Il y a autour des mots comme une sorte de contour vide, que nous ressentons parfaitement quand nous ne les trouvons pas et dont peut-être, pour ce qui est de l'écriture, la fameuse et angoissante page blanche serait la figure emblématique. Ce que nous apercevons dans ces moments resserrés, si nous nous laissons entraîner, c'est l'antériorité absolue où le langage a dû puiser pour être et pour devenir, c'est le monde muet auquel il renvoie et d'où il provient. Insituable dans le temps mais rappelée à chaque fois que le silence suspend le phrasé, cette provenance n'a ni la consistance d'un monde que nous pourrions atteindre, ni l'obscurité d'une origine déclarée - ou perdue -, mais elle étend sous le langage l'équivalent d'une sorte de nappe phréatique, qui est aussi le songe où il puise.
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Info: in "Naissance de la phrase", éd. Nous, p.14
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