Après le dîner aux bougies, lui en smoking et elle en robe du soir, ils allaient au salon où ils admiraient, dans le cadre de la baie, les inutiles volutes de la mer. Tout comme au Royal, ils fumaient des cigarettes chères et s’entretenaient de sujets élevés, musique ou peinture ou beautés de nature. Il y avait parfois des silences. Alors, elle commentait les minuscules animaux de velours qu’ils avaient achetés à Cannes, les disposait mieux sur la table qui leur était réservée, les chérissait du regard. Notre petit monde, disait-elle en caressant le petit âne, son préféré. Eh oui, pensait-il, on a le social qu’on peut. Ou encore, elle lui demandait ce qu’il aimerait avoir pour les menus du lendemain. Ils en discutaient assez longuement car, sans s’en douter, elle était devenue gourmande. Ou bien elle se mettait au piano et chantait cependant qu’il écoutait, avec un vague sourire au ridicule de leur vie. Ou encore ils parlaient de littérature. C’était effrayant à quel point ils s’intéressaient à la littérature. Sombrement, il savourait la misère de leurs entretiens. L’art était un moyen de communication avec les autres, dans le social, une fraternisation. Dans une île déserte, pas d’art, pas de littérature.
Années: 1895 - 1981
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Suisse