Ce jour-là, après le déjeuner au salon, chacun alla dans sa chambre, s’y dévêtit et s’y prépara. Nue sous une robe de soie blanche, elle termina ses lavages et apprêts divers par des vaporisations de parfum çà et là, tandis que lui, nu sous sa robe de chambre rouge, brossait honteusement ses ongles. Peu après retentit l’air de Mozart, et il frissonna. C’était l’appel. Car elle ne lui téléphonait plus, elle mettait un disque, c’était plus poétique.
L’appel, oui. Il fallait aller à l’amour. Sa créancière le convoquait, le sommait de lui donner du bonheur. Allons, prouve-moi que j’ai bien fait d’avoir choisi cette vie de solitude avec toi, lui disait-elle par le truchement du Vous qui savez ce qu’est Amour. Vingt-six novembre, aujourd’hui. Trois mois déjà qu’ils avaient quitté Genève, trois mois d’amour chimiquement pur. Agay d’abord, puis Venise, Florence, Pise, puis Agay de nouveau, depuis une semaine. Si elle s’apercevait qu’on était le vingt-six novembre, danger de commémoration du vingt-six août par épanchements poétiques et coït superfin.
Il posa la brosse et le savon, se considéra, rasé de près, écœurant de propreté dans sa robe de chambre. Voilà, c'était sa vie désormais, être chaque jour désirable, faire la roue sexuelle. Elle l'avait changé en paon. En somme, ils menaient une existence animale, elle et lui. Mais les bêtes au moins, n'avaient qu'une saison pour la pariade et les coquetteries. Eux, c'était tout le temps. Se lessiver sans arrêt, se raser deux fois par jour, être tout le temps beau, c'était son but de vie depuis trois mois.
Années: 1895 - 1981
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Suisse