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couple
Dans la grande pièce aux stores baissés pour protéger la vue fatiguée de la jeune femme, un rayon de soleil filtre, caresse le cou d'Hedwige, fût puissant et flexible qui disparait dans l'ombre de la plumeuse chevelure noire à reflets d'or, et va fendre en deux le corps de Pierre qui avec force gestes essaie d'expliquer ce que sera son fils. Sur ce sujet il est aussi loquace que sa femme est laconique. L'enfant encore invisible est sans cesse présent entre eux : expression de cet impérialisme du moi inconscient et forcené qui nous pousse toujours à nos frontières de chair, il exalte Pierre, excite son impatience passionnée.
Auteur:
Morand Paul
Années: 1888 - 1976
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.220, 221)
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poésie du détail
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beauté
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harmonie
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famille
]
couple
Pierre marchait du haut en bas du salon. Le visage d'Hedwige devint d'un or vert magnifique.
- Ecoute, Hedwige, sois raisonnable ; tu as besoin d'air ; dix jours à la mer nous feront du bien à tous les deux ; nous partons demain ; les billets sont pris, les chambres retenues...
Hedwige ferma les yeux ; quand Pierre était passé elle les rouvrait, mais il y avait un moment où il se profilait rapidement sur la lumière, où il se glissait entre elle et la fenêtre, qui lui était si douloureux qu'elle contractait violemment les paupières pour ne pas les voir. C'était pénible, cette marche alternée, comme l'escarpolette après déjeuner. Hedwige guettait son mari du coin de l'œil, prête à éviter sa trajectoire. Par contraste, cette agitation la rejetait vers sa mère comme vers un paradis perdu, lui donnant la nostalgie de l'immobile lit Boirosé.
Auteur:
Morand Paul
Années: 1888 - 1976
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p. 223, 224)
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rapport hommes-femmes
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poésie du détail
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regard
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retour en arrière
]
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mélancolie
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hier déchu
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échographie
Le jour où Pierre reçut la grande photo sur carton, il sauta en l'air, ne se contint plus.
- Je distingue très mal l'image.
On apercevait, en un brouillard de grisaille, le bas de la cage thoracique, l'ombre mate du bassin maternel et le squelette de l'enfant bien formé, la tête en bas, genoux au menton, faisant une immobile culbute où s'arrondissait son épine dorsale annelée dans un recroquevillement de momie péruvienne, comme dans les plus anciens ensevelissements humains, comme dans les jarres néolithiques.
- Que c'est laid ! dit Pierre, déçu.
- C'est ravissant, dit Hedwige, enthousiaste.
Quelques jours plus tard, ce fut une autre affaire. Cette fois, Pierre voulut écouter au stéthoscope battre le cœur de l'embryon. Il se penchait sur cette grande caverne habitée qu'était le corps d'Hedwige, appuyait son front contre elle, enfonçant aux oreilles les deux écouteurs, prêtant une attention auditive à ce ronron, à ce léger cliquetis qu'était le cœur de son enfant.
- Si tu me continues à me tourmenter ainsi, il aura des convulsions, cria Hedwige, crispée.
Auteur:
Morand Paul
Années: 1888 - 1976
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p. 230, 231)
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poésie du détail
]
[
couple
]
[
famille
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cocasserie émouvante
]
première fois
L'homme pressé avait enfin décidé de se presser. Il aurait Hedwige ce soir même ; Depuis près de six semaines il différait. C'était fini. Il descendait dans cette plaine fertile. Il parlerait en prince ; il ferait main basse sur la récolte ; il commanderait dans toute l'étendue de sa domination, dans toute la force de sa possession, à ce trésor immense qu'était la personne d'Hedwige. Pierre avait choisi son moment, bien choisi. L'heure était non seulement légale, mais légitime. Hedwige était non seulement liée, mais attachée à lui ; elle se montrait amoureuse et consentante. Elle se livrerait certainement tout entière : condition essentielle d'une grande amitié, sans laquelle le mariage est une chambre d'accès aussi facile que la prostitution, ou un jeu de société, de bonne société.
(...)
Ils rentrèrent. Pierre commença à se déshabiller dans l'escalier. Au premier, le gilet ; au second, la cravate ; au troisième, les bretelles. Quand il arriva à leur porte, ses habits ne tenaient plus que par miracle dans sa main. Et pendant qu'Hedwige tournait la clé dans la serrure il en profita pour délacer ses souliers.
- J'entre dans votre lit pour le chauffer, dit-il.
Il fut sous la couverture avant qu'Hedwige eût enlevé son chapeau. Il la regardait ses préparatifs pour la toilette de nuit, gros sac d'ouate, graisse pour le démaquillage, lotions claires, papiers de crêpe, démêloirs, miroirs, etc. (Et elle n'était pas coquette ! ) Bruits de tiroir de commodes, d'eaux tombantes ou jaillissantes. C'était l'heure où les autobus s'espacent, où le métro élargit son bruit souterrain de plusieurs secondes, où les isolés ont l'air de couples à cause de l'écho dans les rues sonores et de leur ombre sur les murs, où la nuit appartient aux vieux journalistes, et à toutes les femmes, les femmes à scènes et les femmes douces. Tout en jetant dans la corbeille des tampons d'ouate rosie par le fard, Hedwige regardait derrière elle dans la glace, comme l'automobiliste regarde dans le rétroviseur la voiture qui va la rattraper. Elle avait compris que c'était pour ce soir. Qu'il avait faim d'elle, elle le devinait à une très légère nuance rauque dans la voix de Pierre. Il s'arrondissait, parlait de moins en moins, se tassait peu à peu dans la bonne laine du matelas qui, malgré le rembourrage, prenait son empreinte. Elle ne voyait que ses cheveux noirs. Ce monde d'élan inassouvis qu'il représentait n'apparaissait plus sur terre que par une mèche. Cet audacieux sans repos sous l'aiguillon ne remuait désormais pas plus qu'une souche. C'était à la fois touchant et inquiétant. Pierre avait souvent badiné sur le lit d'Hedwige le matin ou le soir. Il s'était glissé parfois sous son couvre-pieds, mais dans son lit il n'était jamais entré. Il ne l'avait jamais habité comme maintenant. Était-il de la race de ceux qui aiment être bordés ou de ceux qui ondulent la nuit et retroussent au petit matin les couvertures ? Elle allait le connaître tout entier, le traduire en langage clair, le tenir en un champ clos de linge où il ne se déroberait plus ; elle allait savoir si sa séduction émanait de lui immobile ou de lui en mouvement ; elle allait arriver au cœur du secret, savoir enfin si la hâte de Pierre était du muscle ou seulement du nerf, de la force ou de la faiblesse.
Sa curiosité fut si vive qu'elle ne ressentit aucunement cette honte chaude qu'éprouvent les filles qui ne sont jamais unies à un homme.
Auteur:
Morand Paul
Années: 1888 - 1976
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.163, 170)
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romantisme
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envies
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désir
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poésie du détail
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