On n'est pas obligés d'y aller, dit-elle, si tu n'en as pas envie. John Mercer se regarda dans le miroir, sans répondre. Il vit sa femme avancer les mains pour lui nouer sa cravate. Elle s'occupait de lui, comme toujours. Il leva un peu le menton, pour qu'elle puisse faire le noeud. Elle commença par le laisser flottant, avant de le serrer doucement.
- Les gens comprendraient.
Si seulement c'était vrai ! Ils auraient peut-être l'air indulgents, mais, au fond d'eux-mêmes, ils ne pourraient s'empêcher de penser qu'il s'était dérobé à son devoir. Il imaginait déjà ce que l'on raconterait à la cafétéria. On évoquerait son absence, on dirait qu'il devait être sous le choc, puis peu à peu on lâcherait que, en dépit de ce qu'il devait ressentir, il aurait dû assister à l'enterrement. Serrer les dents et assumer ses responsabilités. C'était la moindre des choses. Et ils auraient raison. Il serait impardonnable de ne pas y aller. Seulement, il ne savait pas du tout comment il allait faire pour tenir le coup.
Eileen glissa la pointe de sa cravate entre les boutons de sa chemise. Elle la lissa bien.
- On n'est pas obligés d'y aller, John.
- Tu ne comprends pas.
À la lumière du matin, l'air de la chambre semblait bleu acier. Dans le miroir, il avait la peau blanche et flasque, le visage presque éteint. Quant à son corps, bon, elle devait encore tendre un peu les bras pour en faire le tour, mais il n'avait pas l'impression d'être aussi robuste que dans le temps. Les choses qu'il portait semblaient plus lourdes. Il se fatiguait trop vite. Là, bras ballants, il dégageait une impression de vide et de tristesse. Il avait vieilli. Depuis peu.
- Je comprends que tu ne sois pas dans ton assiette, lui dit-elle.
- Ça va aller.
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