Ne pas se soucier du "bien écrire" ne signifie pas ne guère se préoccuper de ce qu'implique le fait de préférer un verbe particulier, d'élire tel mot plutôt que tel autre. Cela relève même, dit Amos Oz, d'un choix moral - "Les mots peuvent tuer : nous le savons que trop, mais ils guérissent aussi parfois, dans une certaine mesure." Il se rappelle avoir souvent été consterné par les mots ("puissant", "formidable", "explosif") employés pour le lancement de ses romans dans des pays dits civilisés. La dégradation, la corruption du langage, souligne-t-il à la suite de Victor Klemperer, annoncent souvent les pires barbaries :
Partout où des groupes particuliers d'êtres humains sont désignés sous les termes “d'éléments négatifs”, de “parasites” ou “d'étrangers indésirables”, par exemple ils seront traités tôt ou tard comme des sous-hommes.
Au bout du compte la question la plus essentielle que se pose l'homme de mots n'est-elle pas de savoir comment ferrailler contre l'injustice, la violence, le préjugé, en agissant de telle manière qu'il ne peut être accusée de faire des phrases ?
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Info: Chercheurs d'ombres, pp 167-168
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