nucléaire

Si l’on réussit à maîtriser l’énergie atomique, et on y réussira, un nouveau développement du monde technique commencera alors. Les techniques du film et de la télévision, celles des transports, en particulier par air, celles de l’information, de l’alimentation, de l’art médical, toutes ces techniques telles que nous les connaissons aujourd’hui ne représentent sans doute que de premiers tâtonnements. Personne ne peut prévoir les bouleversements à venir. Mais les progrès de la technique vont être toujours plus rapides, sans qu’on puisse les arrêter nulle part. Dans tous les domaines de l’existence, l’homme va se trouver de plus en plus étroitement cerné par les forces des appareils techniques et des automates. Il y a longtemps que les puissances qui, en tout lieu et à toute heure, sous quelque forme d’outillage ou d’installation technique que ce soit, accaparent et pressent l’homme, le limitent ou l’entraînent, il y a longtemps, dis-je, que ces puissances ont débordé la volonté et le contrôle de l’homme, parce qu’elles ne procèdent pas de lui.

Auteur: Heidegger Martin

Info: Sérénité, in Questions III et IV, Gallimard, Tel, 1966, p. 142.

[ auto-accroissement ] [ incontrôlable ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

Commentaires

Coli Masson, colimasson@live.fr
2021-08-08 17:08
Malgré l'apparence critique de cet extrait sur la question de la technologie, des nuances doivent être apportées:

"Heidegger soutient que l’essence de la technique n’a rien de technique. Ce serait encore rester prisonnier de la métaphysique de la volonté et de la puissance. En réalité, parce qu’elle semble barrer la voie vers l’Être, la technique est déjà un chemin pour le retrouver. Car l’Être, dans la modernité, se manifeste sous cette forme brutale. Tout ce qu’on pourrait en dire, c’est qu’il apparaît par éclipses pour mieux se dissimuler ensuite (La question de la technique). Ce galimatias s’éclaircit en 1969 lorsque Heidegger déclare dans un entretien sur la chaîne allemande Z. D. F., qu’il faut récuser le malentendu selon lequel il serait contre la technique (entendue au sens cité plus haut, d’un auto-accroissement du système technicien). On a plutôt
l’impression, effrayante, qu’il incite à attendre l’intensification de la machination du monde, afin qu’émerge de cette domination totale un Übermensch technologique. Le gigantisme technicien, qu’il s’agisse de la conquête de l’espace ou de l’immersion dans les niveaux microscopiques de la matière, ouvre le domaine de l’incalculable. Mais l’ombre de la technique « annonce autre chose, dont le savoir nous est présentement suspendu ». Le mystère se résout dans la parole du poète Hölderlin, ultime pirouette du penseur de Todtnauberg : « là où est le danger, là aussi croît ce qui sauve »."

(PMO, https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/gu_nther_anders_et_hanna_arendt_-_notre_bibliothe_que_verte_-2.pdf )