Mon Dieu, que de vers ! Que de poèmes ! Jamais la Russie n’a connu une époque pareille, ni avant, ni après. La poésie remplissait le vide sans air, elle se transformait elle-même en air. C’était peut-être "de l’air dérobé", comme a dit Mandelstam. La plus haute reconnaissance, pour un poète, ce n’est pas le prix Nobel, mais le bruissement de ces feuillets recopiés à la machine et à la main, avec des fautes et des coquilles, presque illisibles : Tsvétaïeva, Akhmatova, Mandelstam, Pasternak, Soljénitsyne et, pour finir Brodsky. (…)
Le pouvoir soviétique persécutait les gens sans travail, rangeant parmi eux ceux qu’il empêchait lui-même de travailler. Le parasite Iossif Brodsky avait déjà été libéré de sa relégation dans le village de Norenskaïa, et rien ne laissait présager que cinquante ans plus tard, une salle à la mémoire de l’ancien relégué serait inaugurée dans la bibliothèque locale, et qu’une demoiselle usée entre deux âges y organiserait des visites sur le thème "Brodsky à Norenskaïa".
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Info: Le chapiteau vert, p 122
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