égoïsme

Il me parlait à moi aussi.
Il parlait de la justice et du combat qui se livre pour que règne la justice
et des ouvriers qui souffrent
et du travail continuel, et de ceux qui ont faim,
et des riches, les seuls à être nés coiffés...

Et lors, me regardant, il vit des larmes dans mes yeux
et il sourit avec plaisir, pensant que j'éprouvais
la peine qu'il éprouvait, lui, et la compassion
qu'il disait éprouver.

(Mais moi je l'entendais à peine.
Que m'importent à moi les hommes
et ce qu'ils souffrent ou croient souffrir ?
Qu'ils soient comme moi - et ils ne souffriront pas.
Tout le mal du monde vient de ce que nous nous tracassons les uns des autres,
soit pour faire le bien, soit pour faire le mal ;
notre âme et le ciel et la terre nous suffisent.
Vouloir plus est perdre cela, et nous vouer au malheur. )

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: In "Le gardeur de troupeaux", éd. Poésie-Gallimard, p. 83 - trad. A. Guibert - le poème d'où est extraite la citation, est signé Alberto Caeiro : le chantre d'un rapport direct avec la nature, loin des palabres des hommes

[ politique ] [ malentendu ] [ nature ]

 

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