autodérision

Ce qui caractérise la psychanalyse, c’est qu’il faut l’inventer. L’individu ne se rappelle de rien. On l’autorise à déconner. On lui dit : "Déconne, déconne mon petit ! ça s’appelle associer. Ici personne ne te juge, tu peux déconner, à ton aise". Moi, la psychiatrie, je l’appelle la déconniatrie. Mais, pendant que le patient déconne, qu’est-ce que je fais ? Dans le silence ou en intervenant – mais surtout dans le silence -, je déconne à mon tour. Il me dit des mots, des phrases. J’écoute les inflexions, les articulations, où il met l’accent, où il laisse tomber l’accent… comme dans la poésie.
J’associe avec mes propres déconnages, mes souvenirs personnels, mes élaborations quelconques. Je suis presque endormi, il est presque endormi. On dit au type "Déconne!". Mais ce n’est pas vrai, il s’allonge, il veut avoir raison, il fait des rationalisations, il raconte des histoires précises du réel : "Mon père par ci, ma mère par là…" Et il ne déconne jamais. Par contre, moi, je suis obligé de déconner à sa place. Et avec ce déconnage que je fais – à partir de l’accent et de la musique de ce qu’il dit, davantage que de ses paroles – je remplis mon ventre. Et alors, de temps en temps, je me dis : tiens, si je lui sortais ça maintenant, une petite interprétation ?

Auteur: Tosquelles François

Info: https://vimeo.com/167991974

[ décrochage ] [ affects joyeux ] [ réinvention ] [ poids des mots ] [ attention flottante ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

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