Pendant les cinquante années de sa vie, [ma mère] ne se reposa pas une seule fois, elle ne se croisa pas une seule fois les bras ; elle travaillait et s’évertuait comme une fourmi, mais sans aucune utilité, ce que nul ne dira d’une fourmi. Un ver infatigable la rongeait nuit et jour. Une fois seulement je la vis parfaitement tranquille, et cela dans son cercueil, le lendemain de sa mort. Aussi son visage me semblait-il vraiment exprimer un silencieux étonnement. On aurait dit que ses lèvres à demi fermées, ses joues creuses et ses yeux paisiblement immobiles respiraient ces paroles : "Qu’il fait bon ne pas bouger !" Oui, certes, il est bon de se dépouiller enfin de l’accablante conscience de la vie, de la sensation continue et inquiète de l’existence !
Auteur:
Info: Le Journal d'un homme de trop
Commentaires: 0