Jamais devant mes livres, quelle qu'ait pu être la joie à les voir, comme on dit, sortir, c'est-à-dire devenir vrais, palpables, je n'ai pu véritablement associer cette joie à celle qui me vient devant l'existence des autres livres. Jamais, en d'autres termes, aucun de mes livres n'a eu pour moi ce franc caractère d'objet fini ou cette simplicité magique d'un infini inclus à l'intérieur des pages. C'est parce que d'une certaine façon mes propres livres - je crois que cette expérience est très commune - ne parviennent pas pour moi à s'extraire de façon complètement objective de la phrase qui les porte. Cette phrase, qui est infinie, ne désigne rien de prétentieux, elle est au contraire le bien le plus commun : chacun a en lui une telle phrase, chacun, même s'il l'oublie, est une telle phrase, son murmure et son émission, son devenir et son silence.
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Info: in "Tuiles détachées", éd. Christian Bourgois, p. 11
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