Qu'est-ce-que vous croyez, monsieur Mendez ? Que je l'ai fait par méchanceté ? Que je l'ai prémédité ? Que je l'ai voulu ? Peut-être, oui, peut-être que je l'ai voulu, monsieur Mendez, c'est la vérité ; mais ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est le temps. Vous l'ignorez, mais le temps fait aussi des choses, monsieur Mendez, il entre dans vos yeux, il les teint de cendre, il entre dans votre sang, il le teint de chrysanthème, il entre dans vos doigts, il les teint de la couleur de vos murs, de vos vêtements rangés dans les placards, de votre escalier mort. Et même de vos photos de petite fille. C'est le temps qui fait les choses, monsieur Mendez : tout à coup il est là et on sent qu'il vous pousse, qu'il dirige vos mains , qu'il ennuage vos pensées et brûle votre langue. C'est que vous, vous n'avez pas toujours vécu dans cet appartement. Ou dans un appartement comme celui-ci. Pas vrai, monsieur Mendez ? Alors, vous ne savez pas ce que sont d'abord les illusions, puis la résignation,et enfin le sentiment de ce qui ne sera plus, le sentiment de la vie qui passe devant une fenêtre où l'on découvre qu'on est toujours restée immobile.
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Info: La Dame de cachemire
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