Si, par hasard ou par miracle, les mots s’envolaient, nous serions plongés dans une angoisse et une hébétude intolérables. Ce mutisme subit nous exposerait au plus cruel supplice. C’est l’usage du concept qui nous rend maîtres de nos frayeurs. Nous disons : la Mort – et cette abstraction nous dispense d’en ressentir l’infini et l’horreur. En baptisant les choses et les événements nous éludons l’Inexplicable : l’activité de l’esprit est une tricherie salutaire, un exercice d’escamotage ; elle nous permet de circuler dans une réalité adoucie, confortable et inexacte. Apprendre à manier les concepts – désapprendre à regarder les choses… La réflexion naquit un jour de fuite ; la pompe verbale en résulta.
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Info: Dans "Précis de décomposition" in Œuvres, éditions Gallimard, 1995, page 688
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