La sublimation a vécu. La pulsion a trouvé un regain de toute-puissance dans un monde qui ne supporte aucune limite pour la satisfaire. Immédiateté, vitesse, fluidité appellent une société sans frustration ni délai. Que ce soit dans l’espace public (les actualités, les faits divers, la pornographie normative, les attitudes "décomplexées") ou sur le divan (patient déprimé, désaxé), la société post-industrielle et post-traumatique de l’après-guerre admet mal qu’on "sublime". Il faut au sujet narcissique un champ opératoire simple et direct à ses pulsions, sinon, il se déprime. La frustration n’est plus supportable, trouvons-lui donc sans cesse de nouveaux objets à ses appétits. L’abstraction, le style, la précision sont passés à l’ennemi, toutes ces choses nous "ralentissent". On ne possède pas un livre, ce n’est ni un investissement ni un instrument ; la lecture prend du temps, et ne produit rien d’autre qu’une capacité accrue à rêver et à penser. L’absence de style dans les productions culturelles est aussi préoccupante que le sont les vies sous pression, moroses et fonctionnelles - tellement plus nombreuses que des vies habitées, voulues.Un monde qui parvient à sublimer est un monde qui prend une forme, qui n’est pas informe comme l’actuelle confusion générale destine le nôtre à l’être.
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