Il me semble que la Nature a travaillé pour des ingrats : nous sommes heureux, et nos discours sont tels qu'il semble que nous ne le soupçonnions pas. Cependant, nous trouvons partout des plaisirs : ils sont attachés à notre être, et les peines ne sont que des accidents. Les objets semblent partout préparés pour notre plaisir : lorsque le sommeil nous appelle, les ténèbres nous plaisent ; et lorsque nous nous éveillons, la lumière du jour nous ravit. La nature est parée de mille couleurs ; nos oreilles sont flattées par les sons ; les mets ont des goûts agréables ; et, comme si ce n'était pas assez du bonheur de l'existence, il faut encore que notre machine ait besoin d'être réparée sans cesse pour nos plaisirs.
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Info: Mes pensées, Oeuvres complètes I, la Pléiade, Gallimard 1949, 549, p.1061
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