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Tout le monde connaît la fameuse scène où tous, à force de dire à Basile "Vous êtes pâle à faire peur", finissent par lui faire croire qu'il est malade. Cette scène me revient à l'esprit toutes les fois que je me trouve au milieu d'une famille étroitement unie, où chacun surveille la santé des autres. Malheur à celui qui est un peu pâle ou un peu rouge ; toute la famille l'interroge avec un commencement d'anxiété : "Tu as bien dormi ?", "Qu'as-tu mangé hier ?", "Tu travailles trop", et autres propos réconfortants. Viennent ensuite des récits de maladies "qui n'ont pas été prises assez tôt". Je plains l'homme sensible et un peu poltron qui est aimé, choyé, couvé, soigné de cette manière-là. Les petites misères de chaque jour, coliques, toux, éternuements, bâillements, névralgies, seront bientôt pour lui d'effroyables symptômes, dont il suivra le progrès, avec l'aide de sa famille, et sous l'oeil indifférent du médecin, qui ne va pas, vous pensez bien, s'obstiner à rassurer tous ces gens-là au risque de passer pour un âne.

Auteur: Alain

Info: 30 mai 1907

[ rapports humains ] [ miroirs ]

 

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