colonialisme

Il y a à peine quelques années, un de ces hommes grossiers, incultes, sauvages, qui trop souvent cherchent dans le métier de missionnaire un exutoire à leur paranoïa ou à leur bêtise (bien plus d’ailleurs protestants américains que catholiques), vint importuner Vera, l’Éclair, grand cacique des Mbya. L’indien fumait pensivement devant sa hutte, vêtu de loques puantes, tout en écoutant le bavardage édifiant du Juru’a qui lui parlait de God et du salut. Las de telles inepties, Vera se lève, disparaît dans son tapy et surgit, transfiguré : en un dieu, en un karai ru, s’est métamorphosé le clochard minable de tout à l’heure. Abandonnés, les oripeaux de blanc : le jeguaka, l’ornement rituel des hommes, coiffure de coton surmontée d’une couronne de plumes aux vives couleurs et que prolongent sur le dos nu des franges, couvre sa tête ; pour seul vêtement, un cache-sexe de coton également ; à la main, un bâton de bois dur finement poli, insigne de son commandement. Une lumière d’orage nimbe le chef, le mburivicha : celui qui est grand par la force de sa foi en les dieux. Et voici ce qu’entendent les oreilles sourdes de l’évangéliste, les tonnantes paroles de l’Éclair : "Écoute, Juru’a ! À vous, les blancs, furent impartis la savane et l’abondance des choses. À nous, les Mbya, furent laissés la forêt et le peu de bien. Que cela continue ainsi. Que les blancs restent chez eux. Nous autres Mbya n’allons pas vous déranger dans vos demeures. Nous sommes des Ka’aygua, des habitants de la forêt. Éloigne-toi de ma maison, va-t’en, ne reviens jamais plus !".

Auteur: Clastres Pierre

Info: Chronique des indiens Guayaki

[ arrogance ] [ irruption ] [ respect ] [ et in arcadia ego ]

 

Commentaires: 3

Ajouté à la BD par Plouin

Commentaires

miguel, admin@admin.com
2020-04-20 06:08
Attention les gros guillemets !

Sinon qu'entendez-vous par "et in arcadia ego"... g une idée bien sûr, mais ça m'intéresse que vous me la conceptualisiez au plus simple.

C'est ce qui est bien avec vous, vous amenez des problématiques... qui nous font avancer. Ici je crois que vous vous laissez un peu emporter par une forme de "secondéité" si j'ose dire... L'interprétant prend trop de place, ce qui est encore prématuré à un stade de développement de FLP qui, si tout va bien, le permettra bcp mieux un jour, mais stop.
Bref comme catégorie ça pose problème : a) expression latine donc éloignement du franco/français... b) 4 termes, c) formule pas spécialement établie dans l'inconscient collectif
D'autant que nous pensons que si les langues anciennes sont d'un inestimable intérêt elle ont aussi en quelque sorte "verrouillé" les pensées, ce qui nous porte à les considérer avec précaution.
Voilà, "et in arcadia ego" ira très bien en tag, mais en catégorie nous allons essayer de trouver mieux, pas nécessairement à l'identique pour les 2 extraits. Le concours est ouvert...
Plouin, pf.plouin@gmail.com
2020-04-20 07:43
Les gros guillemets: ah, zut, j'ai oublié, pardon pardon
Et in Arcadia ego : dans le tableau de Poussin et son commentaire par Bonnefoy, c’est la découverte fortuite d’une Arcadie heureuse par des bergers, figures convenues de l’homme simple, la révélation qui leur est faite en pleine nature d’un éden. Mais l’inscription apparait sur un tombeau et se relit sombrement : moi, la mort, j’existe, je suis passée en Arcadie.
Je rapproche ce mythe de celui du bon sauvage chez Clastres, du retour à la simplicité chez Thoreau. Donc un thème, mais trop allusif, alors plutôt un tag. J’ai encore du mal dans cette hiérarchie !
miguel, admin@admin.com
2020-04-20 08:38
On en a tous... ;-)