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acédie

D’après Thomas [d'Aquin], cette indolence métaphysique est identique à la "tristesse de ce monde" dont saint Paul dit qu’elle conduit à la mort (2 Co 7,10). Qu’en est-il de cette mystérieuse tristesse de ce monde ? Il n’y a pas très longtemps, ce mot pouvait nous paraître obscur, voire irréel, car on avait l’impression que les enfants de ce monde étaient beaucoup plus joyeux que les croyants, eux-mêmes tourmentés par des scrupules de conscience qui les empêchaient de jouir allégrement de la vie, et regardant avec un peu d’envie les incroyants qui habitaient apparemment sans angoisses et sans hésitations le jardin paradisiaque de la félicité terrestre. La désertion massive de l’Eglise tenait justement à ce que les gens voulaient être enfin délivrés de ces pénibles limites qui semblaient leur interdire non pas seulement un arbre du jardin, mais à peu près tous les arbres. On avait l’impression que seule l’incroyance pouvait libérer et conduire à la joie. A de nombreux chrétiens des temps modernes, le joug du Christ ne paraissait pas du tout "léger" ; ils le trouvaient même beaucoup trop lourd, du moins tel que l’Eglise le leur présentait.

Maintenant que l’on a pleinement savouré les promesses de la liberté illimitée, nous commençons à comprendre à nouveau "tristesse de ce monde". Les plaisirs interdits perdirent leur attrait dès l’instant où ils ne furent plus interdits. Même poussés à l’extrême et indéfiniment renouvelés, ils semblent fades, parce qu’ils sont tous finis et qu’il y a en nous une faim d’infini. Aussi voyons-nous aujourd’hui précisément dans le visage des jeunes gens une étrange amertume, une résignation qui est bien loin de l’élan du départ juvénile dans l’inconnu. La racine la plus profonde de cette tristesse, c’est l’absence d’une grande espérance et l’inaccessibilité du grand Amour : tout ce que l’on peut espérer est connu, et tous les amours sont l’objet d’une déception due à la finitude d’un monde où les formidables succédanés ne sont que le piètre masque d’un désespoir abyssal. […]

L’anthropologie chrétienne traditionnelle dit qu’une telle tristesse provient d’un manque de magnanimité, de l’incapacité de croire à la grandeur de la vocation humaine qui nous est destinée par Dieu. L’homme n’a pas le courage d’atteindre sa véritable grandeur : il veut être "plus réaliste". L’indolence métaphysique serait par conséquent identique à la pseudo-humilité qui est devenue si fréquente aujourd’hui : l’homme ne veut pas croire que Dieu s’occupe de lui, le connaisse, l’aime, le regarde, soit à côté de lui.

Il existe de nos jours une curieuse haine de l’homme contre sa propre grandeur. L’homme se considère comme l’ennemi de la vie et de l’équilibre de la création, comme le grand trouble-fête de la nature qui ferait mieux de ne pas exister, comme la créature manquée. Sa délivrance, celle du monde, consisterait donc à se dissoudre lui-même, à éliminer l’esprit, à faire disparaître la spécificité de l’humain, pour que la nature retrouve son inconsciente perfection dans son rythme et sa sagesse propres, dans le cycle de la mort et du devenir.

Au commencement du chemin, il y eut l’orgueil de vouloir "être comme Dieu". Il fallait se débarrasser du surveillant Dieu pour être libre : reprendre en soi le Dieu projeté au ciel et dominer soi-même la création à l’égal de Dieu. Mais on en est véritablement arrivé à une sorte d’esprit et de volonté qui s’opposait et qui s’oppose à la vie, et qui est le règne de la mort. Et plus cela est sensible, plus le projet initial se transforme en son contraire tout en restant prisonnier de son point de départ : l’homme qui ne voulait plus être que son propre créateur et qui désirait réaménager la création en imaginant une meilleure évolution, cet homme finit dans l’autonégation et l’autodestruction. Il juge qu’il vaudrait mieux ne pas exister. Cette "indolence" (acedia) métaphysique est compatible avec une grande activité et beaucoup d’occupations. Sa nature est la fuite de Dieu, le désir de rester seul avec soi-même et sa finitude, de ne pas être dérangé par la proximité de Dieu.

Dans l’histoire, telle qu’elle nous est décrite dans les Livres saints, nous rencontrons très souvent ces tentations : Israël trouve qu’il est trop fatigant d’être choisi par Dieu et de devoir constamment marcher avec lui ; il préfère retourner en Egypte, revenir à la normalité et être comme tous les autres. Cette rébellion de l’indolence humaine contre la grandeur du choix est une image de la révolte contre Dieu qui revient toujours dans l’histoire, et qui caractérise notre époque d’une manière particulière. Dans cette tentative de se débarrasser du choix, l’être humain ne se révolte contre rien de spécial. Lorsqu’il est trop astreignant d’être aimé par Dieu, lorsque cela cause une gêne indésirable, il s’insurge contre sa propre nature. Il ne veut pas être ce qu’il est pourtant en tant que créature.

Auteur: Ratzinger Joseph Benoît XVI

Info: Regarder le Christ

[ christianisme ] [ péché ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson