épitaphe

Quelques années plus tard, en ouvrant le journal, j’appris que Robert R. Young, après avoir avalé œufs et jambon au petit-déjeuner, était remonté dans son bureau, avait calé le canon d’un fusil à pompe dans sa bouche et s’était fait exploser la cervelle. Cela me fit sourire. Il n’y avait rien de vindicatif dans ce sourire : je n’avais jamais considéré Young comme un homme de chair et de sang. Pour moi, ce n’était qu’un petit être guilleret que je voyais sautiller en haut de Grand Central, entouré d’une escouade d’encravatés. Je n’avais jamais cru en sa réalité. Je souris car tous ceux que je connaissais à New-York Central […] pensaient que Young était un homme décidé, un homme qui allait sauver l’industrie tout entière de quelques prises de décisions bien senties, de transport intermodal, de trains ultralégers et de prestations sur tout le territoire, oui monsieur ! Et mon sourire se fit triste, puis éploré : Young, avec ce seul beau geste, était devenu vivant pour moi, était devenu un homme. Car le suicide est le plus éloquent cri du cœur de ceux qui cherchent en vain leur chemin.

Auteur: Exley Frederick

Info: Le Dernier stade de la soif

[ autodestruction ] [ révélateur ]

 

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