effleurements
Silhouettes hautes et fines semblant chevaucher des girafes, visibles malgré l'obscurité, ils étaient aspirés par des espaces successifs, de plus en plus lointains, et s'infiltraient dans les interstices gris de tout ce noir. L'écho de leur galop les précédait et leur revenait en les prévenant des obstacles. En cela, ils ressemblaient aux chauve-souris. Mais ils ne se contentaient pas de leur ressembler, ils les frôlaient, car c'était l'heure où les chauve-souris, qui pullulaient sur ces coteaux, sortaient de leurs grottes. Il est très rare de sentir le frôlement d'une chauve-souris, vu que ces petites bêtes sont dotées d'un mécanisme antichoc infaillible. Mais le frôlement n'est pas un choc, et dans de telles occasions, c'est la vitesse qui est en cause. Ce fut ce qui arriva à Rugendas. Une chauve-souris qui venait en sens inverse lui caressa le front. A peine un centième de seconde ; on aurait pu la confondre avec le souffle d'une brise ou avec l'excitation ponctuelle d'une cellule. Mais la légèreté était suprême ; rien ne pouvait lui être comparé, en raison de la mécanique qui la produisait, et surtout de la matière sur laquelle elle s'exerçait : un front dont toutes les ramifications nerveuses étaient déconnectées. Que rêver de plus doux, de plus subtil ?
Auteur:
César Aira
Années: 1949 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du sud – Argentine
Info:
Un épisode dans la vie du peintre voyageur, p 80
[
nuit
]
[
imperceptible
]
[
littérature
]