui leur prend, qu’est-ce qui leur prend ? en même temps que vous les voyez tous, femmes, hommes, enfants abandonner les chariots, les bicyclettes ou les poussettes qu’ils traînaient et se jeter dans le fossé et alors, sans que vous ayez seulement entendu venir les trois avions qui volent haut, tout à coup cette espèce de buisson de poussière dans le champ, à quelques mètres de vous, crépitant d’étincelles dans un bruit ou plutôt un fracas assourdissant, et le souffle de la bombe qui vous frappe sur le côté comme des coups de poing, et alors, puisque c’est ça que vous me demandez, ça y est : la peur

Auteur: Simon Claude

Info: Le jardin des plantes p 81

[ contraste ] [ machine ] [ nature ] [ guerre ] [ débâcle ] [ ww2 ]

 
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Ajouté à la BD par Plouin