Le totalitarisme exige en fait une altération continue du passé et, au bout du compte, exige sans doute que soit niée l’existence même de vérité objective. Les amis du totalitarisme dans notre pays ont tendance à expliquer que, dans la mesure où l’on ne peut accéder à la vérité, un gros mensonge n’est pas plus grave qu’un petit. On fait remarquer que toutes les annales historiques sont orientées et inexactes, et d’autre part que, la physique moderne ayant prouvé que ce qui nous semble être le monde réel n’est qu’une illusion, s’en remettre à ses seuls sens n’est qu’un philistinisme vulgaire. Une société totalitaire qui parviendrait à se perpétuer causerait sans doute en nous une schizophrénie de la pensée, où les lois du bon sens s’appliqueraient bien à la vie quotidienne et à certaines sciences exactes alors que le politicien, l’historien et le sociologue n’auraient pas à en tenir compte.
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Info: Dans "Pourquoi j'écris ?", trad. de l'anglais par Marc Chénetier, éditions Gallimard, 2022, pages 53-54
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