survie

C'est une idée assez commune que révolution et guerre sont filles de pauvreté. Mais ce n'est qu'une demi-vérité. Ce ne sont point les pauvres qui sont redoutables, ce sont les humiliés et les offensés. L'aiguillon du besoin ne fait qu'un animal peureux ; pensée de vol, non pensée de vengeance. Et la pensée s'occupe toute à chercher un repas après l'autre. Tête et ventre. Les passions veulent du loisir, et un sang riche. On croit que la faim conduirait à la colère ; mais c'est là une pensée d'homme bien nourri. Dans le fait une extrême faim tarit d'abord les mouvements de luxe, et premièrement la colère. J'en dirais autant du besoin de dormir, plus impérieux peut-être que la faim. Ainsi la colère ne serait pas naturellement au service des désirs, comme on veut d'abord croire.

Auteur: Alain

Info: Propos I, Bibliothèque de la Pléiade, nrf Gallimard 1956 , 15 février 1926 p.675

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