veuvage

J'aime énormément être seule. J'aime infiniment ces grandes plages de silence où je ne suis qu'à moi. Mon mari, jusqu'au dernier jour de sa vie, m'avait imposé ses horaires, son affection, ses soucis, ses projets, ses craintes. C'est incroyable quand j'y songe : j'ai aussitôt adoré être veuve. Je n'avais pas prévu une seconde que j'apprécierais à ce point la solitude. Je n'ai pas eu d'effort à faire. J'ai assisté à cela comme une spectatrice. A mon plus grand étonnement mon deuil s'est transformé en grandes vacances. Je respectais les qualités de et l'anxiété, et l'honnêteté, et la piété de mon mari ; je fus soudain en congés de ses tourments. Non pas des grandes vacances : d'immenses vacances.

Auteur: Quignard Pascal

Info: Les solidarités mystérieuses, p. 49

[ bonheur ]

 

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