Je ne sais pourquoi, je me suis rappelé un mot qu'on a prêté à Clemenceau quand il a pris en main les affaires de la guerre : "La guerre est une affaire trop sérieuse pour qu'on la confie à des militaires." Évidemment, cela ressemble à une boutade, peut passer pour un paradoxe. Pourtant, il semble bien qu'il y ait là l'expression d'un grand bon sens, d'un jugement clairvoyant à l'égard des capacités intellectuelles du monde des officiers en général.
Si on prend un garçon de vingt ans qui choisit la carrière militaire, qui entre aux Ecoles par lesquelles il faut passer pour devenir officier, on peut bien dire que ce qui l'attire, ce qui lui plaît, ce qui décide de son choix, c'est l'uniforme, c'est le sabre au côté, c'est le prestige, c'est l'idée d'autorité sur d'autres, le goût du commandement, la préséance qu'il y voit dans la société, toutes raisons assez enfantines, somme toute, et qui relèvent très peu de l'intelligence vraie, critique et profonde. Un attrait de gloriole, pour tout dire.
Ce n'est pas la vie militaire qui l'élèvera au-dessus de tout cela. Au contraire. Il est connu que le monde des officiers, dans son ensemble, est composé de bien pauvres bonshommes au point de vue intellectuel. Si on renonce aux considérations de bêtise civique et patriotique, ce ne sont jamais eux qui concourent à la grandeur spirituelle (la seule qui compte, en définitive) d'aucun pays. Je pose en fait qu'un homme véritablement intelligent ne s'avise pas de vouloir être officier ou prêtre.
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Info: Journal littéraire/Mercure de France 1986 9 novembre 1932 II p.1121
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