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isolement

un homme qui n'arrive pas à s'adapter à la société est appelé 

psychotique, et le jeune dans la tour du Texas

qui a tiré sur 49 personnes et en a tué 15 en était un,

bien que le corps des Marines l'ait accepté

dans ses rangs - tout est dans la manière dont on s'habille

du moment que la ruche déclare que le projet

protège la Reine, les pneus Goodyear et ainsi de

suite,

mais tel que je vois les choses depuis cette fenêtre,

son action n'a rien eu d'extraordinaire ou 

d'inattendu et les psychiatres sont juste les menteurs 

rétribués

d'un désordre social

continuel.  



et je me lève bientôt de ma chaise

et fais les cent pas

et si j’allume la radio

et par chance tombe sur Chostakovitch ou Mahler

ou m’assois pour taper une lettre au président,

les voix commencent à s’élever autour de moi :

"EH ! CA SUFFIT MAINTENANT !"

"ESPECE DE FILS DE PUTE ! ON VA APPELER LES FLICS !"



de chaque côté de chez moi il y a des appartements de luxe

la nuit des choses s’éclairent de lumières bleues et vertes

et ils ont des piscines mais les résidents ont

trop de classe pour s’y baigner

le loyer est très élevé

et ils restent là à regarder leurs murs

décorés de portraits de gens à la tête coupée

en attendant de repartir au 

TRAVAIL,

pendant ce temps, ils sentent que mes bruits ne sont pas leurs bruits –

66 personnes de chaque côté de ma tête

amoureux des Bérets verts et des piranhas :

"PANIQUEZ PAS, BON SANG !"



ceux-là je ne peux pas les voir par ma fenêtre

et j’en suis heureux

mon estomac est dans un triste état à cause de la vinasse que je

m’enfile,

et donc pour eux

je me fais silencieux

j’écoute leurs bruits-

leurs matches de base-ball, leurs films comiques, leurs jeux télévisés,

leurs baisers secs, leur sécurité étincelante,

leurs corps durs agglomérés dans les murs et assassinés,

et je vais m’attabler,

m’empare de mes crayons de fou

et commence à les dessiner sur mes murs

tous-

aimant, baisant, mangeant, chiant,

effrayés par le Christ, effrayés par la pauvreté,

effrayés par la vie,

ils se déplacent sur mes murs comme des cafards 

et je dessine des soleils entre eux

et des haches et des flingues et des tours et des bébés

et des chiens, des chats, des animaux, et cela devient

difficile de distinguer un animal

d’un autre, et tout mon corps sue, empeste,

tandis que je tremble comme un menteur sous le poids de la vérité,

alors je bois de l’eau, retire mes vêtements et me mets au lit

où je ne trouverai pas le sommeil

d’abord baisser tous les stores

puis attendre 3 heures de l’après-midi

mes filles mes femmes mon heure

sans que rien ne se passe, sans rien qui entre

ni sorte, pas de cathédrales, de musées d’art et 

de montagnes pour moi, seulement le sel de moi-même,

des fourmis,

des vieux journaux, ma honte, ma honte

de ne pas avoir

tué

(rasoir, accident de la route, essence, gaz)

(bon travail, mariage, placements boursiers)

ce qui reste de

moi-même.

Auteur: Bukowski Charles

Info: "ces fenêtres enragées qui goûtent à la vie et me coupent si je passe à travers" dans Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines, traduit de l’anglais par Thierry Beauchamp, éditions du Rocher, 2008

[ poème ] [ barbarie ] [ rejeté ] [ bourgeois ] [ spectateur ] [ hors du monde ] [ folie ] [ haine ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson