Les attaques du 11 septembre 2001 ont été un formidable prétexte pour accélérer le développement de la dernière grande passion occidentale, la seule que les Occidentaux soient encore en état de s’offrir, et ce n’est nullement la guerre mais la petite manie maniaque de la sécurité ou de l’assurance tous risques. Et qu’en l’occurrence le troupeau abattu ne soit pas le bon (celui qui propage le virus du terrorisme international) n’a aucune importance. Ce qui compte c’est d’appliquer le principe préventif des abattages dissuasifs (les troupeaux voisins y regarderont à deux fois, maintenant, avant de nous emmerder). Mais ce principe, lui non plus, n’est pas historique. Il n’est que médical et prophylactique. Il relève de l’obsession de l’assurance-vie, c’est-à-dire du terrorisme de la survie, du contrôle de la mort par sa neutralisation. Et jamais, dans l’Histoire, aucune guerre n'a été décidée sur le modèle des traitements contraceptifs élevés au niveau de la géopolitique. Quand être protégé est la dernière preuve que l’on parvienne encore à s’administrer que l’on n’est pas mort, c’est la vie elle-même qui est pour ainsi dire dissuadée par sa protection même. Après l’Histoire, écrirait aujourd’hui Hegel, la vie protégée, c’est-à-dire la mort par anticipation, vit une longue vie humaine. Et fabriquer de la sécurité est la dernière activité, le dernier faire qui donne encore l’impression que l’on fait quelque chose. Le droit d’ingérence, dans ces conditions, devient aussi le droit du plus mort.
Auteur:
Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1537-1538
Commentaires: 0