La salle à manger et la bibliothèque ne formaient plus qu'une seule grande pièce vide ne contenant qu'un ou deux meubles. Je n'essaierai pas de les décrire car je ne suis pas sûr de les avoir vus, malgré l'aveuglante lumière. Je m'explique. Pour voir une chose il faut la comprendre. Un fauteuil présuppose le corps humain, ses articulations, ses divers membres ; des ciseaux, l'action de couper. Que dire d'une lampe ou d'un véhicule ? Le sauvage ne perçoit pas la bible du missionnaires : le passager d'un bâteau ne voit pas les mêmes cordages que les hommes d'équipage. Si nous avions une vision réelle de l'univers peut-être pourrions-nous le comprendre.
Aucune des formes insensées qu'îl me fut donnée de voir cette nuit-là ne correspondait à l'être humain ni à un usage imaginable.
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Info: Le livre de sable. There are more things, pp 67, 68. Folio. Gallimard 1978
Commentaires: 3
miguel
28.11.2021
Je suis grand fan de JLB
Benslama
28.11.2021
adéquation ? (ou : inadéquation ?) les meubles sont adaptés à un usage (adéquats) - mais ne sont pas adaptés au monde (aux capacités perceptives) du narrateur
Benslama
28.11.2021
une des citations qui m'a marquée, dans ma jeunesse, et que j'ai souvent répétée, dans les discussions...