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otium

Il existe une technique du congé, mais nul ne nous l'a enseignée ; nous avons appris de nos parents à mesurer ce que l'oisiveté nous fait perdre, non ce qu'elle nous fait gagner. Aujourd'hui, il nous faut réapprendre le relâchement. C'est un métier comme un autre, c'est aussi une vocation.

Auteur: Morand Paul

Info: Éloge du repos

 

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Ajouté à la BD par miguel

otium

Aujourd'hui que tout le monde est contraint, sous peine d'une condamnation par défaut pour crime de lèse-respectabilité, d'embrasser quelque profession lucrative, et d'y travailler avec quelque chose qui ressemble à de l'enthousiasme, une plainte de la partie adverse, qui, elle, se satisfait de ce qu'elle a, et revendique de rester spectatrice en goûtant le temps qui passe, sent un peu la bravade, sinon la gasconnade. Pourtant, il ne devrait pas en être ainsi. L'oisiveté, ainsi qu'on l'appelle, qui ne consiste pas à ne rien faire mais à faire beaucoup de ce qui n'est pas reconnu dans les formulaires dogmatiques de la classe dirigeante, a autant le droit de déclarer sa position que l'industrie elle-même. Il faut bien reconnaître que la présence de personnes qui refusent de participer à la grande course de handicap pour le gain des pièces de sixpenny est tout à la fois une insulte et un désenchantement pour ceux qui s'y engagent. Un brave garçon (comme nous en voyons tant) prend son courage à deux mains, vote pour les sixpence et, pour recourir à l'emphase d'un américanisme, « y va à fond ». Faut-il s'étonner de son ressentiment, tandis qu'il s'échine désespérément à casser des cailloux sur la route, s'il voit dans les prairies, non loin, des personnes allongées au frais, un mouchoir sur les oreilles et un verre à portée de la main ? Alexandre lui-même est frappé en un point très sensible par le mépris de Diogène. Où était la gloire d'avoir conquis Rome, pour ces tumultueux Barbares qui envahissaient le Sénat et trouvaient les Pères assis, silencieux, indifférents à leur victoire ? C'est en vérité une chose bien fâcheuse que de se donner toutes les peines du monde, d'escalader les sommets les plus ardus, pour découvrir au retour l'humanité indifférente à vos exploits. Voilà pourquoi les physiciens condamnent tout ce qui n'est pas la physique, les financiers ne tolèrent que superficiellement ceux qui n'entendent pas grand-chose à la Bourse, les littéraires méprisent les incultes, et les gens de toutes les professions s'allient pour dénigrer ceux qui n'en ont aucune.


Auteur: Stevenson Robert Louis

Info: Essais sur l'art de la fiction - Une apologie des oisifs

[ inactivité ] [ dualité ] [ jalousie ] [ loisirs ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

otium

On se souvient que Montaigne, au moment où il décida de se retirer dans son château, en 1571, fit peindre sur un des murs du cabinet attenant à sa bibliothèque une phrase latine expliquant les motifs de son choix. Une partie des mots employés a parfois été traduite de façon édulcorée ; il est donc nécessaire d’y revenir brièvement. Rappelons-en l’essentiel : Montaigne se dit " pertæsus " (dégoûté, excédé) par deux réalités bien distinctes. Il qualifie la première de " servitii aulici ". Le terme aulici est dérivé de aula, qui ne peut en aucun cas se rapporter à la cour de parlement, comme on l’a souvent cru ; il s’agit plutôt de la Cour royale, dans laquelle on s’expose à une servitude — le sens de servitium dépasse en effet beaucoup en vigueur le vocable français service. L’expression " servitude des Cours " se rencontre d’ailleurs dans les Essais à propos des " cérémonies " mondaines et correspond à un lieu commun très répandu dans la littérature morale du temps. L’autre objet du dégoût de Montaigne concerne les charges publiques (munerum publicorum), cette fois, sans ambiguïté possible, celles que Montaigne a occupées à la cour des aides de Périgueux puis au sein du parlement de Bordeaux.

"Anno Christi 1571, aetatis 38, pridie Cal. Martias, die suo natali, Mich. Montanus, servitii aulici et munerum publicorum jamdudum pertæsus, dum se integer in doctarum virginum recessit sinus, ubi quietus et omnium securus quantillum id tandem superabit decursi multa jam plus parte spatii: si modo fata duint exigat istas sedes et dulces latebras avitasque libertati suae tranquillitatique et otio consecravit."

" L'an du Christ 1571, à l'âge de 38 ans, la veille des calendes de mars, anniversaire de sa naissance, Michel de Montaigne, las depuis longtemps déjà de sa servitude au parlement et des charges publiques, en pleine vigueur encore, se retira dans le sein des doctes Vierges, où, en repos et sécurité, il passera les jours qui lui restent à vivre. Puisse le destin lui permettre de parfaire cette habitation, ces douces retraites paternelles ; il les a consacrées à sa liberté, à sa tranquillité et à ses loisirs. "

Auteur: Jouanna Arlette

Info: Montaigne

[ obligations lassantes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

otium

Avant tout une œuvre d‘art est donc bien une aventure de l‘esprit.

Et s‘il faut absolument que l‘art ou le théâtre serve à quelque chose, je dirai qu‘il devrait servir à apprendre aux gens qu‘il y a des activité qui ne servent à rien et qu‘il est indispensable qu‘il y en ait : la construction d‘une machine qui bouge, l‘univers devenant spectacle, vu comme un spectacle, l‘homme devenant à la fois spectacle et spectateur : voilà le théâtre. Voilà aussi le nouveau théâtre libre et " inutile " dont nous avons tellement besoin, un théâtre vraiment libre (car le Théâtre-Libre d‘Antoine était le contraire d‘un théâtre libre).

Mais les gens, aujourd‘hui, ont une peur atroce et de la liberté, et de l‘humour; ils ne savent pas qu‘il n‘y a pas de vie possible sans liberté et sans humour, que le moindre geste, la plus simple initiative, réclament le déploiment des forces imaginatives qu’ils s’acharnent, bêtement, à vouloir enchaîner et emprisonner entre les murs aveugles du réalisme le plus étroit, qui est la mort et qu’ils appellent vie, qui est la ténèbre et qu’ils appellent lumière. Je prétends que le monde manque d’audace et c’est la raison pour laquelle nous souffrons. Et je prétends aussi que le rêve et l’imagination, et non la vie plate, demandent de l’audace et détiennent et révèlent les vérités fondamentales, essentielles. Et même que (pour faire une concession aux esprits qui ne croient qu’à l’utilité pratique) si les avions sillonnent aujourd’hui le ciel, c’est parce que nous avions rêvé l’envol avant de nous envoler. Il a été possible de voler parce que nous rêvions que nous volions. Et voler est une chose inutile. Ce n’est qu’après coup qu’on en a démontré ou inventé la nécessité, pour nous excuser de l’inutilité profonde, essentielle, de la chose. Inutilité qui était pourtant un besoin. Difficile à faire admettre, je le sais.

Regardez les gens courir affairés, dans les rues. Ils ne regardent ni à droite, ni à gauche, l’air préoccupé, les yeux fixés à terre, comme des chiens. Ils foncent tout droit, mais toujours sans regarder devant eux, car ils font le trajet, connu à l’avance, machinalement. Dans toutes les grandes villes du monde c’est pareil. L’homme moderne, universel, c’est l’homme pressé, il n’a pas le temps, il est prisonnier de la nécessité, il ne comprend pas qu’une chose puisse ne pas être utile ; il ne comprend pas non plus que, dans le fond, c’est l’utile qui peut être un poids inutile, accablant. Si on ne comprend pas l’utilité de l’inutile, l’inutilité de l’utile, on ne comprend pas l’art ; et un pays où on ne comprend pas l’art est un pays d’esclaves ou de robots, un pays de gens malheureux, de gens qui ne rient pas ni ne sourient, un pays sans esprit ; où il n’y a pas l’humour, où il n’y a pas le rire, il y a le colère et la haine. Car ces gens affairés, anxieux, courant vers un but qui n’est pas un but humain ou qui n’est qu’un mirage, peuvent tout d’un coup, aux sons de je ne sais quels clairons, à l’appel de n’importe quel fou ou démon se laisser gagner par un fanatisme délirant, une rage collective quelconque, une hystérie populaire. Les rhinocérites, à droite, à gauche, les plus diverses, constituent les menaces qui pèsent sur l’humanité qui n’a pas le temps de réfléchir, de reprendre ses esprits ou son esprit, elles guettent les hommes d’aujourd’hui qui ont perdu le sens et le goût de la solitude. Car la solitude n’est pas séparation mais recueillement, alors que les groupement, les sociétés ne sont, le plus souvent, comme on l’a déjà dit, que des solitaires réunis. On n’a jamais parlé " d’incommunicabilité " du temps où les hommes pouvaient s’isoler ; l’ incommunicabilité, l’isolement sont, paradoxalement, les thèmes tragiques du monde moderne où tout se fait en commun, où l’on nationalise ou socialise sans arrêt, où l’homme ne peut plus être seul, – car même dans les pays " individualistes " la conscience individuelle est, en fait, envahie, détruite par la pression du monde accablant et impersonnel des slogans : supérieurs ou inférieurs, politiques ou publicitaires, c’est l’odieuse propagande, la maladie de notre temps. L’intelligence est à tel point corrumpue que l’on ne comprend pas qu’un auteur refuse de s’engager sous la bannière de telle ou telle idéologie courante – c’est-à-dire de se soumettre.

Cependant, si les spectateurs disent qu’ils voient dans une pièce une leçon, cela sera encore la chose la moins importante qu’ils auront pu y voir. Et qu’est-ce qu’il y a de plus important à voir qu’une leçon dans une pièce ? C’est simple : des événements, des choses qui se passent, se nouent, se dénouent et passent.

Ce n’est pas la sagesse, la morale des fables de La Fontaine qui peut encore nous intéresser, – car cette sagesse est la sagesse élémentaire et permanente du bon sens, – mais bien la façon dont elle devient vivante, matière d’un langage, source d’une merveilleux vivant. Et c’est cela surtout que doit être le théâtre. Il est menacé de mourir en Europe comme en Amérique, parce qu’il n’est plus cela.

Le commercial, le " réalisme " tuent le théâtre, ils ne font pas vivre : car aussi bien le théâtre sans audace, le théâtre de confection de Broadway et du Boulevard, que le théâtre réaliste, à thèses archi-connues, enfermé dans ses thèses, ligoté, – est, dans le fond, un théâtre irréaliste : l’irréalisme bourgois d’un côté, l’irréalisme dit socialiste de l’autre – voilà des grands dangers qui menacent le thèâtre et l’art, les pouvoirs de l’imagination, la force vivante et créatrice de l’esprit humain.



 

Auteur: Ionesco Eugène

Info: Notes et contre-notes, février 1961 - pp 210-213

[ ouverture ] [ beaux-arts ] [ passe-temps ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste