- Oui, j’ai sauté du quatrième étage dans la cour avec mon bébé. Et, arrivés en bas, le petit était sur moi et sans la moindre égratignure. Moi non plus d’ailleurs, pas même un bras cassé – c’est bien le plus étonnant -, seulement des entailles aux joues. On me les a très bien recousues. Vous pouvez voir les cicatrices toutes fraîches.
Et elles admirent les cicatrices et elles admirent aussi la femme.
Entre alors un homme tout rond et gentil. La femme dit : "Voici mon ami."
Son ami ? Et l’autre alors ? Celui pour lequel elle a eu tant de chagrin qu’elle a sauté d’une fenêtre ? Cet ami lui apporte une quantité d’énormes sandwiches et de salade de pommes de terre. Et la grosse, sans cesser de manger, le prend dans ses bras. Comme tout cela est simple !
Elles entendent l’ami lui dire : "Si tu ne guéris pas, alors je ne t’apporterai plus rien à manger. Tu pourras alors recommencer à te jeter par la fenêtre jusqu’à ce que tu en meures."
Ils rient, s’embrassent et mangent.
Quand il est parti, la grosse femme revient vers elles. "Et où est ton bébé ?" lui demande la jeune fille rousse.
- A l’orphelinat, répond-elle.
- Mais quand je serai guérie, j’aurai le droit de le reprendre, j’épouserai mon ami et tout sera bien.
- Mais tu n’es donc pas guérie ? lui demande-t-on.
- Oh non, dit-elle tristement, je n’ai plus le droit de me servir de ma machine à coudre.
- Pourquoi ?
- Ah, c’est terrible ! Il y a deux ou trois tout petits bonshommes plus petits encore que mon pouce, qui habitent ma machine. Et quand je couds, ils se mettent à pousser des cris effroyables et à pleurer, car l’aiguille les perce de part en part, et même la nuit, leurs sanglots me réveillent parce que leurs blessures les font énormément souffrir. Je ne sais pas comment tout ça va tourner, car je gagne ma vie en faisant de la couture.
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Info: Dans "L'homme-jasmin", pages 82-83
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