Oublieux qu'il n'y a pas de discours littéraire sinon comme machination, le romancier s'est peu à peu persuadé que ce qu'il écrivait avait quelque chose à voir avec le monde dans lequel il vivait ; des critiques patients lui ont expliqué que, dans ce monde, le roman était tour à tour miroir, témoignage, interprétation ; poussé par ces suggestions insinuantes à se sous-estimer, le narrateur s'est engagé dans une désastreuse tâche idéologisante ; insatisfait du message, il a tenté la vision du monde. Corrompu par son propre sérieux et par celui des critiques, il a perdu la joie limpide du mensonge, l'irresponsabilité, la duplicité morale, l'arrogance hilare, qui sont, à mon avis, les vertus fondamentales de ceux qui s'appliquent à ce scandale perpétuel qu'est le travail littéraire.
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Info: In "Le bruit subtil de la prose", éd. Le Promeneur, p. 62
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