déception
Car les expériences de la vie sont incommunicables, et c'est ce qui cause toute la solitude, toute la tristesse humaine.
Sans cesse des étrangers entrent, des gens que nous ne reverrons jamais plus, et dont la familiarité, l'indifférence nous bousculent au passage, nous donnent le sentiment désagréable d'un monde qui se passe de nous. Nous ne pouvons que sombrer, nous ne pouvons pas oublier nos propres visages. Même moi, qui suis sans visage, moi qui ne transforme pas les gens quand j'entre dans une chambre...
Même moi, je crois flotter sans attaches, incapable de m'ancrer en un lieu ou de prendre appui nulle part, incapable de fournir à ces gens un mur blanc et lisse contre lequel ils puissent projeter leurs ombres.
Je suis pourtant obligée de regarder mes voisins, pour tâcher de faire comme ces gens-là...
Tous les excès sont vains : j'ai en face de moi la moyenne, la médiocrité...
Si c'est cela la vie, elle ne vaut pas la peine d'être vécue. Et cependant, même le petit restaurant a son rythme.
Où est la solution dans cette continuité ?... Où est la fente, par où l'on peut apercevoir l'universel désastre ?
Nous ne sommes pas simples, comme nos amis le souhaitent pour que nous répondions au besoin qu'ils ont de nous. Et cependant, l'amour est simple.
Tout change. Tout passe, et la jeunesse, et l'amour.
Je n'ai pas le pouvoir de me concilier la bienveillance des gens.
J'aime mieux dénoncer une fois pour toutes ce monde de gens obtus, occupés de rien, lourdement satisfaits d'eux-mêmes...
J'ai en moi une force qui les consumera tous, tant qu'ils sont.
Auteur:
Woolf Virginia
Années: 1882 - 1941
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: F
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Angleterre
Info:
Les Vagues, 1931
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rapprochement impossible
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rapports humains
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