lecture
Il existe des gens qui souffrent réellement de n'avoir pu, dans la vie réelle, vivre avec Mr Pickwick ni serrer la main de Mr Wardle. J'en fais partie. J'ai pleuré de vraies larmes sur ce roman, de n'avoir pas vécu à cette époque-là, avec ces gens-là, des gens pour moi bien réels. Les drames sont toujours beaux dans les romans, parce qu'il n'y coule point de sang authentique, pas plus que les morts n'y pourrissent, et d'ailleurs la pourriture n'est jamais pourrie dans les romans. Quand Mr Pickwick est ridicule, en fait il ne l'est pas, parce que c'est un roman. Qui sait si le roman n'est pas une vie et une réalité plus parfaites que Dieu crée à travers nous, et si nous n'existons pas - qui sait - uniquement pour les créer ? Les civilisations semblent n'exister que pour produire l'art et la littérature ; et les mots, c'est ce qui nous parle et nous reste d'elles. Pourquoi ces figures extra-humaines ne seraient-elles pas réelles et véritables ? Cela me fait mal, dans mon existence mentale, de penser qu'il en est peut-être ainsi...
Auteur:
Pessoa Fernando
Années: 1888 - 1935
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Portugal
Info:
Le livre de l'intranquillité, Texte no 195
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