insomniaques
Le travail est assez mal vu des Émanglons, et, prolongé, il entraîne souvent chez eux des accidents.
Après quelques jours d'un labeur soutenu, il arrive qu'un Émanglon ne puisse plus dormir.
On le fait coucher la tête en bas, on le serre dans un sac, rien n'y fait. Cet homme est épuisé. Il n'a même plus la force de dormir. Car dormir est une réaction. Il faut encore être capable de cet effort, et cela en pleine fatigue. Ce pauvre Émanglon donc dépérit. Comment ne pas dépérir, insomnieux, au milieu de gens qui dorment tout leur saoul ? Mais quelques-uns en vivant au bord d'un lac, se reposent tant bien que mal à la vue des eaux et des dessins sans raison que forme la lumière de la lune, et arrivent à vivre quelques mois, quoique mortellement entraînés par la nostalgie du plein sommeil.
Ils sont faciles à reconnaître à leurs regards vagues à la fois et insistants, regards qui absorbent le jour et la nuit.
Imprudents qui ont voulu travailler ! Maintenant il est trop tard.
Auteur:
Michaux Henri
Années: 1899 - 1984
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
L'Espace du dedans, Les émanglons, Mœurs et coutumes - Voyage en grande Garabande - 1936
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labeur
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