ténèbres

La terreur, c'est surtout de l'imprévu ; et si la nervosité des peureux s'exaspère dans l'obscurité, c'est que cette nuit aveugle est peuplée pour eux de fantômes, auxquels ils ne peuvent donner de formes. Si, de tous temps, les enfants et les servantes ont craint de se hasarder, le soir, hors des chambres éclairées et closes, c'est que l'ombre impénétrable, l'ombre silencieuse et hostile recule tout l'infini dans le mystère et toute l'épouvante dans l'inconnu... Oh ! les grands arbres bruissants des fonds de parcs d'automne humides et solitaires, les interminables corridors des vieux logis de province à demi abandonnés, les greniers hauts comme des cathédrales, où s'entassent des vieilleries, des paperasses et des malles velues, immobiles depuis des années, et qui ne voyageront jamais plus, les chambres inhabitées des maisons de campagne des grands-parents aujourd'hui morts, la chambre qu'on n'ouvrait jamais parce qu'il s'y était passé quelque chose...
Oh ! Tous ces châteaux d'épouvante effrités aujourd'hui dans nos âmes sceptiques, mais qui tenaient jadis une si formidable place dans notre enfance effarée et inquiète, de quelle atmosphère frissonnante et glacée ils s'emplissaient pour nous à la tombée de la nuit, surtout au retour de l'automne, dans ces mois brumeux et pourris d'incessantes ondées, de torrentielles pluies.

Auteur: Lorrain Jean

Info: Histoires de Masques

[ peur ] [ imagination ]

 

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