mal du pays

Que faisait-il ici, chez des étrangers ? S’il avait été chez lui, dans son havre de pêche, il aurait pu aller en hiver aux Lofoten et prendre des merlans en été. Il aurait pu faire beaucoup, beaucoup de choses et vivre content. Alors il aurait épousé la petite Ragna et pris la ferme de ses parents ; il y aurait élevé son bétail, cultivé ses champs. Oui, il n’aurait pas eu besoin de rôder un soir d’hiver, comme aujourd’hui, en gémissant de chagrin et d’amour !
Il se sentait abandonné, il avait la nostalgie, il voulait retourner chez lui. Son village était pauvre, mais clair et riant en été : hanté par les nymphes et les génies des eaux ; fertile en légendes l’hiver. Il n’y avait pas un endroit pareil. Et ceci seulement : Ragna avait une si jolie bouche quand elle riait, étant petite et tout le temps qu’elle avait grandi ! Tous les enfants avaient un si joli sourire au village ! Et, s’il voulait penser à quelque chose de plus imposant encore, nulle part dans le monde entier, on ne contemplait d’aussi belles montagnes. Dès le mois de mars, on voyait arriver les étourneaux et, bientôt après, les oies sauvages. O Merveille des vols en soc de charrue et des voix d’oiseaux sous le ciel, devant quoi son père et sa mère lui avaient appris à se découvrir et à se taire ! Oui, il voulait retourner chez lui ! Il voulait faire voile vers le Nord, avec le cotre de Knoff, et retourner des Lofoten chez lui !

Auteur: Hamsun Knut

Info: Dans "Vagabonds", édition Pochothèque, trad. J. Petithuguenin, page 982-983

[ souvenirs ] [ idéalisation ] [ vie rêvée ] [ regrets ] [ Heimweh ]

 

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